Le Gers, terre de sports !

Le Gers, terre de sports !

Par Anne Pagnacco, Archiviste aux Archives départementales du GersPublication : 26 nov. 2024, Mis à jour : 19 déc. 2024

# Sports de terroir

Jusqu’au milieu du XXe siècle, la population gersoise est composée de paysans. Le travail de la terre, rude, difficile, sculptait et fatiguait les corps. Les temps non travaillés étaient passés en partie à pratiquer des jeux populaires. Ces divertissements engageaient souvent la communauté villageoise ou la masculinité des participants du fait de leur caractère brutal. Les jeux taurins pratiqués en Gascogne permettaient à la jeunesse en quête de sensations d’affronter le danger des cornes. Les premiers consistaient à faire courir, dans les rues étroites des cités médiévales, les bêtes que les bouchers conduisaient à l’abattoir. La tradition de la course landaise remonterait au XVe siècle mais au cours du XIXe siècle, les autorités politiques et religieuses condamnent ces pratiques. Les courses ne peuvent alors plus se dérouler dans les rues mais sont cantonnées dans un lieu délimité et fermé, entouré de gradins. C’est dans cet espace limité que représente l’arène que les coursayres effectuent des figures codifiées. 

La course landaise est un sport pratiqué essentiellement dans les départements des Landes et du Gers. Cette pratique est inscrite depuis 2020 à l’Inventaire du patrimoine culturel immatériel français. Elle est l’une des quatre formes de tauromachie pratiquée dans le monde avec la corrida, la corrida portugaise et la course camarguaise. Contrairement aux trois autres pratiques, la course landaise fait intervenir exclusivement des femelles, des vaches landaises, et ne met pas à mort l’animal, ni au cours de la course ni après.

À côté des jeux dangereux, d’autres pratiques corporelles mettaient en œuvre force et habileté. Boules, quilles, crosse, mail ou soule marquent les temps de loisirs dans différentes régions de l’hexagone. Ces jeux perdurent dans l’espace quotidien sans grande modification jusqu’au début de la Troisième République. Si les mêmes jeux sont pratiqués dans le royaume de France, le matériel utilisé et les normes en vigueur donnent lieu à des variantes. Dans le Gers, on joue aux quilles avec un maillet dans le Bas-Armagnac, au rampeu en Astarac et au palet gascon. Ce dernier serait né dans le Gers au XVIe siècle et donne lieu chaque année depuis 1990 à un championnat du monde organisé à Lialorès, près de Condom.

# Les débuts sportifs

La pratique sportive et l’éducation physique apparaissent en France durant le dernier quart du XIXe siècle. Au lendemain de la défaite française contre la Prusse en 1870, l’État cherche à inculquer un esprit guerrier de revanche. La préparation des corps et des esprits passe par les institutions militaires et scolaires. La gymnastique est alors inscrite dans l’instruction des soldats avant d’être imposée en 1869 dans les établissements scolaires par Victor Duruy, ministre de l’Instruction publique. Dans le Gers, la gymnastique se pratique dans les sociétés athlétiques qui naissent au début du XXe siècle et se développent dans les années 1920. Ces dernières proposent à leurs adhérents l’éducation du corps par des sports athlétiques en vue d’une préparation militaire. Cette connotation militaire s’estompe après la Seconde Guerre mondiale. Dans le département on pratique alors la gymnastique artistique. La discipline consiste à enchaîner des mouvements acrobatiques sur six agrès. Laurent Barbiéri, formé dès la fin des années 1960 à la discipline, s’est illustré au concours général et durant les compétitions internationales, notamment aux Jeux olympiques de Los Angeles (1984) et de Pékin (2008).

Les clubs gersois initiateurs des activités athlétiques et de préparation militaire proposaient des disciplines qui composent aujourd’hui le pentathlon : la course à pied, l’équitation, la natation, un assaut d’épée et une épreuve de tir. En 1961, le Cercle d’escrime et de pentathlon moderne gascon est créé. Il forme Joël Bouzou, champion du monde de la discipline en 1987 et médaillé de bronze par équipe aux Jeux de Los Angeles en 1984.

