Les pôles de compétitivité du Grand Est

En région Grand Est, la question des pôles de compétitivité est particulièrement stratégique au regard de la difficile reconversion des industries traditionnelles locales. La région est cependant la deuxième région industrielle de France grâce à l’Alsace et attire les investisseurs étrangers dans le secteur industriel. Comment les pôles de compétitivité du Grand Est soutiennent-ils l’activité industrielle régionale ?

Les années 1970-1990 sont marquées par un recul de l’industrie nationale, que les politiques publiques veulent compenser par les services. Mais au tournant des années 2000, l’industrie apparaît comme un moteur indispensable de croissance économique. Le gouvernement de Villepin lance en 2004-2005 la politique des pôles de compétitivité avec l’ambition de recréer une industrie nationale puissante, exportatrice et capable d’irriguer le développement économique des territoires.

S’inspirant d’études et de modèles étrangers, notamment des clusters théorisés par Porter, le pôle de compétitivité peut être défini comme un réseau d’entreprises, d'unités de recherche et de formation (universités notamment), et d'organismes publics associés (centres de recherche, services décentralisés), à une échelle plus ou moins vaste qui peut aller jusqu'à celle de la région. Les pôles se regroupent autour d'un domaine d'activité considéré comme porteur d'avenir : aérospatiale (Materalia), agriculture et alimentation (IAR, Industries et agro-ressources), biotechnologies, chimie, cosmétiques, énergie, finance, économie de la mer, pharmacie (Biovalley), ressources (Hydréos, Fibres-Energivie) ou encore transports (Pôle Véhicule du futur). L’objectif est triple : les pôles doivent être des sources d’innovation ; ils doivent donner de la visibilité à l’industrie ; ils sont enfin une réponse aux délocalisations par un ancrage territorial des entreprises.

La première vague de labellisation en 2005 a donné naissance à environ 70 pôles, hiérarchisés selon leur potentiel entre pôles mondiaux (Alsace Biovalley ou IAR en Grand Est), pôles nationaux et pôles régionaux. Depuis, l’État a recentré son soutien selon deux axes : un renforcement de la taille des pôles et un glissement des activités de la recherche innovante vers la production innovante, de façon à créer des emplois. Face à la concurrence internationale entre clusters, la question de la taille et donc des moyens de financer la recherche reste centrale. Les pôles de compétitivité français évoluent donc vers une stratégie d’interclustering visant à développer les relations entre pôles pour partager les résultats des recherches et développer des synergies innovantes.

La région Grand Est a vu disparaître une grande partie de ses industries lourdes et de main d’oeuvre (sidérurgie lorraine, textile vosgien ou aubois). La stratégie des pôles de compétitivité a donc été la bienvenue pour soutenir une réorientation de ses activités dans deux directions complémentaires : l’innovation fondée sur les ressources naturelles et agricoles. La région a en effet mis l’accent sur la valorisation de ses propres ressources et notamment de son fort potentiel agricole (forêts, grandes cultures céréalières et industrielles) dont les productions peuvent être transformées dans des domaines aussi différents que les matériaux de construction, les équipements de transport ou la santé. Ils associent dans ces nouveaux systèmes de production des producteurs à des entreprises de grande taille capables, par leurs activités de recherche et leur présence internationale, de servir de leaders économiques. On peut ainsi citer des groupes comme Soufflet pour le pôle IAR ou Peugeot pour le pôle Materalia. La région joue un rôle très important dans la dynamique de ces nouveaux pôles en favorisant leur émergence mais aussi leur synergie : c’est ainsi que depuis 2016, un partenariat unit tous les pôles régionaux.

Le reportage appartient à une rubrique hebdomadaire du journal régional qui présente la nouvelle région : nous sommes en 2016, les grandes régions sont récentes et la région Grand Est a bien du mal à trouver sa place et son identité. L’importance de la rubrique peut se mesurer à la longueur du reportage proposé. Elle peut aussi se mesurer à la réalisation soignée, utilisant infographies simples et partages d’écran pour dynamiser le reportage et susciter la curiosité du téléspectateur pour un sujet important mais mal connu. Il est conçu de façon très pédagogique en interpellant le téléspectateur autour d’une question à laquelle le reportage entend répondre.

Le reportage part d’un cas concret, la mise au point d’un analyseur de pollution de l’air pour décrire le mécanisme du pôle de compétitivité, profitant d’une interlocutrice qui remplit parfaitement sa mission en étant simple et précise.  Il fait le passage de l’invention à l’innovation, dans le cadre d’un laboratoire universitaire strasbourgeois puis au sein d’une start-up : on comprend donc comment on passe de la recherche appliquée à la production et la commercialisation d’un appareil, soit l’exemple même d’une production innovante. La laboratoire et l’entreprise sont l’illustration de la complémentarité des partenaires du pôle, chacun ayant des moyens propres mais qui sont mis en synergie dans le cadre du pôle BioValley France implanté en Alsace dans le secteur de la santé qui a permis de penser et de financer le développement du produit en permettant la rencontre entre le laboratoire et l’entreprise.

Un second exemple a une dimension encore plus concrète puisqu’il traite d’un produit de la grande distribution, accessible à tous : Les produits d’entretien de la marque You. Il s’agit d’une entreprise qui produit localement et crée de l’emploi industriel, ce qui montre les effets très concrets d’un pôle sur le territoire et sa population. Le pôle est donc créateur d’emplois industriels dans des régions particulièrement touchés par les difficultés, ici les Vosges, grâce à sa capacité à innover. Un salarié de l’entreprise apporte son éclairage sur l’intérêt d’appartenir à un pôle de compétitivité. Pour cet exemple, le reportage est construit à l’envers du premier. On remonte à la source des innovations et on change aussi de lieu, passant des Vosges à la Marne, montrant ainsi l’interconnexion des entreprises au sein du Grand Est dans la cadre du pôle IAR, Industries et Agroressources. Cette fois, c’est un chef d’entreprise qui est interrogé : il lui revient de préciser le fonctionnement d’un pôle, pour souligner que le pôle est le facilitateur des liens entre entreprises et les enjeux pour les territoires en matière de croissance économique et de création d’emplois. 

La journaliste peut alors apporter des chiffres qui viennent confirmer les propos précédents : un grand nombre d’entreprises régionales, de nombreux projets en cours représentant des investissements conséquents dans l’économie locale. Pour conclure, le reportage ouvre le sujet sur l’avenir : il évoque, infographie à l’appui, la cohérence du projet régional au travers des synergies qui se mettent en place entre les différents pôles de la région : ces pôles, présents partout sur le territoire, profitent donc à tous et sont porteurs de développement. Le dernier intervenant évoque ainsi des perspectives de développement des relations entre les pôles, en citant plusieurs exemples, notamment sur l’utilisation de fibres végétales issues de la valorisation des productions agricoles. La journaliste conclut sur l’ouverture internationale de la région grâce aux pôles qui jouent un rôle majeur dans la participation de la nouvelle région à l’économie de la connaissance et à la mondialisation.

Le reportage est donc très soigné et aussi très orienté : aucun regard critique n’est posé sur le sujet par la journaliste.