Le Cachat's Majestic

1920
-
Réf. 01002

Notice

Résumé :

Affiches de l'hôtel Majestic de Chamonix version été et hiver. Ces deux affiches proviennent du fonds iconographique du Musée dauphinois.

Type de média :
Date de diffusion :
1920
Source :
(Collection: Musée dauphinois )

Éclairage

La construction de l'hôtel Majestic, en 1913, témoigne d'une étape majeure du développement touristique de Chamonix, commune de Haute Savoie dont la situation géographique, entre les massifs des Aiguilles Rouges et du Mont Blanc, a fait la fortune. Territoire de haute montagne réputé hostile, le mont Blanc a constitué, à partir de la seconde moitié du XVIIIe siècle, un terrain d'exploit et d'expérimentation pour des élites scientifiques. En 1787, un an après Balmat et Paccard, les deux Chamoniards qui ont réussi la première ascension, le naturaliste et physicien Horace-Benedict de Saussure y a effectué la mesure du point d'ébullition de l'eau en altitude, inaugurant ainsi une longue tradition de séjours sportifs et bientôt de villégiature mondaine pour amateurs fortunés venant pratiquer la haute montagne avec des guides locaux.

Possession de la Maison de Savoie en 1814, la vallée de Chamonix est sous administration sarde jusqu'en 1860. L'alpinisme s'y développe - la Compagnie des guides de Chamonix est créée en 1821 – et la station s'équipe en hébergements modernes destinés à la clientèle des sportsmen (les Anglais prisent particulièrement le lieu) : hôtels de l'Union (1816), la Couronne (1832), Royal (1848)... La fréquentation est essentiellement estivale jusqu'à ce que l'ouverture de la ligne de chemin de fer Saint-Gervais-le-Fayet – Vallorcine, en juillet 1901, désenclave la vallée et permette l'instauration d'une saison hivernale. La construction du chemin de fer du Montenvers, en 1908, offre un accès facilité à la Mer de Glace ; la même année, le Club alpin français organise un concours international de ski, contribuant à faire de Chamonix l'une des premières stations de sports d'hiver en France. Alors réservée à une élite internationale fortunée, la pratique des sports de montagne se constitue en tourisme de luxe au tournant des XIXe et XXe siècles. Pour cette clientèle exigeante, familière des saisons de Nice et Deauville, de Baden-Baden et Vichy, des fastes de l'Oceanic ou du Lusitania et qui entend trouver les mêmes agréments et le même mode de vie à Chamonix, un théâtre, un casino ont été construits, des boutiques, des salons de thé, des dancings ouverts. Et de gigantesques et fastueux hôtels sont édifiés, les palaces : le Carlton, le Chamonix Palace, le Savoy... et le Majestic dont l'appellation portée sur l'affiche, « Cachat's Majestic », signale peut-être l'appartenance à la « Société des Hôtels Cachat », raison sociale franco-suisse fondée en 1913 à Evian.

C'est dans ce contexte d'expansion du tourisme international et de compétition entre les palaces, à Chamonix même mais aussi dans les Alpes, où les établissements suisses, jugés plus confortables, sont particulièrement prisés, qu'on été créées les célèbres affiches publicitaires pour l'hôtel Majestic (156 x 115 cm), conservées au Musée Dauphinois de Grenoble. Chacune illustre une saison de la station, l'hiver et l'été, et met en scène à la fois l'établissement et les activités qu'il offre. Point n'est besoin de décrire ses commodités : l'édifice, dont la façade est représentée de trois-quarts, n'occupe pas moins des deux-tiers de l'affiche ; son gabarit, sa silhouette harmonieuse, les jardins qui l'entourent et surtout les occupations de ceux qui le fréquentent désignent son statut de palace. En hiver, dans un paysage enneigé, place aux séjours familiaux, aux joies du ski, de la luge, des promenades en traîneau ; en été, on joue au tennis, on organise des excursions en automobile, quelques vacancières promènent leur chien... Dans un cas comme dans l'autre, les villégiateurs à l'élégance nonchalante évoluent en groupe, reflétant l'un des éléments essentiels de la vie de palace, qui procure sur place tous les agréments d'un séjour marqué par la pratique de l'entre-soi. Parallèlement, les drapeaux figurant sur le toit (Etats-Unis, France, Grande-Bretagne – singulièrement le Red Ensign de la Royal Navy et non l'Union Jack, peut-être pour un pendant formel au drapeau américain) font valoir son statut international.

