La sardine à Saint-Gilles-Croix-de-Vie
31 août 1992
05m 17s
Réf. 00221
Notice
Résumé :
Evocation du passé sardinier de Saint-Gilles-Croix-de-Vie, cartes postales et témoignages à l'appui. Autrefois abondantes, elles représentent aujourd'hui 7 % des pêches du port vendéen mais sont désormais trop grosses pour être mises en conserve. Les conserveries s'approvisionnant donc de plus en Méditerranée.
Type de média :
Date de diffusion :
31 août 1992
Source :
FR3
(Collection:
FR3 Pays de Loire actualités édition de Nantes
)
Personnalité(s) :
Thèmes :
Lieux :
Éclairage
De Thalassa aux publications du Chasse-Marée, nos représentations du monde de la mer sont marquées par l’admiration pour les bateaux d’autrefois et le respect pour les marins qui les manœuvraient. On oublie trop souvent le caractère très rude du système économique dans lequel ces figures aujourd’hui médiatiques évoluaient alors. Le navire était un outil de travail, un capital à rentabiliser. Le marin représentait la variable humaine, une charge à réduire autant que possible. Le poisson était une matière première destinée à deux marchés ayant des règles distinctes : poisson vendu en « vert » (ou frais) qui bénéficiait de cours avantageux, poisson de conserverie qui était acheté à vil prix par les industriels. Cette industrie de la conserverie était elle même un monde rude pour sa main d’œuvre, féminine en majorité, et pour ses fournisseurs, dont elle exigeait le meilleur prix et une régularité des livraisons.
Deuxième port de pêche vendéen en 1992, Saint Gilles Croix de Vie doit son statut à ce produit qui ne représentait plus que 7% de ses apports, la sardine n’occupant plus que 10 à 15 navires (sur une centaine) pour une livraison de 5 à 8 tonnes par jour (10 à 15% des apports 1990). Les changements environnementaux ont fait fuir les bancs sous d’autres latitudes et le marché unique européen a fait disparaître l’exclusivité traditionnelle des flottes côtières sur la ressource locale. En 1992, le port ne comptait plus qu’une seule conserverie, contre 13 en 1890. Encore active aujourd’hui, la conserverie Gendreau traite surtout des sardines méditerranéennes : la sardine atlantique, tout en se raréfiant, est devenue trop grosse pour être mise en conserve.
Le contraste est saisissant avec les témoignages livrés par un ancien pêcheur, M. Robriquet, et un ouvrier retraité des conserveries, M. Bénéteau. S’ils évoquent la Libération, une grande époque pour la sardine vendéenne, leurs souvenirs éclairent aussi les luttes menées autour du produit, avec pour point focal sa commercialisation en frais et en conserve. La sardine faisait alors l’objet d’une pêche menée par une nuée de navires, la plupart étant des voiliers motorisés, qui pouvaient sortir deux fois par jour, à chaque marée. Les sardines vendues en frais étaient celles qui assuraient aux pêcheurs leur meilleur salaire. Elles étaient débarquées à Croix-de-Vie, où les femmes s’employaient à les ranger sur un lit de fougère, dans des caissettes, par 200 ou par 500, avant expédition par les marchands de marée. Ces femmes gagnaient là un complément de revenu, car elles étaient aussi employées dans les conserveries, d’où elles s’absentaient le temps du débarquement de la marée, avant de revenir terminer leur service, à l’usine.
Les conserveurs avaient appliqué à cette main d’œuvre féminine les principes du travail à la chaîne, d’ailleurs encore en vigueur chez Gendreau (fondé en 1903). Ils réduisaient aussi leurs coûts de production en achetant le moins cher possible les sardines invendues en frais. Dans ce contexte, la CGT qui regroupait le tiers des marins en 1945 et pouvait s’appuyer sur un parc de 25 à 30 patrons, lança l’initiative d’une coopérative, de manière à rompre les liens de dépendance pêche–industriels et en vue d’assurer de meilleurs prix. Cette expérience tourna court dès le début des années 1950. Les conserveurs choisirent en effet d’aller chercher en Méditerranée une sardine qui arrivait par la route, à heure fixe, et leur permettait une plus grande régularité dans leurs ateliers. Cet afflux de marchandise eut pour double conséquence, d’abord de tasser les cours du poisson, ce qui poussa de nombreux patrons de pêche à abandonner la sardine, faute de prix rémunérateurs, et ensuite de sonner la fin de l’expérience très originale de la coopérative.
Deuxième port de pêche vendéen en 1992, Saint Gilles Croix de Vie doit son statut à ce produit qui ne représentait plus que 7% de ses apports, la sardine n’occupant plus que 10 à 15 navires (sur une centaine) pour une livraison de 5 à 8 tonnes par jour (10 à 15% des apports 1990). Les changements environnementaux ont fait fuir les bancs sous d’autres latitudes et le marché unique européen a fait disparaître l’exclusivité traditionnelle des flottes côtières sur la ressource locale. En 1992, le port ne comptait plus qu’une seule conserverie, contre 13 en 1890. Encore active aujourd’hui, la conserverie Gendreau traite surtout des sardines méditerranéennes : la sardine atlantique, tout en se raréfiant, est devenue trop grosse pour être mise en conserve.
Le contraste est saisissant avec les témoignages livrés par un ancien pêcheur, M. Robriquet, et un ouvrier retraité des conserveries, M. Bénéteau. S’ils évoquent la Libération, une grande époque pour la sardine vendéenne, leurs souvenirs éclairent aussi les luttes menées autour du produit, avec pour point focal sa commercialisation en frais et en conserve. La sardine faisait alors l’objet d’une pêche menée par une nuée de navires, la plupart étant des voiliers motorisés, qui pouvaient sortir deux fois par jour, à chaque marée. Les sardines vendues en frais étaient celles qui assuraient aux pêcheurs leur meilleur salaire. Elles étaient débarquées à Croix-de-Vie, où les femmes s’employaient à les ranger sur un lit de fougère, dans des caissettes, par 200 ou par 500, avant expédition par les marchands de marée. Ces femmes gagnaient là un complément de revenu, car elles étaient aussi employées dans les conserveries, d’où elles s’absentaient le temps du débarquement de la marée, avant de revenir terminer leur service, à l’usine.
Les conserveurs avaient appliqué à cette main d’œuvre féminine les principes du travail à la chaîne, d’ailleurs encore en vigueur chez Gendreau (fondé en 1903). Ils réduisaient aussi leurs coûts de production en achetant le moins cher possible les sardines invendues en frais. Dans ce contexte, la CGT qui regroupait le tiers des marins en 1945 et pouvait s’appuyer sur un parc de 25 à 30 patrons, lança l’initiative d’une coopérative, de manière à rompre les liens de dépendance pêche–industriels et en vue d’assurer de meilleurs prix. Cette expérience tourna court dès le début des années 1950. Les conserveurs choisirent en effet d’aller chercher en Méditerranée une sardine qui arrivait par la route, à heure fixe, et leur permettait une plus grande régularité dans leurs ateliers. Cet afflux de marchandise eut pour double conséquence, d’abord de tasser les cours du poisson, ce qui poussa de nombreux patrons de pêche à abandonner la sardine, faute de prix rémunérateurs, et ensuite de sonner la fin de l’expérience très originale de la coopérative.
Thierry Sauzeau