Ambiance de fête à Rennes au soir des élections présidentielles
Notice
A l'annonce des résultats des élections présidentielles, les Rennais se sont réunis place de la mairie hier soir. Un grand bal populaire a été improvisé pour fêter la victoire du socialiste François Mitterrand.
Éclairage
10 mai 1981 : la France a pour la première fois de son histoire un président de la République française socialiste, élu au suffrage universel direct. En Bretagne comme ailleurs, ce résultat donne lieu à de nombreuses fêtes populaires le soir même, voire le lendemain sur les lieux de travail. Cette victoire de la gauche soulève de grandes attentes après 23 ans d'opposition ; dans la région, là aussi pour la première fois de son histoire, la gauche joue à jeu égal avec la droite, fruit d'une évolution assez récente.
En effet, depuis la fin du XIXe siècle, sur les cartes électorales, on avait l'habitude de voir la Bretagne en noir, symbole de son poids électoral en faveur de la droite. Puis, tant que de Gaulle a été président de la République (jusqu'au 28 avril 1969), les Bretons n'ont cessé d'affirmer leur gaullisme tant au regard de la croissance économique que du charisme du général de Gaulle, dans une région où le souvenir de la guerre et de la Résistance est vivace.
À partir du début des années soixante-dix, le comportement politique breton lors des élections (présidentielles, législatives, municipales) a changé et a eu tendance à moins se singulariser de l'ensemble de la France. L'onde de choc des idées de 68 et la réorganisation des forces politiques à gauche (un parti socialiste rénové lors du congrès d'Épinay de 1971, puis la signature du Programme commun de gouvernement) se sont conjuguées pour favoriser l'ascension en voix et en sièges des forces de gauche. Aux élections législatives de 1978, la gauche apparaît comme une force montante. Les villes, en particulier, lui donnent des votes plutôt favorables comme à Rennes avec près de 51 % des suffrages exprimés. En vingt ans, le rapport droite-gauche lors des élections législatives s'est complètement transformé. Aux présidentielles de 1981, le résultat le plus significatif est incontestablement celui de François Mitterrand au premier tour. Non seulement il fait mieux que le Parti socialiste (PS) aux législatives de 1978 en Bretagne (+ 2,3 %), mais surtout, il obtient un meilleur résultat que la moyenne nationale (+1,2 %) ! Ce résultat donne désormais l'image d'une Bretagne politique nouvelle. Au second tour, le premier secrétaire du PS arrive en deuxième position en Bretagne avec moins de 2 points d'écart. La faiblesse de l'implantation du PCF à l'échelle de la péninsule ne pouvait lui permettre de franchir la barre des 50%. En effet, dans le reste du pays, François Mitterrand bénéficie du report des voix écologistes et communistes. Département toujours plus à gauche que les autres, seules les Côtes-du-Nord lui donnent la majorité absolue (55,5 % des suffrages exprimés).
Un des enseignements les plus intéressants de cette présidentielle est que les principales villes bretonnes votent désormais à gauche : Brest (51 %), Lorient (53,4 %), Rennes (56,2 %) et Nantes (57,2 %). Le vote des villes de Rennes et de Nantes, les fêtes qui célèbrent cette victoire révèlent l'ampleur des transformations sociales qui sont intervenues dans le dernier quart du XXe en Bretagne. L'effondrement du monde agricole, au vote plus traditionnel et le développement des classes moyennes salariées, entrainent une nouvelle orientation politique à l'échelle de la péninsule. Celle-ci s'appuie incontestablement sur la transformation sociologique induite par la modernisation ultra rapide qui a affecté la Bretagne depuis le milieu des années soixante.
Bibliographie :
- Michel Nicolas et Jean Pihan, Les Bretons et la politique. Trente ans de scrutins en Bretagne, 1958-1988, Rennes, PUR, 1988.
- Jacqueline Sainclivier, La Bretagne de 1939 à nos jours, Rennes, éd. Ouest-France, coll. "Université", 1989.