Un autre sport-phare s’impose très vite dans le département du Gers : le cyclisme. Un des premiers clubs sportifs gersois à être créé est d’ailleurs l'Union vélocipédique du Gers en 1897. Entre 1895 et 1935, le coût du vélo est réduit par 10, ce qui tend à le populariser. Il permet aussi bien de circuler, de se promener que de rivaliser. C’est bien là l’objet des clubs cyclistes qui naissent sur le territoire au début du XXe siècle pour participer à des courses. D’abord organisées à l’occasion des fêtes patronales, elles se développent pour proposer des épreuves de niveau national pour certaines.

Plusieurs Gersois ont participé à la course-reine de la discipline : le Tour de France. Le premier à y participer en 1905 et 1906 fut Georges Sérès, né en 1884 à Condom. S’il n’a laissé aucun souvenir, d’autres se sont illustrés. En premier lieu, Luis Ocaña, dont la famille, arrivée d’Espagne s’installe dans le Gers en 1957. Il participe à la « Grande Boucle » de 1969 à 1977 et la remporte en 1973. Plus récemment, Nicolas Portal prend part à la course de 2003 à 2008 puis de 2013 à 2019 comme directeur sportif avant de décéder prématurément.

Le Gers a été traversé par le Tour de France que tardivement, dans les années 1970. Entre 1973 et 1982, la ville de Fleurance fut sept fois ville-étape. C’est à cette période que le département a cherché à diversifier son activité économique en s’ouvrant au tourisme. Le passage du Tour a donc toujours été une opportunité, pour ce territoire longtemps enclavé, d’attirer le regard du public national puis international.

# L'amour du ballon

On dit souvent que le Gers se situe au cœur de l’Ovalie. Il est vrai que depuis plus de cent ans, le rugby est dans le Gers un art de vivre. Ce sport anglo-saxon s’est structuré dans le département à partir de 1903. Pratiqué par les étudiants, les instituteurs, les militaires et les commerçants, il revêt avant-guerre une image de sport réservé aux élites. Les paysans, usés par le travail quotidien aux champs, n’ont pas le loisir de le pratiquer.

La Première Guerre mondiale donne un coup d’accélérateur à la propagation de ce sport au sein même des régiments. L’État-major encourage les rencontres disputées à l’arrière immédiat du front qui voit s’affronter des hommes de toute condition sociale, officiers comme simple soldat, contribuant ainsi à renforcer la cohésion et la fraternité entre les soldats. Au retour du front, nombre de ruraux participent à la démocratisation du rugby au sein des classes populaires. 

L’entre-deux-guerres voit la multiplication des clubs sportifs et notamment des clubs de basket. Nécessitant moins de joueurs et surtout moins violent que le rugby, ce sport novateur venu d’outre-Atlantique se diffuse largement au nord et à l’ouest du Gers. De ce fait, dans certains villages, les sociétés sportives abandonnent définitivement la pratique du rugby au profit du basket. 

À partir de 1922, la pratique sportive est marquée par l’arrivée massive et rapide des Italiens dans le département. Parmi leurs loisirs, le sport joue un rôle de premier ordre. Si on fait appel aux Italiens pour rejoindre les équipes de rugby notamment, c’est pour leurs qualités physiques et morales : ils sont grands, costauds, vaillants et désireux de s’intégrer. Pour cette population nouvellement arrivée, l’intérêt d’adhérer aux clubs de rugby gersois est double : d’une part, révéler leurs qualités sportives ; d’autre part, faire progressivement accepter la communauté italienne expatriée, si souvent stigmatisée par ailleurs. Ainsi, dans le Gers, comme ailleurs dans le Sud-Ouest, le rugby a beaucoup contribué au renversement d’image de la représentation des Italiens et on y a vite vanté les qualités de la fratrie italienne, soudée et cohérente comme doit l’être la première ligne d’une équipe de rugby.

Durant la Seconde Guerre mondiale, les lois vichystes encadrent étroitement la pratique sportive. Toute association sportive doit être autorisée. L’agrégation des associations dans l’optique de constituer des sociétés omnisports est par ailleurs fortement encouragée. Ainsi, on voit l’émergence de clubs multisports comptant une section football, rugby, gymnastique, basket, cyclisme ou encore équitation. 

Les réfugiés lorrains arrivés dans le Gers contribuent dans plusieurs localités à faire renaître des clubs de rugby en sommeil, à la différence qu’ils délaissent la pratique du ballon ovale au profit du rond. Au lendemain de la guerre, cet engouement pour le football se maintient grâce à la venue massive d’immigrés originaires d’Italie ou d’Espagne, où ce sport est largement répandu. 

