Le retour du Coq Sportif à Romilly-sur-Seine : les atouts de la France comme territoire industriel
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Résumé
Plus de 20 ans après avoir quitté Romilly, le Coq Sportif, entreprise emblématique de la ville et de sa crise industrielle, revient. Le reportage permet de comprendre les raisons de ce retour en interrogeant les facteurs de localisation des activités industrielles et l’impact de ce retour sur un bassin d’activité qui a connu une crise profonde.
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Date de publication du document :
11 mai 2021
Date de diffusion :
18 juil. 2017
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Contexte historique
ParProfesseur certifié d'histoire-géographie au collège François Legros de Reims
La bonneterie, c’est-à-dire le travail de la maille, est une activité industrielle liée à l’histoire du département de l’Aube dès avant la Révolution française, a travers le travail à domicile. Mais le XIXe siècle lui donne un essor considérable grâce à plusieurs facteurs : l’arrivée du chemin de fer venant de Paris en 1848, une main d’œuvre disponible dans les villages et les bourgs ruraux, et une génération de chefs d’entreprise qui va multiplier les innovations technologiques faisant non seulement du département un gros producteur de bonneterie (chaussettes et linge de corps notamment), mais aussi producteur de machines-outils. L’ensemble de la filière offre ainsi du travail aux hommes et aux femmes et nourrit la croissance urbaine avec l’apparition des grandes usines à la fin du XIXe siècle, en particulier à Troyes et à Romilly-sur-Seine. C’est aussi là que naissent, après la Première Guerre mondiale, quelques-unes des premières marques françaises du secteur de l’habillement, Petit Bateau mais aussi le Coq Sportif.
Romilly, à l’ouest du département, devenu grand centre ferroviaire, est ainsi la seconde ville de la bonneterie auboise, autour de dizaines de petits ateliers travaillant surtout le caoutchouc et de plus en plus le coton importé. L’entreprise Camuset est l’un de ces nombreux ateliers de bonnetiers, mais son destin change à partir des années 1930 quand Mme Camuset reprend l’entreprise familiale et l’oriente vers les métiers du sport : c’est la naissance du Coq Sportif. Entre les années 1930 et les années 1980, la marque devient omniprésente dans le monde du sport qui se professionnalise, voit naître la figure des grands champions et organise des compétitions internationales. Le Coq Sportif équipe les sports collectifs et des champions individuels et acquiert une visibilité internationale grâce au succès des sportifs habillés par la marque au coq, emblème qui rappelle l’origine française de l’entreprise et les vertus du combat pour la victoire.
Mais le Coq Sportif, comme l’ensemble de la bonneterie auboise, s’adapte mal aux transformations qui touchent l’économie mondiale à partir des années 1970. La petite entreprise aux capitaux familiaux souffre de la concurrence de marques au marketing plus efficace, subit la hausse de ses coûts de production et la concurrence des Nouveaux Pays industrialisés, d’Asie notamment. En 1974, elle est rachetée par le concurrent allemand Adidas, mais sans succès : l’usine de Romilly est définitivement fermée en 1988 et l’entreprise disparaît presque entièrement du paysage économique, seule une licence de commercialisation au nom du Coq Sportif subsistant.
L’entreprise est pourtant relancée en trois temps à la fin des années 1990, d’abord par des investisseurs alsaciens, puis en 2005 par Robert Louis Dreyfus, un financier suisse par ailleurs propriétaire d’Adidas. Elle est aujourd’hui propriété d’une société financière suisse qui a choisi en 2010 de réouvrir l’usine de Romilly. Ce choix est stratégique : c’est une relocalisation de l’entreprise qui correspond aussi à un repositionnement marketing pour une marque moribonde. Dans un contexte de forte concurrence sur le marché des équipements de sport et sportswear, l’entreprise fait un double choix : une montée en gamme pour réduire la concurrence des produits à bas coût et une relocalisation sur le site historique (associé à un marquage bleu-blanc-rouge omniprésent) qui vise à profiter du discours favorable à la consommation de produits étiquetés "made in France".
La présence et la délocalisation, puis la relocalisation actuelle du Coq Sportif à Romilly-sur-Seine raconte donc 150 ans d’histoire industrielle (souvent rurale et familiale) de la France mais aussi les enjeux actuels qui se posent autour de la question des localisations industrielles comme moteur de l’activité économique et de la vie des territoires français.