La mise en page, projetant l'édifice sur un décor de montagnes enneigées - aussi bien l'hiver que l'été, suffisant ainsi à représenter le mont Blanc -, ne fait aucune place au village de Chamonix ; certes, le Majestic, comme tous les palaces, est alors situé à sa lisière. Cependant, le mode de narration propre à l'affiche opère : à la différence de la photographie, elle dispense une vision idéalisée., que le style figuratif et pictural propre à la production française d'affiches contemporaine a tendance à gommer En effet, des documents à peine plus tardifs, notamment des cartes postales, montrent que si le bâtiment est fidèlement reproduit, le site l'est beaucoup moins ; les publicités situent l'hôtel sur une cime dégagée alors qu'il est en réalité implanté sur un replat, cerné de sommets et de petits immeubles.

Dessinées par Jacques Aragonez de Faria (1898-1956), les affiches ont été imprimées en chromolithographie à l'Atelier Faria, comme l'indique la mention inscrite en marge. Spécialisé dans cette technique anglaise importée en France par Jules Chéret (1866) permettant l'impression de documents en couleurs à moindre coût, l'atelier a été fondé vers 1885 par Candido Aragonez de Faria (1849-1911), caricaturiste brésilien installé à Paris en 1882 ; il y produira entre autres un nombre important d'affiches notamment pour Pathé. Son fils Jacques lui succède ; affichiste, peintre et lithographe, il dessine surtout des affiches pour le cinéma (A la conquête du pôle de Georges Méliès, Crise, réalisé par Pabst, Intrigue, avec Greta Garbo, Frankenstein, Petite Princesse de Walter Lang avec Shirley Temple, Le visiteur avec Pierre Fresnay...) et pour le cirque (Amar, Medrano, Le Cirque d'Hiver). Quoique le style du dessin, l'harmonie des couleurs, le cadre et le lettrage sobres suggèrent de dater les affiches du début du XXe siècle – et qu'elles soient communément attribuées à Candido Aragonez de Faria, or l'hôtel Majestic est inauguré en 1913 alors que Candido disparaît en 1911 -, deux éléments au moins permettent d'affirmer qu'elles ont été produites après 1920 : l'affiche « été » est titrée « Chamonix Mont-Blanc », dénomination de la commune demandée par son conseil municipal en janvier 1920 conféré par décret du 21 novembre 1921 ; d'autre part l'atelier Faria est, selon la mention en marge de l'affiche, situé « rue de Clignancourt », adresse où il a été transféré en 1920. Aujourd'hui, le bâtiment restauré accueille au rez-de-chaussée le centre de congrès de Chamonix, les étages ont été transformés en appartements. Signe puissant du prestigieux passé de Chamonix, il figure un élément majeur de son patrimoine.

Bibliographie :

- Aragonez de Faria Philippe (1994-1999) Biographie et œuvre de Cândido de Faria et de Jacques de Faria. Le Chesnay : atelier Faria, XIX + 2 vol. (BnF).

- Inventaire des typologies – Chamonix, texte de Yves MUGNIER, Architecte - Conseil Général de la Haute-Savoie, juillet 2004, 44p.

- " Les Alpes à l'affiche", exposition présentée au Musée dauphinois de Grenoble (6 novembre au 30 janvier 1998). Commissaire : Chantal Spillemaecker.

Florence Charpigny