L'Ankou

16 mars 1978
03m 10s
Réf. 00733

Notice

Résumé :

Extrait de "La charrette de l'Ankou", documentaire de Hervé Baslé et Antoine Gallien. Une vieille dame du Trégor témoigne des croyances liées à la mort qui ont accompagné toute son enfance et qui s'avèrent encore bien vivantes.

Type de média :
Date de diffusion :
16 mars 1978
Source :
A2 (Collection: Légendaires )

Éclairage

Enquête dans la région du Trégor, à la fin des années 70, où les superstitions semblent toujours vivantes. Le témoignage de cette femme bretonne, qui nous parle de l'Ankou à la porte de l'église de sa paroisse, incarne la cohabitation ancienne des croyances populaires de tradition païenne avec la religion chrétienne.

Issu d'anciennes superstitions celtes, l'Ankou (an Ankoù) incarne la figure de la Mort en Basse-Bretagne. Avec sa charrette grinçante tirée par des chevaux, il circule la nuit pour accomplir sa mission de collecte des âmes des défunts. L'Ankou est profondément ancré dans la culture populaire qui l'a transmis de génération en génération. On dit par exemple qu'entendre le bruit de la charrette est un présage de mort. On dit aussi qu'apercevoir l'Ankou, c'est mourir dans l'année. La vieille femme interrogée nous rappelle aussi que le premier mort de l'année devient l'Ankou de la paroisse.

L'Ankou côtoie de près les vivants et les rappelle à leur fin prochaine. La peur qui accompagne la simple évocation de ce personnage révèle l'inaluence de la pastorale de la mort de l'église catholique du XVIIème siècle. Très présent dans les esprits, l'Ankou témoigne aussi de la familiarité des Bretons avec le sujet de la mort. Au-delà des superstitions qui terrifient les enfants, comme s'en souvient la vieille femme, l'Ankou est un personnage majeur de la tradition orale bretonne. Présent dans l'imagerie populaire, et aussi parfois dans la sculpture religieuse, il porte les traits d'un homme drapé d'un linceul, ou d'un squelette avec une faucille emmanchée à l'envers, une flèche ou encore une lance.

À la fin du XIXème siècle, les folkloristes bretons, Anatole le Braz et François-Marie Luzel, furent parmi les premiers à contribuer à la conservation de la mémoire des contes et légendes populaires dans lesquels figure le personnage fantastique de l'Ankou, par le biais de collectes auprès de la population de Basse-Bretagne. Dans cette enquête de la fin des années 70, Antoine Gallien s'intéresse proprement dit aux superstitions qui perdurent, interrogeant à la fois la mémoire individuelle de la population et tout un pan du patrimoine oral breton.

Pauline Jehannin - CERHIO – Université de Rennes 2

Bibliographie :

LE BRAZ, Anatole, La légende de la mort en Basse-Bretagne, 1893.

Pauline Jehannin

Transcription

(Musique)
Journaliste
Vous dites, je voyais blanc et noir ?
Inconnue
Blanc et noir oui. Alors ma mère venait me voir, alors je fermais les yeux sans doute, je devais avoir peur quand même, vous voyez que ce qu'on avait peur, on avait peur.
Journaliste
Mais quand vous voyiez noir ?
Inconnue
Mais oui, je voyais.
Journaliste
Vous voyiez quoi ?
Inconnue
Je voyais du noir, des choses noires, je voyais noir, toujours noir, toujours noir.
Journaliste
Quand vous voyiez blanc, vous voyiez quoi ?
Inconnue
Quand je voyais blanc, toujours, et puis j'étais jeune, j'avais 6 ou 7 ans, 5 ou 6 ans. A la fin les gens ont été obligés de m'envoyer en pension, je ne voyais que du noir et du blanc devant moi, toujours devant moi, devant du noir et du blanc toujours.
Journaliste
Et vous préfériez être en pension ?
Inconnue
En pension, je suis allé, après je suis allé en pension, je suis sur là je n'ai rien vu quoi.
Journaliste
C'était plus tranquille?
Inconnue
C'était plus tranquille beaucoup, ah oui ce n'est pas la même chose. [incompris].
Journaliste
Mais c'était le diable ou c'était l'ankou qui faisait du bruit dans le grenier ?
Inconnue
Moi je ne sais pas, ce n'était pas l'ankou nous, on disait que c'était l'ankou mais, nous, on a su après que ce n'était pas l'ankou. C'était notre grand-mère qui nous faisait ça, qui nous faisait peur pour être sage, pour être sage quoi.
Journaliste
On en parlait beaucoup de l'ankou ?
Inconnue
Oh ! oui, on parlait beaucoup, beaucoup même, oh oui alors de l'ankou on parlait, puisqu'on était obligé de nous parler toujours de l'ankou là, toujours, toujours.
Journaliste
Il avait une charrette l'ankou ?
Inconnue
Ah oui, l'ankou avait une charrette, oui on disait aussi, qu'il avait une charrette.
Journaliste
Mais l'ankou on en parle encore aujourd'hui ?
Inconnue
Ah ! oui maintenant, même maintenant, c'est drôle !
(Musique)
Journaliste
7 vieilles femmes sans souffle et sans dents sont mortes cet hiver. Quand votre mère est morte vous étiez à côté d'elle ?
Inconnue
On l'a toujours dit, on a toujours dit que la mort c'est la faucille. Je lui dis, ce n'est pas possible quand même maman, tu vas mourir, je dis, moi qui est seule avec toi, je vais [incompris] la dame là qui vient devant moi avec la faucille. Moi je ne voyais rien mais c'est ma mère qui voyait, elle est morte.
Journaliste
Ce matin le glas a sonné.
Inconnue
Oui, ce matin le glas a sonné, mais c'est le premier de l'année je crois, non ? Non, à Penvénan, c'est le premier qui est mort cette année encore, ce n'est pas si long quand si les glas... les glas ont sonné c'est sûr mais, je vais demander ma soeur quand elle arrive chez nous.
Journaliste
C'est le premier mort de l'année l'ankou ?
Inconnue
Oui le premier mort de l'année.
Journaliste
Si le premier mort de l'année meurt le 1er janvier c'est embêtant ?
Inconnue
Ah, oui c'est plus embêtant, parce que c'est le 1er janvier quoi, c'est ma tante qui est morte le 1er janvier, c'est ma tante la soeur de mon père. Elle est morte le 1er janvier.
Journaliste
Et alors ?
Inconnue
Il y a eu beaucoup de morts cette année là.
Journaliste
Ah, bon ?
Inconnue
Ah oui, alors, comme l'année dernière 76 on a eu beaucoup de morts. En 75, il y a eu beaucoup de morts, en 75 à Penvénan.
Journaliste
Et si l'ankou est un enfant ?
Inconnue
C'est pire encore il paraît.
Journaliste
C'est pire ?
Inconnue
Pire, pire quand un enfant [incompris]. Pire encore un enfant, beaucoup pire.
Journaliste
Merci !
Inconnue
De rien.