Éclairage média
ParProfesseur certifié d'histoire-géographie au collège François Legros de Reims
Le reportage de France 3 Champagne-Ardenne réalisé en juillet 2017 tranche avec l’actualité de la région : une usine a (ré)ouvert dans la vallée de la Seine après des années de désindustralisation textile. Le reportage offre l’occasion de s’interroger sur les raisons de ce retour du Coq Sportif sur son lieu de naissance.
La première chose qui peut surprendre est le paysage industriel. Le reportage souligne que l’entreprise est revenue dans ses propres locaux ouverts en 1882, dont on voit le chaînage typique des bâtiments d’usine. Les images de l’atelier le confirment, l’activité n’a finalement pas tant changé que cela depuis la fermeture en 1988 : les mêmes locaux peuvent accueillir les mêmes ouvrières pour y exercer le même savoir-faire manuel, fruit de l’expérience et souvent d’un apprentissage sur le terrain, une transmission générationnelle. Le reportage montre donc que l’industrie, c’est aussi un patrimoine de savoir-faire et de lieux.
Mais le reportage permet aussi d’envisager l’avenir romillon sur une note plus positive. La marque au coq n’est pourtant pas revenue à Romilly pour entretenir le passé : elle a fait un choix économique qui permet de questionner la stratégie de localisation d’une entreprise.
A Romilly, le Coq sportif est venu chercher ce qu’il n’a pas trouvé ailleurs. Alors que l’entreprise produisait (un peu) dans les années 1990-2000 en Asie, le retour en France, une relocalisation, est fondé sur des choix rationnels que les témoignages permettent de pointer. L’entreprise cherche une main d’œuvre capable de fournir un travail de qualité sur des produits relativement chers. Cela permet de fonder une part de la communication sur le "made in France" considéré comme un argument de vente, en France mais aussi à l’étranger où les produits français jouissent d’une image de qualité, permettant des prix plus chers pour payer des coûts de production plus élevés qu’ailleurs dans le monde.
Toutefois, cette stratégie ne peut s’appliquer sur tous les produits. L’entreprise doit donc adapter ses coûts et localiser 90% de sa production au Maroc, un pays permettant de concilier coût faible du travail, main d’œuvre de qualité, réduction des coûts de transport, et plus grande réactivité aux évolutions de la consommation. Pour le Coq Sportif, le Maroc, pays situé en périphérie immédiate de la zone euro, stable sur le plan politique et social, constitue donc un moyen de produire à bas coût dans un contexte de forte concurrence.
Car les autres activités en amont restent localisées en France : la conception par les designers de l’entreprise, mais aussi le tissage et la teinturerie, deux activités qui conditionnent grandement la qualité du produit. Le Coq Sportif fait ici appel à deux sous-traitants troyens. L’entreprise a ainsi des liens de proximité forts avec ses fournisseurs, dans une relation d’interdépendance de la filière textile locale. On a un véritable système productif local (SPL) - une concentration sur un territoire d’entreprises d’un même secteur d’activité - qui se crée sur la vallée de la Seine, permettant de redynamiser le secteur et de conserver un savoir-faire menacé de disparition faute de compétitivité. Localement, l’existence de ce SPL est un gage de maintien de l’activité pour les décideurs économiques et politiques et permet d’envisager plus facilement un soutien aux entreprises, renforçant par là même leur implantation locale.
Le reportage de France 3 permet donc d’aborder de façon très concrète la question des facteurs de localisation des activités, fondée sur la théorie des avantages comparatifs de Ricardo qui permet de valoriser au mieux la chaîne des valeurs. Il montre aussi comment des territoires ruraux de faible densité peuvent valoriser leurs atouts. Il permet aussi de penser les échelles comme outils incontournables de l’analyse géo-économique. On pourrait enfin s’interroger sur l’usage du coq et des trois couleurs sur tous les produits, sachant que 90% de la confection est marocaine…
Transcription
(Cliquez sur le texte pour positionner la vidéo)
(bruit)
Vincent Thollet
Ouvrons ce journal à Romilly-sur-Seine dans l'Aube. Nous vous parlons souvent ici, hélas de délocalisation. Et bien voici un exemple de re-localisation : Le Coq Sportif est de retour après avoir quitté la ville en 1988 et ça marche. Le fabricant de textile contribue à faire vivre la filière partout dans le département. Reportage de Christelle Meral.
