L'Armement Jégo-Quéré à Lorient

26 mai 1993
02m 34s
Réf. 00306

Notice

Résumé :

Le premier armement français de pêche, l'armement Jégo-Quéré basé à Lorient, traverse une crise, due à la baisse du cours du poisson. Le sort des employés est suspendu à la décision du comité inter-ministériel à la restructuration industrielle.

Date de diffusion :
26 mai 1993
Source :
FR3 (Collection: Rennes soir )
Lieux :

Éclairage

Premier armement industriel des pêches françaises, le groupe Jégo-Quéré ne fut pas le seul armement de pêche industrielle de Lorient, mais probablement le plus emblématique. Il a été précurseur dans plusieurs domaines : le chalutage par l'arrière, la rotation des équipages ou le déchargement en base avancée (au Royaume-Uni).

En 1994, quand il passe sous le contrôle du groupe espagnol Pescanova, Jégo-Quéré compte 18 chalutiers et près de 300 marins. A cette date, la multinationale espagnole devient en effet propriétaire de 55% du capital de l'armement lorientais. Pescanova est alors un des leaders mondiaux de la filière pêche et transformation, avec ses 140 navires congélateurs, ses plates-formes de transformation et de commercialisation installés sur les quatre continents. Cette décision, redoutée par les marins, intervient dans un contexte difficile, un an après le conflit des marins pêcheurs avec le gouvernement. L'effondrement des prix du poisson révélait alors la crise profonde d'une pêche française mal contrôlée et fébrile face aux concurrences extra-communautaires et intracommunautaires. La "solution" Pescanova, mise en œuvre par Jean-Yves Le Drian, maire socialiste de Lorient, et soutenue par le ministre Jean Puech, est pressentie comme un atout pour que Lorient devienne une grande place portuaire européenne mais elle montre rapidement ses limites. Le groupe espagnol ne parvient pas à redresser l'entreprise, handicapée par le vieillissement de ses navires, et, dès 1994, 20% des emplois de navigants disparaissent alors que huit bateaux sortent de la flotte. En 2000, il ne reste plus que huit bateaux et l'armement est contraint de s'arrêter trois années plus tard, alors qu'il emploie encore une centaine de salariés.

Ce tableau sombre de l'évolution du plus grand groupe de pêche français révèle les difficultés de la filière pêche en Bretagne, mais aussi l'évolution de l'activité du port de Lorient. Aujourd'hui, la Scapêche (groupe Intermarché) est le seul armement restant et les activités de transformation alimentaire ont pris le pas sur la pêche.

Sklaerenn Scuiller

Transcription

Pierre Creignou
L'armement Jégo Quéré à Lorient traverse une période difficile. C'est l'une des conséquences de la baisse des cours du poisson. Le premier armement français de pêche emploie 415 personnes, la plupart sont des marins, sur une trentaine de bateaux industriels ou semi-industriels. Jégo Quéré est maintenant suspendu aux décisions du comité interministériel à la restructuration industrielle, qui se réunit vendredi, pour savoir si des fonds seront débloqués pour soutenir l'activité de l'armement. Sinon, ce sera le dépôt de bilan et les marins seront au chômage, une situation que, bien sûr, ils craignent. Eric Nedjar.
Eric Nedjar
Critique, la situation de l'armement Jégo Quéré, c'est en tout cas ce que pensaient les marins et femmes de marin réunis ce matin à Belz, petite commune du Morbihan. Avec un passif de 170 millions de francs et une vingtaine de bateaux hypothéqués à hauteur de 40 millions de francs, on voit mal comment cette société pourrait, aujourd'hui, s'en sortir. Le salut pourrait venir du gouvernement, mais les délégués du syndicat des marins CFDT sont peu optimistes : ils craignent un dépôt de bilan et attendent un repreneur.
Christian Jiquel
C'est donc vendredi qu'on va connaître un peu les intentions du gouvernement concernant l'avenir du groupe Jégo Quéré, bien que la semaine dernière, ayant rencontré le préfet du Morbihan, la volonté donc du préfet et également des élus est de maintenir le maximum de navires et d'emplois, donc, sur les bateaux de l'armement Jégou Quéré. Mais je crois, d'après nos informations, que nous ne couperons pas à une restructuration. Donc cette restructuration risque de se traduire peut-être par des licenciements ou du moins par un arrêt d'un certain nombre de navires. Et ce que nous souhaitons surtout en tant que CFDT, c'est qu'il n'y ait pas de licenciement sec.
Eric Nedjar
Pas de licenciement sec et un plan social qui permettrait aux marins qui le souhaitent de bénéficier, dans de bonnes conditions, d'une pré-retraite à 50 ans. Autre motif de mécontentement : la création des bases avancées de Jégou Quéré en Ecosse.
Christian Jiquel
Nous pensons que les bases avancées, même si elles ont amélioré la productivité des navires, ont usé énormément les équipages et ont également usé énormément les bateaux. Donc nous souhaitons surtout que les bateaux reviennent sur Lorient. Et en matière de repreneur, notre préférence en tant que CFDT va, bien sûr, à la [CEO] qui, par l'une de ses filiales, gère le port de Keroman.
Eric Nedjar
Ramener les bateaux à Lorient pour faire vivre le port de Keroman, c'est aussi le souhait des élus de la région et on comprend pourquoi. Avec ses 418 salariés dont 290 marins et ses 18 bateaux industriels et semi-industriels, Jégo Quéré est considéré, aujourd'hui, comme le premier armement de pêche en France.