l'Ouest en mémoire - Portrait de Paul Bloas

Éclairage

Portrait d'un artiste brestois dont l'œuvre investit remarquablement le paysage urbain de la cité portuaire à partir des années 80.

Fils d'un ouvrier de l'Arsenal, c'est au travers de l'art que Paul Bloas se réapproprie sa ville natale après avoir passé son enfance à Madagascar. Ses premières interventions débutent en 1984, alors qu'il est encore élève à l'école des Beaux-arts de Brest. L'artiste réalise des « interventions peintures in-situ », qui prennent le visage de titans de papier, fragiles et immenses silhouettes insérées dans un décor délaissé. Dans cet art urbain, éphémère et rebelle, l'artiste se montre en prise directe avec les lieux sur lesquels il intervient. Les personnages de Paul Bloas font corps avec les sites et les invitent à la métamorphose. C'est tout le passé de Brest, ville neuve édifiée sur les ruines d'une ville détruite, qui ressurgit comme une émanation de ses murs.

Les interventions de Paul Bloas dans la cité portuaire se renouvèlent à plusieurs reprises, toujours dans un cadre urbain abandonné et déclassé, comme en 1988 dans la cale de radoub. L'œuvre de Paul Bloas s'insinue progressivement dans la ville, et les titans, s'offrent à la contemplation des passants. Ses géants de papier apparaissent sur les friches du port de commerce entre 1990 et 1993. En 1990, d'autres silhouettes voient le jour à la prison désaffectée de Pontaniou, suite à son isolement volontaire durant deux mois, pour laisser son imaginaire pénétrer les lieux.

Les créations brestoises appellent l'artiste à développer son travail dans d'autres villes d'Europe, à nouveau autour de la question de l'identité de la ville et de ses habitants, telles que Berlin avant même la chute du mur, Barcelone, Belgrade, Beyrouth, et plus récemment Madagascar et Lisbonne. En 1996, il est à nouveau de retour à Brest, pour couvrir les murs du port à l'occasion de « Brest 96 », seconde édition de la fête maritime internationale.

Pauline Jehannin - CERHIO – Université de Rennes 2

Bibliographie :

LE COUEDIC, Daniel, POPESCU, Carmen et SATTOLO Rachel, Art public et projet urbain, Brest, 1970-2000, PUF, 2008

Pauline Jehannin

Transcription

Journaliste

Toujours à la recherche de l'endroit. Port de commerce de Brest, Paul Bloas caresse un mur comme pour l'apprivoiser. Depuis plus de 6 ans, de Berlin à Budapest en passant par Belgrade, Paul part à la rencontre des lieux et des gens : repérage puis travail en atelier, ultime étape, le collage de ses géants de papier. Il fait, selon ses propres termes, de la peinture fragile parce que vouée à disparaître, profitant des failles, provoquant les accidents.

(Musique)

Paul Bloas

C'est vrai qu'en voyant le personnage évoluer et vivre, finalement c'est une façon de lui donner vie que de le coller déjà, de le pré-morceler, de l'offrir déjà.

(Musique)

Journaliste

Prison de Pontaniou, une maison d'arrêt fermée il y a trois ans parce que trop vétuste. Pour travailler ici, Paul a décidé de s'enfermer deux mois, s'interdisant toute visite, toute sortie. Deux mois d'internement volontaire pour se nourrir du lieu, des traces encore visibles de la vie carcérale. Auparavant il avait rencontré les détenus comme Alain qui, aujourd'hui, a purgé sa peine. Paul ne voulait surtout pas trahir.

(Bruits)

Alain Stephan

On n'aime pas que des gens de l'extérieur comme ça viennent, et comme ça arrivent, violent un peu la prison quoi. Mais justement sa démarche à Paul était totalement différente. Je trouve qu'il a, il s'est vraiment, il a vécu vraiment dans le lieu donc.

(Bruits)

Journaliste

Vécu avec ce silence bruyant. Besoin de se ressourcer, de mettre un terme à cette expérience qui l'a marqué, Paul travaille désormais à son prochain projet : Beyrouth et ses enfants. Beyrouth, ville détruite, prête à un nouveau départ, ses enfants qui portent l'espoir, qui portent la vie. Il a déjà effectué un repérage bientôt il ira coller sur les ruines. Ses peintures continuent d'exister grâce aux photos qu'il fait lui-même, mais amoureux de l'éphémère, il lui arrive de provoquer la disparition de ses oeuvres. C'était en 1988 dans la cale sèche de Brest.

(Musique)

Paul Bloas

Ce qui est important, bon, vous avez par exemple une journée de repérage, vous avez deux journées d'atelier, et ce qui est important, je veux dire, ces trois journées là elles sont là pour donner cinq minutes de bonheur. C'est cinq minutes à regarder le personnage sur son mur crever. Mais ce n'est pas crever pour moi, c'est vivre plutôt.

(Musique)