Dans les années 1950 à 1980, le rugby gersois connaît un véritable « âge d’or ». Plusieurs clubs du département s’invitent dans l’élite et de nombreux enfants du pays gravent leur nom au palmarès du rugby national ou international. Parmi eux, le plus emblématique est certainement Jacques Fouroux, capitaine devenu entraîneur des Bleus, comme Jacques Brunel, un peu plus tard.

Dans les années 1990, c’est le basket gersois qui remporte les honneurs avec notamment le sacre de l’équipe féminine du Basket Astarac Club de Mirande (BAC) comme championne de France. Fondé en 1975, le club a ouvert une section féminine sous l’impulsion d’Alain Jardel et Jacques Commères qui ont accompagné les jeunes Mirandaises au plus haut niveau national et international. Les performances du BAC Mirande ont propulsé les deux entraîneurs vers l’encadrement des équipes de France, féminine et masculine.

La fin des années 1990 avec le développement du professionnalisme constitue un tournant fort pour la reconnaissance du sport gersois. Malgré des investissements importants, les clubs du département qui côtoyaient les championnats d’élite n’ont pu se maintenir au plus haut niveau, faute de moyens financiers.

# De nouveaux enjeux

Avec la professionnalisation du sport, les clubs qui souhaitent se maintenir au plus haut niveau doivent rentrer dans des logiques financières afin de s’offrir les services de joueurs susceptibles de faire gagner l’équipe et les compétences d’un environnement adapté (élargissement des staffs, développement de l’emploi). Les subventions publiques, associées aux partenariats privés, sont indispensables pour faire face aux besoins des clubs. Les associations deviennent des entreprises qu’il faut sans cesse faire fructifier afin de se maintenir dans cette division commerciale où l’argent prend peu à peu le pas sur le jeu. Les clubs emblématiques du Basket Astarac Club de Mirande puis du Football Club auscitain pour le rugby sont finalement dissous, faute de moyens.

Des clubs plus petits sont eux aussi confrontés aux problèmes financiers ainsi qu’au déclin démographique qui touche le département. La solution est donc souvent la fusion de plusieurs clubs qui permet de faire perdurer la discipline sur le territoire. D’autres alternatives se font jour, à l’image des coopérations territoriales de clubs mises en place par la fédération française de basket afin de rassembler plusieurs clubs d’un territoire cohérent autour d’un projet partagé en vue de valoriser la discipline localement.

Dans un territoire rural comme celui du Gers, la présence d’un club sportif est un gage de vie sociale pour les petites localités. Les habitants se mobilisent autour de « leur » club aussi bien pour former les jeunes que pour proposer des rendez-vous réguliers autour des compétitions qui sont autant d’occasion de resserrer le tissu social, de faire fonctionner la solidarité et de valoriser le vivre ensemble.

# Les infrastructures

La place prise par le sport dans la vie quotidienne des Gersois s’inscrit également dans l’espace. D’abord pratiqués dans les rues ou les prés, les sports tels que le rugby ou le football ont nécessité la construction d’infrastructures. Leur aménagement s’étend à l’ensemble du territoire à partir des années 1950, à l’image d’un pays en pleine reconstruction économique et en voie de modernisation. Avec l’accession de nombreux clubs de rugby gersois à l’élite durant les « Trente Glorieuses », il devient inconcevable de recevoir des équipes prestigieuses dans des enceintes délabrées, vétustes ou sous-équipées : il en va de la réputation du club et du prestige de la ville. L’heure est à la constitution de complexes sportifs modernes qui permettent la pratique de diverses activités (rugby, football, tennis, basket, natation, athlétisme, etc.). Progressivement, les éléments légers comme la brique et le bois laissent la place à des matériaux plus solides tels le ciment, le fer ou le béton, qui confèrent une allure massive et monumentale aux nouvelles enceintes sportives.

Si ce sont principalement les communes qui ont investi dans la construction de complexes sportifs, on constate l’émergence d’équipements financés par les clubs eux-mêmes. Toutefois, face aux investissements colossaux demandés pour les mettre aux normes, certains sont repris « pour le franc symbolique » par les collectivités locales afin d’assurer leur financement, comme c’est le cas pour le circuit emblématique Paul-Armagnac de Nogaro.

