La bibliothèque municipale de Lyon

07 février 1973
05m 33s
Réf. 00208

Notice

Résumé :

La nouvelle bibliothèque municipale de Lyon dans le quartier de la Part Dieu n'entrera en fonction qu'en 1974. Deux aspects ont été pris en compte : la conservation et l'incitation à la lecture. 50 000 ouvrages pourront être empruntés.

Date de diffusion :
07 février 1973
Source :
ORTF (Collection: JT 20H )
Lieux :

Éclairage

Le 6 décembre 1972, alors que les travaux ne sont pas encore achevés, la bibliothèque de la Part-Dieu, à Lyon, est inaugurée en grande pompe par le maire Louis Pradel. Ce nouvel équipement fait partie des grands aménagements du quartier décidés par ce maire bâtisseur, à la tête de la ville depuis 1957.

Ce vaste quartier était au XIXe siècle propriété des Armées. Y avait été édifié un ensemble de casernes pour accueillir des régiments de dragons, hussards, cuirassiers et autres troupes d'infanterie, de cavalerie et d'artillerie. Les terrains avaient été cédés à la ville le 30 décembre 1960. La municipalité souhaitait à l'époque réaliser un centre administratif, financier, culturel et commercial à la hauteur de la deuxième agglomération de France. L'immense chantier s'était donc ouvert en 1967 et les premiers édifices étaient vite sortis de terre : barres de logement, immeubles de bureaux, nouvelle halle de Lyon (1970) et bibliothèque municipale (1972).

Le 7 février 1973, la bibliothèque a les honneurs du journal télévisé de la deuxième chaîne, présenté par Jean-Marie Cavada. Il faut dire que la bibliothèque de la Part-Dieu présente une innovation importante : elle a vocation, outre à conserver des livres comme toute bibliothèque, à inciter à la lecture en exerçant une activité de prêt. Une vocation qui répond à l'augmentation de la part de la population poursuivant des études supérieures, et à la politique culturelle menée, à cette époque, par l'État et les collectivités territoriales.

Avec une capacité de 1,5 million d'ouvrages (conservés dans un silo de 17 étages comportant 90 km de rayonnages) et une superficie de 27 000 m2 (avec dix salles de consultation, chacune ayant une fonction), elle se présente si ce n'est comme la deuxième bibliothèque du monde, après celle de New York (selon le reportage), au moins comme la plus grande d'Europe. La construction est, elle aussi, empreinte de monumentalisme, au regret, cependant, des urbanistes qui souhaitaient qu'elle soit un lieu de rencontres ouvert sur la cité. Dans ce quartier en devenir (on voit encore les grues en activité), la bibliothèque est, en fait, encore isolée. Elle n'est pas ce « hall de gare perfectionné » qu'appelle de ses vœux Charles Delfante, responsable de l'aménagement du quartier.

Remarquable par sa conception et sa dimension, la bibliothèque de la Part-Dieu l'est aussi par les moyens engagés : 40 millions de francs, dont 40 % ont été pris en charge par l'État. Dans un premier reportage du 6 décembre 1972, Pradel annonce la somme en anciens francs, mais la part de l'État semble ici réduite à 25 %. Et les efforts de la municipalité en matière de personnel et d'équipements devront être à la hauteur de ses ambitions. Les acquisitions, le catalogage, la recherche documentaire et la circulation des documents ne seront informatisés qu'en 1986.

Forte de son succès avec une fréquentation de près d'un million de personnes, la bibliothèque de la Part-Dieu se dotera en 2007 d'une deuxième entrée sur le boulevard Vivier-Merle, face à la gare de la Part-Dieu et au dense réseau de bus et de tramway. La question de Cavada en début de reportage semble avoir trouvé sa réponse : la bibliothèque est bien devenue un espace ouvert sur la cité.