Christelle Meral
Des couturières concentrées sur leurs machines, des stylistes qui enchaînent les créations.Une activité, symbole de la renaissance d’une marque spécialisée dans le sport.Alors, comment les salariés du Coq Sportif relèvent le pari du « made in France » ?
(Musique)
Christelle Meral
Dans les années 90, cette usine avait fermé, la production, délocalisée en Asie, mais les ventes se sont effondrées.2010, changement de stratégie, le site, berceau historique de la griffe, est relancé, avec seulement une dizaine de salariés.
Eva Samson
Ça fait 7 ans que je suis là, mais je me rappelle, le premier jour quand je suis arrivée, il n’y avait pas de machine, il n’y avait pas de tissu, il n'y avait pas d’aiguille.Il fallait tout créer, tout démarrer.Donc, c’était vraiment incroyable.
(Bruit)
Christelle Meral
7 ans plus tard, ils sont près d’une centaine dans l’usine à deux heures de Paris.Ce redémarrage, une aubaine pour Dominique Robert, spécialisée dans la coupe.Elle avait perdu son emploi.
(Bruit)
Dominique Robert
J’étais dans une boîte qui a fermé, quoi, tout simplement.Elle est liquidé et je me suis retrouvée au chômage.Et après, j’ai eu la chance d’être prise ici, c’est super, quoi.
Christelle Meral
Une opportunité aussi pour les plus jeunes.Thomas Fontaine, sans diplôme, colle désormais les logos sur les maillots.
Thomas Fontaine
Là, à la fin du mois, je suis en CDI, donc génial.Ça ouvre des portes pour mon avenir et tout ça, le crédit de la maison.
Christelle Meral
Des salariés qui fabriquent notamment des maillots pour des équipes de football ou de rugby.Mais, comment être rentable avec des salaires français cinq fois plus élevés qu’en Asie ?La clé, la majorité de la production se fait au Maroc.Les emplois français sont réservés à la fabrication des maillots haut de gamme.Le « made in France », un atout marketing vendu au prix fort :129 euros le maillot de l’AS Saint-Etienne.
David Pecard
Et ça nous permet d’amortir effectivement les frais de production en France et donc de pouvoir pérenniser l’emploi qu’on a créé à Romilly-sur-Seine.
Christelle Meral
Et si jamais le maillot était à 60 euros, ce n’est pas possible de le fabriquer en France ?
David Pecard
Non, 60 euros, ce n’est pas possible.
Christelle Meral
Une relocalisation qui profite à d’autres sociétés, comme cette entreprise de teinture de 95 salariés située à Troyes.Le coton est teint dans ces énormes cuves.
(Bruit)
Christelle Meral
Difficile de trouver des ouvriers qualifiés, les écoles de formation ont disparu.Alors, les anciens forment les jeunes.
(Bruit)
Bruno Lamarre
C’est très dur, il y a la chaleur, il y a l’humidité.Bon, manipuler des produits chimiques, des colorants.Conduire des machines qui chauffent jusqu’à 130 degrés.
(Bruit)
Christelle Meral
Fabien Vasseur a d’abord pensé renoncer.
Fabien Vasseur
C’était beaucoup trop physique !Mais, j’ai quand même persévéré, parce que j’avais besoin d’un boulot et au final, je me suis habitué.
Christelle Meral
Comme lui, 25 salariés ont été recrutés.Impact bénéfique aussi pour l’emploi, dans cette entreprise qui produit le coton.Ce sous-traitant vend son tissu 30% plus cher, mais le fabricant de maillots s’y retrouve, avec un contrôle qualité chaque semaine.
(Bruit)
David Pecard
Le tissu peut rétrécir, peut vriller.Le fait de le maîtriser à côté de nous, ça nous permet de faire tous les tests et de le garantir et de s’assurer que le consommateur ne sera pas déçu.
Christelle Meral
Désormais, la marque assure près de 10% de sa production en France.
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