Congrès extraordinaire du PS de Bagnolet

16 décembre 1973
02m 36s
Réf. 00089

Notice

Résumé :
Le congrès extraordinaire du Parti Socialiste à Bagnolet s'achève sur un discours de François Mitterrand réaffirmant toutes ses positions sur l'Europe.
Date de diffusion :
16 décembre 1973
Source :
ORTF (Collection: JT 20H )
Lieux :

Éclairage

En même temps que se réunissait à Copenhague un sommet européen des chefs d’État, les 15 et 16 décembre 1973 se tenait à Bagnolet, en région parisienne, un congrès extraordinaire du Parti socialiste (PS) consacré aux questions européennes.

Ce rassemblement des socialistes intervient après une crise interne au sein de la direction du PS. Au début du mois de novembre, François Mitterrand a pris l’initiative d’envoyer des émissaires dans les huit autres pays membres de la Communauté économique européenne (CEE). Lorsqu’il a proposé la liste de ces représentants au bureau directeur (l’organe de direction politique) du parti le 14 novembre, elle n’a été validée que par dix membres face à huit abstentions. La moitié de celles-ci venait des membres du CÉRÈS, le courant de Jean-Pierre Chevènement représentant l’aile gauche du parti mais associé à sa direction (voir ce document).

Considérant que son autorité était remise en cause, François Mitterrand a présenté sa démission du poste de premier secrétaire, démission refusée lors du comité directeur (l’équivalent du parlement du parti) du 17 novembre qui a alors décidé de la transformation de la convention en un congrès extraordinaire. Un congrès suppose la convocation des militants de l’ensemble des fédérations pour qu’ils se prononcent sur des motions, textes d’orientation politique déposés par les différents courants de pensée du parti.

En dramatisant la crise de confiance, et en cristallisant la contestation de la ligne européenne autour de sa personne, François Mitterrand est parvenu à éviter le dépôt de motions alternatives, à l’exception de celle des partisans de Guy Mollet en faveur d’une Europe « supranationale ». En effet, le CÉRÈS, sur une ligne moins européenne que Mitterrand, ne dépose finalement pas de texte, afin de poursuivre sa participation à la direction du parti.

La position en faveur d’un renforcement de la construction institutionnelle de l’Europe défendue par François Mitterrand l’emporte avec près de 80% de suffrages.

Dans la conclusion de son discours, ce dernier évoque la fragilité du pouvoir. Le président de la République Pompidou est très malade, le milieu politique s’attend à une élection anticipée, et le gouvernement est également déstabilisé par la récente affaire des écoutes du Canard enchaîné. Ce sont ces méthodes que dénonce François Mitterrand, principal opposant.
Arthur Delaporte

Transcription

(Silence)
François Mitterrand
Mais le problème est de savoir si vous, camarades, qui êtes ici présents, vous qui êtes l’avant-garde d’un parti puissant qui se développe tous les jours, vous qui avez un pacte d’unité d’action, de pensée et de gouvernement ; avec l’ensemble des représentants du monde du travail, des travailleurs en lutte, vous qui avez exprimé le commencement d’une vraie révolution dont les chemins sont à déterminer ; vous qui ne refusez rien des contacts qui mèneront à la paix, vous qui dites il faut en cesser avec l’époque militaire, vous qui dites il faut négocier la sécurité collective, vous qui dites il faut retrouver le pont jeté par-dessus l’abîme qui séparait hier, l’Europe de l’Est de l’Europe de l’Ouest ; vous qui avez raison de dire tout cela, vous qui voulez couper le cordon ombilical avec l’impérialisme américain et vous avez raison de le dire ; vous qui désirez que le socialisme représente la chance du siècle qui vient. En quoi le refus des structures et des institutions qui vous sont proposées peuvent-ils, dans votre esprit, freiner ou retarder l’heure de notre victoire ? Que l’Europe ne nous serve pas non plus d’alibi. Nous approchons du moment où le pouvoir, déraciné par toutes les bourrasques, est devenu si fragile, emploiera toutes les méthodes que l’on a vu se développer sur le sol de l’Europe au cours de notre génération. Un animal blessé est toujours dangereux, l’animal est blessé, il sera dangereux.