Odorico

24 juillet 1992
10m 32s
Réf. 00232

Notice

Résumé :

Isidore Odorico, originaire d'Italie, est issu d'une famille de mosaïstes. Après des études aux Beaux-Arts de Rennes, il reprend l'atelier familial. Artisan et artiste, il exerce notamment son talent en décorant des maisons de l'Ouest.

Type de média :
Date de diffusion :
24 juillet 1992
Source :
FR3 (Collection: Estivales )
Personnalité(s) :

Éclairage

Isidore Odorico, artiste mosaïste, est né en 1893 et décédé en 1945. Fils d'une famille d'artisans italiens, il suit des études à l'école des Beaux-Arts de Rennes. C'est après la Première Guerre mondiale qu'il reprend l'entreprise de son père. Sa formation artistique lui permet de créer des motifs inspirés de manière tout à fait personnelle par l'art déco alors répandu. Il développe considérablement l'entreprise entre les deux guerres, la région n'ayant pas de tradition dans ce domaine.

Comme ses parents, il utilise la pose par inversion inspirée par les procédés de restauration des mosaïques antiques et importée de sa région d'origine, le Frioul ( Italie). Cette technique lui permet de préparer en atelier des fragments plus sophistiqués, installés ensuite sur le chantier. Cela permet aussi un coût moins élevé.

C'est essentiellement dans l'ouest de la France qu'Isidore Odorico collabore avec des architectes.

En savoir plus :

L'art déco : un style du début du XXe siècle.

En 1925 se tient à Paris l'Exposition Internationale des Arts Décoratifs et Industriels Modernes. Cet événement permet au style Art déco de se révéler en réaction à l'Art nouveau alors dominant. En effet, l'Art nouveau est contesté en France comme en Allemagne ou aux Pays-Bas. On le qualifie de " style nouille ", aux formes molles. Ces formes prennent leur source dans la nature, souvent dans la végétation, créant des lignes ondulées. La période après la Première Guerre mondiale, temps de reconstruction, est propice aux innovations techniques, industrielles, artistiques. L'Art déco privilégie les formes épurées et géométriques. Au début du siècle sont nés de nouveaux mouvements artistiques comme le fauvisme et le cubisme. Matisse, Derain, Vlaminck, peintres fauves, choisissent des couleurs exacerbées, des tons purs et saturés. La couleur n'est plus essentiellement descriptive. Quelques années plus tard, les cubistes comme Picasso et Braque interrogent à nouveau la théorie de Paul Cézanne pour qui "la nature peut se traiter par le cylindre, la sphère, le cône". L'art cubiste va pousser à une simplification des formes, une orientation vers des lignes simples, des formes droites. Dans l'Art déco, les figures sont stylisées, les motifs régulièrement répétés. La recherche d'élégance est permanente et oriente le choix vers des matériaux nobles comme des bois rares, des tissus aux couleurs raffinées, des dorures. La volonté de modernité fait utiliser des matériaux fonctionnels comme le verre, la céramique et l'acier qui sont habituellement utilisés par l'industrie.

