La crise de la chaussure à Fougères
Notice
Fougères, ville la plus industrialisée du département, vit d'une mono industrie, la chaussure. Depuis quelques années, cette industrie connaît des difficultés. Les usines ferment les unes après les autres, laissant la population dans le désarroi.
Éclairage
Dans les mémoires collectives, l'année 1968 est fortement associée au mouvement de révolte de la jeunesse étudiante. Le poids des évènements de mai tend à faire oublier que la contestation ne fut pas seulement estudiantine, parisienne et circonstanciée à un seul mois de l'année. Ce mouvement social de grande ampleur, qui s'inscrit en réalité dans un temps plus long, a mobilisé différentes couches sociales de la société française et cela dans l'ensemble de l'hexagone. En particulier, le mouvement ouvrier fut très retentissant. Dans le premier trimestre de l'année 1968, de grandes grèves ont lieu dans plusieurs villes de l'Ouest français (comme à Caen et à Redon). Fougères, ville bretonne située dans le département de l'Ille-et-Vilaine, est elle aussi le théâtre d'une importante grève le 26 janvier 1968. De nombreux fougerais, dont une grande majorité travaille dans l'industrie de la chaussure, défilent derrière dix cercueils symbolisant les dix usines qui ont fermé dans la ville l'année passée. De nombreux témoins, interrogés dans ce reportage, parlent eux aussi de la crise qui touche cette ville bretonne.
Pour en savoir plus :
Le visage artisanal et industriel de Fougères s'ancre dans un héritage ancien. Dès le XIIe siècle, des tanneries de cuir s'installent dans cette ville. Entre le XIIe et le XVIIIe siècle, elle acquiert sa renommée avec le travail du drap et de la toile. L'industrie de la verrerie s'installe également dans la région fougeraise entre le XVIe et le XVIIIe siècle. Mais la production phare de Fougères est la chaussure.
Dès le XIXe siècle, la ville est réputée pour ses bas de fil et ses chaussons en feutre. Dans les années 1830-1850, des chaussonniers ont l'idée d'assembler ces chaussons de toile sur des semelles en cuir, ce qui constitue une étape importante dans la spécialisation industrielle de Fougères. Après 1850, pour faire face à la crise que connaît l'industrie du chausson, la ville s'oriente vers la production de chaussures en cuir pour femmes. Fougères devient alors une grande capitale de la chaussure notamment sous l'impulsion de Hyacinthe Cordier. Celui-ci, revenu des Etats-Unis avec "la Blake" - une machine permettant d'accroître la productivité -, fonde son entreprise à la fin des années 1860. Le succès est immédiat. Plus d'un millier de personnes sont employées dans cette usine et l'arrivée récente du chemin de fer assure un écoulement rapide de cette production de luxe vers la capitale. Pendant, la première moitié du XXe siècle, l'industrie est toujours aussi florissante. En 1946, près de 11% de la production française est réalisée à Fougères.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l'industrie fougeraise de la chaussure entre dans une période de crise. Les fermetures d'usines se multiplient. Entre 1946 et 1973, près de 3000 personnes perdent leur emploi. Aujourd'hui, l'industrie de la chaussure n'emploie plus qu'un millier de personnes dans cinq entreprises alors qu'au début du XXe siècle, 12000 personnes y travaillaient dans près de quarante usines. Seules les entreprises fortement orientées vers le luxe et perpétuant une tradition de qualité (comme J. B. Martin) fonctionnent encore. En dépit des nombreuses fermetures, Fougères conserve un visage très industriel. A partir des années 1970, l'industrie s'est diversifiée. De nombreuses entreprises spécialisées dans l'électronique, les verres ophtalmologiques, la mécanique ou l'ameublement se sont installées dans cette ville.
Bibliographie :
Jérôme Cucarull, Histoire économique et sociale de la Bretagne, Paris, Editions Jean-Paul Gisserot, 2002.