Dans les années 1970, les aménagements se diversifient et on voit apparaître des bases de plein air et de loisirs, dotées de plan d’eau. Créées d’abord à l’attention des touristes, elles sont utilisées par les locaux durant la période estivale.

Durant les vingt dernières années, les travaux de rénovation des équipements sportifs des années 1950-1970 ont amené les acteurs locaux à transformer les usages jusqu’alors dévolus. Ces aménagements ont été repensés pour être polyvalents en leur ajoutant bien souvent une dimension culturelle afin de diversifier et rentabiliser leur utilisation. Des salles de sport peuvent ainsi accueillir concerts, conférences, réunions publiques ou encore forums des associations. Les équipements se diversifient encore pour répondre aux nouvelles attentes. Ils ne sont plus uniquement en intérieur mais aussi en extérieur pour accueillir les sports de pleine nature ou encore les sports juvéniles acrobatiques au sein de skate-parks et autres pump-track.

# Le Gers, terre de jeux

Si on considère les « stars » du moment dans le monde de l’ovalie (Grégory Alldritt, Pierre Bourgarit, Antoine Dupont, Anthony Jelonch ou encore Paulin Riva), on peut dire que, plus largement, le Gers est un terreau en or pour les sportifs de haut niveau (Loetitia Moussard en basket, Valérie Gauvin en football, Simon Gauzy en tennis de table, etc.). Les clubs ont en effet mis l’accent sur la formation des jeunes. Ce choix a permis à plusieurs d’entre eux de se distinguer au plus haut niveau, y compris dans des disciplines olympiques et paralympiques allant de la gymnastique au basket, du cyclisme à l’athlétisme, du bobsleigh au ski, ce qui peut sembler étrange dans un département de plaine…

Martine Prieur, Nicolas Berejny et Omar Bouyoucef sont les leaders gersois des Jeux Paralympiques en totalisant 17 médailles.

La ferveur olympique se traduit également au sein de la population avec l’accueil de la flamme olympique à deux reprises : la première fois, le 21 janvier 1992, à l’occasion des Jeux d’hiver à Albertville, la seconde, le 18 mai 2024, pour les Jeux d’été à Paris, mobilisant 136 relayeurs auprès des sept communes traversées (L’Isle-Jourdain, Fleurance, Condom, Mirande, Marciac, Nogaro et Auch, ville célébration). L’organisation de ces Jeux a été l’occasion pour 46 collectivités territoriales gersoises d’obtenir le label « Terre de jeux 2024 » permettant de valoriser leur engagement dans l’esprit olympique et la promotion du sport sur leur territoire.

# Conclusion

En 2024, une étude de l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP) révélait que 30 % de la population gersoise était licenciée dans un club, ce qui plaçait le Gers dans le top 10 des départements les plus sportifs. La ruralité n’est donc pas un frein à la pratique sportive. Malgré les difficultés financières et démographiques auxquelles sont confrontés les clubs au quotidien, l’éclaircie vient de l’implication des dirigeants, des bénévoles et des adhérents pour former les jeunes générations.

# Bibliographie

  •  François Borde, La course landaise : une vieille dame pleine de vie, Memoring Edition, 2024, 176 p.
  • Gérard Bosc, « L’apparition du basket en France (et en Europe) à la fin du XIXe siècle », Les cahiers de l’INSEP, hors-série L’Empreinte de Joinville, 150 ans de sport, 2003, pp. 187-197.
  • Jean-Paul Callède, « Réseaux d'équipements sportifs, innovation culturelle et fonctionnalité urbaine », Histoire, économie & société, 2007/2, 26e année, pp. 75-85. 
  • Patrick Clastre et Paul Dietschy, Sport, société et culture en France du XIXe siècle à nos jours, Hachette supérieur, 2006, 348 p.
  • Marc Falcoz et Pierre Chifflet, « La construction publique des équipements sportifs : aspects historique, politique et spatial », Les Annales de la recherche urbaine, n°79, 1998. Sports en ville. pp. 14-21.
  • Pascal Geneste, Audrey Pourcet-Gleyze, Valentin Sarran, Du coq à l’âme. Le rugby gersois au XXe siècle, Auch, Archives départementales du Gers, 2023, 144 p.
  • Site : https ://jo2024.gers.fr/lhistoire-des-jeux-olympiques-dans-le-gers