De Dietrich, un pionnier de l’industrialisation de l’Alsace [en alsacien]

Le reportage permet, à partir de l’exemple d’une des premières grandes entreprises alsaciennes, d’appréhender l’industrialisation et l’accélération des transformations économiques et sociales en France des premiers balbutiements de la proto-industrie au XVIIe siècle à nos jours.

Les de Dietrich sont à la fin de l’Ancien Régime une grande dynastie de maître de forges française à l’instar des Schneider au Creusot ou encore des Wendel en Moselle. Il s’agit de propriétaires et dirigeants d'établissements métallurgiques de production de fer, de fonte ou d'acier. A partir de la seconde moitié du XVIIIe, d’ateliers artisanaux de la petite métallurgie rurale, ils deviennent progressivement de vastes entreprises industrielles. La famille De Dietrich, anoblie en 1761, parvient à s’imposer comme le plus puissant ensemble métallurgique du royaume à la veille de la Révolution grâce à l’acquisition d’un important domaine foncier, susceptible de fournir bois et minerai, et à la création ou le rachat de sites de production à Reichshoffen et ses alentours dans les Vosges du Nord principalement. La Révolution marque un coup d’arrêt temporaire dans l’essor de l’entreprise. Jean De Dietrich (1719-1795) le fondateur est en effet considéré comme suspect par le Directoire, car père d’un émigré, et ses propriétés sont saisies.

Progressivement reconstituée, l’entreprise doit dans la seconde moitié du XIXe siècle faire face à un nouveau défi, la diminution des ressources naturelles avec la crise du charbon de bois. Ce dernier est progressivement remplacé par le coke issu de la houille. La concurrence des bassins miniers de Lorraine, de la Sarre et de la Ruhr a ainsi raison des hauts-fourneaux alimentés au charbon de bois. L’activité initiale de production de fonte s’estompe de ce fait au profit de la production de masse de biens d’équipement (des poêles calorifères en fonte principalement) et de l’activité ferroviaire. De Dietrich contribue ainsi à la construction du réseau de chemin de fer en pleine expansion et indispensable pour transporter les stocks croissants de marchandises à travers le continent.

Pour continuer à se développer et innover durant l’âge industriel, de lourds investissements s’imposent que seules quelques grandes familles peuvent financer. Il s’agit en Alsace essentiellement de familles protestantes comme les De Dietrich. D’autres se sont illustrées comme les Koechlin (également dans le secteur de la construction mécanique), les Metzger et Hatt (brasserie Météor) ou encore les Dollfus (textile). L’essor du capitalisme alsacien a bénéficié de l’action des protestants qui ont contribué à libérer l'économie et les consciences des contraintes imposées par l'Eglise, la condamnation du prêt à intérêt par exemple.

Malgré les guerres entre la France et l’Allemagne l’entreprise De Dietrich, pourtant située sur le front lors du conflit de 1870-1871, a poursuivi son essor en continuant à diversifier ses fabrications. Même si les ouvriers, d’anciens paysans devenus salariés, bénéficient à partir des années 1880 des généreuses lois sociales de l’Empire allemand (assurance maladie, accident, vieillesse et invalidité obligatoire), les conditions de travail demeurent difficiles et la question ouvrière reste une problématique centrale pour les entrepreneurs et les gouvernements. Le paternalisme des patrons alsaciens à l’égard de leurs ouvriers, les considérant comme des membres d’une vaste famille et tâchant de ce fait d’améliorer leur quotidien, a cependant permis de limiter les tensions dans les grandes entreprises alsaciennes.

Avec les De Dietrich l'Alsace devient dès la seconde moitié du XIXe siècle une terre d'entreprises ferroviaires. A Reichshoffen l’entreprise poursuit la production de matériel ferroviaire jusqu'en 1997 (depuis le relais a été pris par le groupe Alstom). Parallèlement, l’Etablissement de Construction Mécanique de Graffenstaden, en périphérie de Strasbourg, et la société Koechlin et Cie à Mulhouse fabriquent des locomotives à vapeur tandis que l’entreprise Bugatti de Molsheim construit des autorails dans les années 1930.

Rund Um est un magazine quotidien en dialecte alsacien proposé à l’échelle régionale par la chaîne de télévision France 3. Chaque jour il propose un nouveau reportage permettant de découvrir la richesse du patrimoine alsacien tout en donnant à entendre la diversité des accents à travers la région. Ces reportages courts visent à dépeindre les sujets abordés en les valorisant tout en donnant largement la parole aux acteurs. 

L’histoire de l’entreprise De Dietrich durant l’âge industriel est ainsi relatée en présentant ses succès, plus que ses difficultés, génération après génération. Les photos permettent de voir les entrepreneurs au fil des décennies mais aussi le dur travail des ouvriers dans les usines. Sur le site de Reichshoffen d’abord, puis à la forge de Jaegerthal berceau de l’entreprise, au château familial et enfin au musée du fer de Reichshoffen, le spectateur est invité à découvrir les activités dans lesquelles la dynastie s’est illustrée : la fabrication de fer tout d’abord puis celle de poêles en fonte, de quelques automobiles et surtout de wagons. Le reportage, par sa musique notamment, révèle une certaine nostalgie pour le passé industriel florissant de la région et témoigne de l’intérêt croissant pour le patrimoine légué par cette période. Pour ne pas nuire à cette ambiance, mais aussi en raison du format très court du reportage, les périodes sombres de l’histoire régionale, les périodes de guerre avec l’Allemagne notamment, et leurs répercussions pour l’entreprise ne sont pas abordées.