Si le Grand Est est la deuxième région la plus industrialisée de France, il n’en reste pas moins que ce secteur a été fragilisé et subit encore de fortes mutations. L’industrialisation dans le Grand Est c’est deux siècles d’histoire. Si ces évolutions sont toujours au cœur du débat public et elles sont également au cœur de la mémoire de générations de femmes et d’hommes. Les archives témoignent de ces mutations et interrogent les choix du présent.
Aborder la question de l’industrie, non dans une approche économique mais avec les outils de l’histoire et de la géographie, permet d’aller vers une géohistoire de l’industrie du Grand Est, centrés sur deux questions au coeur du raisonnement géographique : où et pourquoi là ?
Suivre ces mutations porte sur trois temps : le début du XXe siècle qui clôt le temps de l’industrialisation ; les années 1970-1980 marquées par une désindustrialisation particulièrement rapide dans le Grand Est ; le temps présent qui permet de constater qu’une industrie forte existe toujours dans la région, et qu’on peut parfois parler de réindustrialisation.
# Le Grand Est une longue histoire industrielle
L’industrialisation désigne aujourd’hui ce qui a longtemps été qualifiée de révolution industrielle
, une expression qui tendait à introduire l’idée que le passage d’une économie surtout rurale et agricole à une économie surtout industrielle et urbaine avait été rapide. En réalité, l’industrialisation a été précédée d’une phase de proto-industrialisation dès le XVIIIe siècle, ce dont témoigne l’histoire des familles de Wendel en Lorraine.
Date de la vidéo: 05 mai 2005
Durée de la vidéo: 01" minutes 53 secondes01M 53S
Les Wendel, une famille de maîtres de forges en Lorraine
Ernest-Antoine Seillière, président du Medef et descendant des Wendel, inaugure à Hayange en 2005 une exposition retraçant l’histoire de cette famille qui a marqué l’exploitation du fer et du charbon et la production d'acier en Lorraine pendant trois siècles.
En France en particulier, la transition a été lente avec une première industrialisation dans les années 1830 et une seconde après 1860. Ces transformations aboutissent au paysage industriel français de l’avant-Première Guerre mondiale, que l’on retrouve au travers des exemples de de Dietrich en Alsace ou de Doré Doré dans l’Aube, montrant que si la grande usine s’impose, elle cohabite encore avec le travail à domicile et les petits ateliers.
Date de la vidéo: 13 avr. 2009
Durée de la vidéo: 04" minutes 50 secondes04M 50S
De Dietrich, un pionnier de l’industrialisation de l’Alsace [en alsacien]
L’histoire de l’entreprise familiale alsacienne De Dietrich est relatée grâce à des témoignages contemporains et anciens. Le spectateur est invité à découvrir les principales étapes de son développement dans les Vosges du Nord et les clés de sa réussite jusqu’à sa reprise par le groupe Alstom en 1997.
Date de la vidéo: 26 nov. 2011
Durée de la vidéo: 08" minutes 45 secondes08M 45S
La campagne à l’épreuve de l’industrialisation et du paternalisme : le cas Doré-Doré
Entre paternalisme et industrialisation des campagnes, l’histoire de la société Doré-Doré illustre parfaitement les transformations d’une société rurale, ainsi que la mise en œuvre d’une politique sociale complexe par un patronat soucieux de contrôler et conserver ses salariés. Une trajectoire qui s’étale sur deux siècles, et dont l’empreinte dans le paysage et les mémoires est toujours vivace.
La localisation des activités industrielles est alors le résultat de données géographiques et du savoir-faire des hommes sur leurs territoires.
Ce paysage industriel de 1900 trace une grande part de l’industrie du siècle, les grandes régions industrielles se renforçant pour connaître les Trente Glorieuses
, une forme d’apogée industrielle marquée entre autres par la généralisation du travail à la chaîne, en particulier dans le textile et par le développement dans de nombreux bassins de vie de notre région d’une mono-activité tout autant prospère que fragile, comme le montre l’exemple de l’empire Boussac
dans les Vosges.
Date de la vidéo: 10 déc. 1999
Durée de la vidéo: 03" minutes 56 secondes03M 56S
La disparition de Boussac : la fin d’un modèle économique
L’entreprise textile Boussac, implantée notamment dans les Vosges, disparaît brutalement à la fin des années 1970, malgré différents plans de sauvetage. Le traumatisme est profond selon les témoins de l’époque : c’est un ‘’empire’’ qui sombre, des emplois et tous les avantages attachés qui disparaissent.
# Le déclin des industries sur le territoire
La désindustrialisation qui frappe la région Grand Est à partir des années 1970 a d’abord été qualifiée de crise
, comme si elle était un phénomène conjoncturel. Pourtant, malgré les politiques publiques volontaristes menées tant par les gouvernements de droite (Barre) que par les premiers gouvernements de gauche (Mauroy), c’est bien un phénomène irréversible qui touche les vallées de la Chiers ou de la Fensch.
Date de la vidéo: 04 août 1979
Durée de la vidéo: 01" minutes 08 secondes01M 08S
Fermeture des deux hauts-fourneaux de la Chiers à Longwy
Au cœur de la crise industrielle qui frappe la sidérurgie française à partir des années 1970, le bassin de Longwy témoigne du combat d’une société ouvrière qui voit la disparition d’un territoire marqué dans son histoire et sa géographie par un siècle de travail du fer.
Date de la vidéo: 31 oct. 2017
Durée de la vidéo: 03" minutes 22 secondes03M 22S
Le haut-fourneau U4 d’Uckange : quel avenir pour le passé sidérurgique lorrain ?