Françoise Cocaud

Transcription

Présentateur
Odorico. Venue d'Italie, c'est le nom d'une famille de mosaïstes qui a décoré dans les années trente quelques-unes des plus belles maisons que l'on puisse trouver dans les villes de l'ouest. Avec sa technique, ses couleurs, son sens de l'ornement, Isidore Odorico est venu rappeler aux gens d'ici, de Rennes à Angers, de Morlaix à Guérande, que la façade d'une maison, comme dit le sage chinois, est à celui qui la regarde.
(Silence)
Stéphane Odorico
Ma grand-mère était italienne à cent pour cent de sang, elle est née en France, et la même chose pour mon grand-père. Donc ils ont été élevés l'un comme l'autre dans une tradition italienne, ça c'est évident. L'homme était l'homme et la femme était la femme. C'était une femme qui a passé sa vie, enfin une partie de sa vie, avec un homme qui avait deux grandes passions, la mosaïque et le football. Mon grand-père avait une vie assez tumultueuse, où il vivait pour son entreprise, donc pour la mosaïque, et il vivait pour le foot. Je crois que c'est quelqu'un qui aimait beaucoup faire la fête, qui était très exubérant, qui devait avoir très bon coeur aussi. Peut-être pas pour les gens très proches, mais qui devait avoir très bon coeur, donc c'est quelqu'un qui, ma grand-mère ne pouvait rien prévoir en fait. Elle pouvait l'attendre et il ne rentrait pas, ou elle l'attendait tout seul et ils rentraient à dix, et elle devait donc les nourrir, s'occuper des dix personnes et veiller, enfin, veiller à ce que tout se passe bien. Je crois que c'est quelqu'un de très exigeant, déjà pour lui, donc forcément pour les autres.
Mario Bortolus
De premier abord, ceux qui le regardaient, ils me disaient : il ne doit pas être facile. Mais seulement non, c'était un coeur d'or. C'était un homme que quand il avait confiance en quelqu'un, c'était illimité, c'était...
Hélène Quéné
C'est une famille de mosaïstes italiens, qui vient du Frioul, donc de l'Italie du nord, dans la province d' Udine, et qui sont venus par le biais de la diaspora qui a fait partir beaucoup d'Italiens d'Italie à cause de la pauvreté, et qui sont allés s'installer un peu partout en Europe. La famille des Odorico est arrivée donc à Rennes au XIXe siècle, et avec eux ont amené un savoir-faire, une technique tout à fait originale de pose de mosaïque de pâte de verre, mais aussi des grès cérames. Jusqu'à présent, les mosaïques sont posées petit morceau par petit morceau, devant soi à la main. A partir des années 1870, grâce à Gian-Domenico Facchina, on sait faire des plaques et on travaille la mosaïque en les collant en avant, par avant sur du papier, Et donc en retournant la feuille, on va pouvoir avoir des plaques toutes faites et les pouvoir poser dans n'importe quel endroit. Autrement dit, les mosaïstes cette fois vont rester chez eux et vont pouvoir réfléchir à leur façon de travailler, à leurs ornements, à la façon de créer, beaucoup plus à l'aise.
(Silence)
Mario Bortolus
Tous les ouvriers, c'étaient des Italiens, et on était presque une centaine d'ouvriers. Il n'y avait pas un Français, avant la guerre, il n'y en avait pas. On a commencé à faire des apprentis en ... Sûrement le premier qui a commencé en 38, pour la maison Odorico. L'Italie, toute l'équipe est venue en 30, 31. Galliano, tous ces types-là, tous sont arrivés tous ensemble. Comment il s'appelle, [Janière], [Sacinelli], [Arigo], c'était le chef de, le décoreur qui [incompris] de l'atelier quoi, avec Galliano. Parce que Galliano, c'était un [seraphini], c'était un artiste, mais il ne savait pas commander. Tout ça, il venait de l'école. Il ne savait pas du tout travailler en chantier. C'était surtout les décorations, [incompris], couper, faire les dessins, De façon à ce que la coupe, il faut qu'elle soit juste, là il y un coup d'oeil aussi. C'est comme ça qu'on voit, en sortant dans les écoles, ceux qui viennent, il y en a qui sont supérieurs aux autres. Ils ont fait les mêmes écoles mais l'idée n'est pas la même. Ils ne s'intéressent pas au travail, on a une différence de personnages. Le collage des mosaïques, tout était fait à l'atelier, mais il y avait au moins une quinzaine de femmes. Il y avait un chef d'atelier, cétait François, un gars de Rennes, un ami, qu'il est même sur ma photo de mariage, Lui, il avait appris à travailler, un métier, lui, surtout l'atelier, il s'occupait de l'atelier.
Hélène Quéné
Alors Isidore Odorico est un être assez extraordinaire, dans la mesure où on l'a connu à Rennes comme avant tout un, comment dirais-je, un commerçant, quelqu'un qui avait une énorme faconde, etc. Il n'a jamais dit qu'il avait fait un cursus complet à l'école des Beaux-arts. Ce qui fait que d'emblée il a pu se poser par rapport aux professionnels, à la fois les architectes et les autres corps de métier, comme un praticien. Ca l'a amené à concevoir des projets avec un autre niveau culturel que par exemple la première génération, celle de son père. Son père était un artisan, et un artisan, j'allais dire formé sur le tas. Tandis qu'Odorico savait travailler la mosaïque, c'était donc un mosaïste techniquement, mais aussi un artiste. Et là évidemment, c'est une dimension supplémentaire.
(Silence)
Hélène Quéné
La maison du Petit Carhuel, c'est un programme luxueux, des artistes de renommée internationale. Mathurin Méheut, Subes, autrement dit l'élite artistique. Et Odorico a été amené à transposer les dessins de Mathurin Méheut pour toutes les parties mosaïquées de la maison. Il a fallu qu'il ait cette sensibilité pour transposer un dessin peint c'est-à-dire au fond une maquette, de la transformer en mosaïque, en étant le plus sensible possible par rapport aux valeurs de la couleur de l'artiste. Et là, il a montré un savoir-faire qui a été très prisé par les architectes locaux, qui ont compris qu'il était capable d'adapter des dessins d'architectes, des dessins d'artistes à une technique mosaïquée. Et tous les architectes de renom vont savoir qu'il y a quelqu'un qui sait faire.