Michelle Zancarini

Transcription

Présentateur
Les bibliothèques des villes modernes doivent-elles être des sanctuaires culturels propices aux recherches ou bien des lieux de rencontre, ouverts carrément sur la cité, et favorisant le contact. Eh bien, une réponse à cet exemple.
Journaliste
La bibliothèque municipale Saint Jean à Lyon. L’ancienne bibliothèque. Ouverte en 1912, au pied de la colline de Fourvière, elle vit ses derniers jours.
(Silence)
Journaliste
De l’autre côté du Rhône et de la Saône, dans le futur centre de la ville, le quartier de la Part-Dieu, la nouvelle bibliothèque municipale. Commencée en 1969, elle vient d’être inaugurée, un peu vite. Peut-être pour rassurer les Lyonnais qui aiment bien savoir ce qu’on fait de leur argent. La bibliothèque ne fonctionnera totalement qu’en 1974. Deux fonctions, conservation et incitation à la lecture. Pour la conservation des livres, un immense silo noir, 17 étages. Sa capacité, un million et demi d’ouvrages. On est encore assez loin des 7 millions de la bibliothèque nationale ou de celle de Florence. Et pour l’instant, Lyon ne possède que 500 000 volumes à peu près. Pour l’incitation à la lecture, 10 salles, y compris salles de conférences, d’expositions, de prêts, plus une discothèque et une cafétéria. L’ensemble a coûté 40 millions de francs sans le prix du terrain, l’apport de l’Etat 40%. Les urbanistes souhaitaient une bibliothèque ouverte sur l’extérieur, en fait elle est isolée dans ce nouveau quartier.
Charles Delfante
La bibliothèque était emprunte d’un certain monumentalisme qui n’était peut-être pas tout à fait de mise avec l’esprit que nous voulions imprimer à l’opération Part-Dieu.
Journaliste
Innovation: à la bibliothèque de Lyon, on prêtera des livres. La salle de prêt contiendra 50 000 volumes, les lecteurs y circuleront librement. Tout comme ici, dans la salle d’information générale où l’on trouvera aussi bien la presse quotidienne qu’un manuel de droit commercial. Une contrainte cependant, les salles ont chacune une fonction. Par exemple Arts et Lettres, sciences humaines, Economie, fonds anciens pour les chercheurs. C’est une conception rigide par rapport à la conception flexible du futur centre culturel du plateau Beaubourg à Paris. Le modernisme de la bibliothèque repose sur deux éléments, le matériel et le personnel.
Jean-Louis Rocher
Il est évident que du point de vue du matériel, un effort considérable a été fait pour doter la bibliothèque d’instruments de travail qui soient au point, qui soient du jour, qui sont d’ailleurs coûteux et je crois que de ce point de vue là, nous aurons un matériel très convenable.
Journaliste
Contrepartie, le matériel sera difficile à faire fonctionner. La circulation des livres dans le silo, espace non accessible au public, ne sera pas automatique. Le livre n’arrivera pas sur simple pression sur un bouton. On se servira d’un monte-charge traditionnel entre les étages. Si l’on gagne en espace, on perd du temps. Le circuit du livre sera long du silo au lecteur. La commande du livre est faite par télex mais on transmettra les commandes une à une. Cela prendra aussi du temps.
Jean-Louis Rocher
Mais il me semble que ce qui fait le caractère moderne d’un service, d’une bibliothèque, c’est avant tout l’accueil qu’y reçoit le public.
Journaliste
Comparaison: en 1966, à la bibliothèque de Frankfort, 200 personnes travaillaient. A Lyon actuellement, 55. 85 dans le courant de l’année, il en faudrait au moins 100 dès maintenant. Pour l’accueil et pour le travail de gestion. La commande des livres, leur réception, l’enregistrement: donner un numéro au livre, le catalogage: savoir ce que contient le livre, l’établissement des fiches pour savoir où est le livre, l’équipement enfin. L’habillage du livre. Actuellement, les mêmes jeunes filles font à la fois l’animation, l’accueil et le reste. Lorsque la bibliothèque aura son ordinateur, les choses seront facilitées pour une partie de la gestion. Mais cela n’est pas pour tout de suite.
Jean-Louis Rocher
Tout va dépendre des décisions qui seront prises au cours des années à venir par la municipalité pour doter cet établissement du personnel capable non seulement de faire les opérations techniques que vous avez vu mais surtout d’accueillir le lecteur, de l’aider à tirer parti de la bibliothèque. Sinon nous risquons d’avoir une grande masse qui ne pourra pas être beaucoup utilisée.
Journaliste
Il faut savoir être patient, la bibliothèque est neuve. Même s’ils doivent attendre qu’elle fonctionne bien, les Lyonnais en sont fiers.
Charles Delfante
Il faut amener à la fréquentation de la bibliothèque, il faut qu’elle devienne, peut-être malgré son monumentalisme un endroit vraiment très public. Il faut que ça soit à la limite un hall de gare perfectionné.
Journaliste
Oui mais vous avez dit malgré son monumentalisme justement.
Charles Delfante
Oui mais ça on peut pas, Paris ne s’est pas fait en un jour, à fortiori Lyon, et on ne veut pas réformer toutes les mentalités, ni celles des maîtres d’ouvrage, ni celles des maîtres d’œuvre en un clin d’œil.