Dastum
Notice
Vincent Morel sillonne la campagne bretonne à la recherche des chants d'antan. Berthe, Marie et les autres lui transmettent leurs chansons oubliées. Ses enregistrements collectés sont ensuite confiés à Dastum qui conserve ce patrimoine oral.
Éclairage
La tradition orale bretonne est très riche et diversifiée : depuis plusieurs siècles, airs musicaux, chants, contes et légendes sont transmis oralement de génération en génération, à chaque fois transformés et adaptés.
Depuis le début du XIXe siècle, on a conscience que ce patrimoine culturel, aujourd'hui appelé "patrimoine culturel immatériel", est fragile, et l'on s'inquiète de sa possible disparition. Cet intérêt pour les chants et contes populaires prend ses racines dans le Romantisme, dont les représentants entreprennent des collectes des traditions orales dans les années 1815-1820 en Basse-Bretagne. L'objectif de ces premiers "folkloristes" est de donner le statut de littérature à la tradition orale, mais aussi de retrouver l'Histoire de la Bretagne par ce biais, et de transmettre la richesse du patrimoine populaire. L'idée que ces répertoires sont menacés de disparition émerge vers 1840, et ainsi de très nombreux collecteurs réunissent des centaines de pièces jusqu'en 1914. Ces pièces sont réunies à l'écrit dans un premier temps, mais peu à peu, l'idée qu'il ne faut pas les retoucher, mais les livrer telles quelles, prend de l'ampleur. On utilise donc des techniques d'enregistrement sonore dès la fin du XIXe siècle. D'un point de vue quantitatif, les enregistrements antérieurs à 1950 sont quand même très rares, voire anecdotiques.
Après la Seconde Guerre mondiale, l' "ère des folkloristes", qui s'intéressaient surtout aux chants et aux contes, s'achève. Dès 1943, un intérêt nouveau est porté aux sonneurs et aux morceaux qu'ils jouent. De plus, dans les années 1950, en parallèle avec le renouveau des festou-noz et la création des cercles celtiques et des bagadoù, les jeunes s'intéressent de nouveau aux traditions, dans un souci de réappropriation d'une partie de la culture et de la mémoire, et quelques uns commencent à sillonner les campagnes bretonnes avec des magnétophones, afin de récolter le répertoire populaire chanté et sonné. Mais ce mouvement prend véritablement son ampleur à la fin des années 1970, avec l'attention nouvelle portée aux musiques traditionnelles, grâce à un réseau associatif qui se distingue très nettement du réseau des bagadoù et des cercles celtiques. De nombreux collecteurs amateurs et des associations récoltent des archives importantes, qui sont progressivement mises à disposition du public, et ce avec le soutien des pouvoirs publics dès les années 1980.
Le travail de Vincent Morel s'inscrit dans ce mouvement de collecte. Depuis 1992, il réalise des enquêtes de terrain en Haute Bretagne, de Vitré à la baie de Saint-Brieuc, afin de collecter un patrimoine culturel transmis exclusivement de manière orale. Lui-même sonneur et chanteur, il présente en 1995 un mémoire sur les complaintes criminelles de Haute-Bretagne. Aujourd'hui, il a récolté plus de 250 heures d'enregistrement, ce qui représente plusieurs milliers d'airs, d'histoires, de témoignages. Au moment du reportage, Vincent Morel est l'un des permanents de l'association La Bouèze, créée en 1979 avec pour objectif la collecte, la sauvegarde et la transmission du patrimoine oral, et qui a connu une activité intense de collecte, d'animation et d'enseignement dans les parties nord et est de la Haute-Bretagne pendant plus de 25 ans. Il est aujourd'hui responsable des fonds "Haute-Bretagne" à l'association Dastum, créée en 1972, qui rassemble, sauvegarde et valorise les archives sonores de toute la Bretagne. Ses enregistrements de terrain y sont actuellement en cours de numérisation.