Le site du haut-fourneau U4 d’Uckange a échappé à la destruction grâce à une forte mobilisation locale et se cherche aujourd’hui un avenir, entre volonté d’entretenir la mémoire sidérurgique, lieu de création artistique et activités de recherche ouvrant sur l’avenir économique de la vallée.
Tout comme la bonneterie auboise ou le textile vosgien, les usines ferment, sont souvent abandonnées à l’état de friches industrielles et des milliers de personnes, mineurs ou ouvriers, perdent leur emploi sans grand espoir d’en retrouver un sur les mêmes lieux, victimes d’une précarisation et d’une paupérisation croissantes. Il faut bien sûr interroger les facteurs de cette désindustrialisation qui pointait pourtant déjà dans l’optimisme des années 1960 et interroger autant les politiques locales et nationales que les transformations de l’économie mondiale sous l’effet d’une plus grande libéralisation et d’une révolution des transports permettant de produire tout en n’importe quel endroit du globe à des coûts compétitifs.
Les usines ferment ou partent dans les stratégies de délocalisation à l’échelle mondiale des nouveaux patrons de l’industrie, financiers plus que capitaines d’industrie attachés à leurs territoire (Cf. video ci-dessus La disparition de Boussac : la fin d’un modèle économique).
La France, et en particulier ses vieilles régions industrielles des Hauts-de-France et du Grand Est, a été durement frappée par l’émergence des nouveaux concurrents. Les effectifs de l’industrie ont fondu, pertes en partie compensées par la tertiarisation de l’économie, avec l’idée que les activités de services devaient être la colonne vertébrale des économies modernes. Il n’en est rien, l’exemple allemand le rappelant à toute l’Europe : l’activité industrielle reste au coeur des économies nationales par ses effets d’impulsion sur les autres secteurs, notamment le très observé commerce extérieur.
# Face à de nouveaux enjeux : un processus de réindustrialisation en cours ?
En 2001, le PDG d’Alcatel (une entreprise alsacienne à ses origines) expliquait son projet de créer une entreprise fabless
, c’est-à-dire sans usine. Alcatel, alors leader mondial, a aujourd’hui disparu, racheté par un concurrent plus perspicace… Quelques dix ans plus tard, Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif, militait pour le consommer made in France
. En 2020, la crise du COVID 19 montrait la dépendance de la France en produits manufacturés venus en particulier de Chine.
Au cours des vingt années écoulées, la question de l’industrie a donc traversé le débat public, résumé dans un terme : la désindustrialisation, entamée brutalement dans les années 1970 et qui s’est poursuivie depuis sous l’effet des transformations de l’économie mondiale. Aujourd’hui, l’enjeu est devenu celui de la réindustrialisation de la France. Ces deux termes soulignent donc, par un effet miroir, que la France a longtemps été un pays industrialisé, certes pas le premier en Europe, mais on a tout de même pu parler de puissance industrielle française, avant qu’elle ne recule voire disparaisse.
Date de la vidéo: 14 nov. 2016
Durée de la vidéo: 03" minutes 51 secondes03M 51S
Les pôles de compétitivité du Grand Est
Les six pôles de compétitivité du Grand Est sont devenus en 15 ans des acteurs majeurs de l’économie régionale, en réunissant acteurs publics et privés autour de multiples innovations. Leur développement passe aujourd’hui par des coopérations entre les pôles.
Depuis la création des pôles de compétitivité par de Villepin en 2004 et celle du ministère du redressement productif confié à Montebourg en 2012, l’industrie est clairement redevenue une priorité publique. Ces pôles, conçus sur le modèle des clusters d’entreprises, au nombre de six dans notre région, doivent permettre d’orienter l’économie régionale vers l’innovation dans différents domaines, notamment les ressources agricoles ou la santé. Ainsi s’est structurée en Alsace la Bio Valley qui donne naissance à un nouveau paysage industriel régional.
Date de la vidéo: 08 avr. 2018
Durée de la vidéo: 03" minutes 20 secondes03M 20S
Le dynamisme de la filière des industries de la santé et des biotechnologies en Alsace
Le reportage diffusé en 2018 revient sur le dynamisme de la filière des industries de la santé et des biotechnologies en Alsace, en mettant en avant la concentration de grandes firmes transnationales, des universités et des laboratoires de recherche dans le domaine, dans une logique technopolitaine.
Dans le même temps, la région connaît quelques exemples de relocalisation industrielle dont témoigne le Coq Sportif, marque revenue à Romilly-sur-Seine.
Date de la vidéo: 18 juil. 2017
Durée de la vidéo: 03" minutes 52 secondes03M 52S
Le retour du Coq Sportif à Romilly-sur-Seine : les atouts de la France comme territoire industriel
Plus de 20 ans après avoir quitté Romilly, le Coq Sportif, entreprise emblématique de la ville et de sa crise industrielle, revient. Le reportage permet de comprendre les raisons de ce retour en interrogeant les facteurs de localisation des activités industrielles et l’impact de ce retour sur un bassin d’activité qui a connu une crise profonde.
Il est sûrement trop tôt pour parler d’un mouvement de réindustrialisation, d’autant que les chiffres montrent qu’en fait, si l’industrie a beaucoup reculé, la région Grand Est demeure, en grande partie grâce à l’Alsace, la seconde région industrielle de France. Toutefois, les territoires sont très inégaux en matière de localisation industrielle, répondant plus ou moins bien aux critères d’attractivité actuels.