Le synchrotron de Grenoble
Notice
Depuis quelques années le synchrotron s'est installé à Grenoble. Cet accélérateur de particules, dont le but est d'observer la matière est l'un des trois plus importants au monde.
- Rhône-Alpes > Isère > Grenoble
Éclairage
L'installation du synchrotron, évoquée par le reportage relève d'une histoire longue qui remonte à la Seconde Guerre mondiale. En effet, la constitution d'un « empire physicien » à Grenoble renvoie à l'arrivée dans cette ville universitaire de Louis Néel qui était, depuis 1937, professeur de physique à l'université de Strasbourg où il avait fait sa thèse. Lors de la déclaration de guerre, la ville et l'université de Strasbourg furent évacuées car situées à l'est de la ligne Maginot. Louis Néel fut mobilisé et ses recherches sur le magnétisme et sa neutralisation servirent à la flotte française à mettre au point des méthodes permettant d'échapper aux mines.
Une fois démobilisé, Louis Néel se tourne vers Grenoble dont il connaît le niveau d'équipement des laboratoires universitaires. Pour lui, la recherche ne peut être productive si elle reste une recherche individuelle. Elle doit s'appuyer sur des équipements techniques de plus en plus lourds et coûteux, ce qui implique des unités de recherche où existe une division du travail entre enseignants-chercheurs, techniciens et administratifs. Cette division du travail est à l'œuvre dans les laboratoires grenoblois où l'équipement a été financé par le patronat local. Ce mode d'organisation va d'ailleurs devenir le modèle des unités de recherche mises en place par le CNRS dans les années qui suivent la Libération.
Grâce aux réseaux constitués dans l'armée au moment de sa mobilisation, Louis Néel obtient la création, en 1956, du centre d'Etudes Nucléaires de Grenoble où des piles atomiques sont mises au service des laboratoires pour des recherches liées ou non au nucléaire. Dans le même esprit, est installé, en 1971, un an après l'obtention du prix Nobel par Louis Néel, l'Institut Laue Langevin qui dispose d'un réacteur à neutrons à hauts flux. Cette création est précisément la bifurcation scientifique, pour reprendre la formulation de Gilles Novarina, qui va déboucher sur l'installation du synchrotron, instrument électromagnétique qui permet d'accélérer les particules élémentaires et d'analyser la matière.
En effet, le premier directeur de l'Institut Laue Langevin, le physicien allemand Maier-Leibniz devient, dès 1976, responsable d'un groupe de travail de la Fondation européenne de la Science sur le rayonnement synchrotron.
Dès 1978, ces réflexions débouchent sur la constitution de l'European Synchrotron Radiation Facility (ESRF). La mise en place de l'ESRF renvoie aussi au vieillissement des installations lancées par le Conseil Européen pour la Recherche Nucléaire (CERN) dès 1952 qui a abouti à la construction d'un synchrotron de première génération sur la frontière franco-suisse, dans le Pays de Gex.
Plusieurs pays sont immédiatement intéressés par l'ESRF où le couple franco-allemand joue le premier rôle mais les scientifiques italiens sont également parmi les plus engagés dans le projet. La question de la localisation se pose et plusieurs sites sont retenus : parmi eux, Dortmund, Trieste ou Strasbourg, mais pas Grenoble. Assez vite le choix de la France s'impose, pourtant, le gouvernement, après avoir envisagé une installation à Strasbourg, choisit le site de Grenoble à proximité de l'Institut Laue Langevin, alors que Hubert Curien est ministre de la recherche du gouvernement Fabius. Ce choix entraîne un fort mécontentement à Strasbourg et souligne l'importance d'un tel équipement pour une région.
Les travaux commencent en 1988 pour s'achever en 1992, date à laquelle commence le programme expérimental. Onze pays participent alors à l'ESRF : Allemagne, Angleterre, Belgique, Danemark, Espagne, Finlande, France, Italie, Norvège, Suède et Suisse.
Le reportage se situe au moment de la mise en œuvre du programme expérimental et avant l'inauguration officielle en octobre 1994 par le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, François Fillon du gouvernement Balladur.
Depuis 1998, 40 lignes de lumière sont opérationnelles. Aujourd'hui, le synchrotron du polygone scientifique de Grenoble est l'un des trois plus puissants du monde (avec celui d'Argonne, près de Chicago et celui de Spring-8 près de Kyoto). Sur 2000 propositions de recherche reçues chaque année, 900 seulement sont retenues car le « temps de faisceau » est limité. Des travaux réalisés à l'ESRF, résultent, en moyenne, 1500 publications chaque année.
Bibliographie :
- André Kaspi, « Le CNRS et Hubert Curien de 1969 à 1973 », La revue pour l'histoire du CNRS, n°1, 1999. Le titre est assez limitatif car on trouve dans cet article des informations sur la création et la mise en place de l'ESRF jusqu'en 1986.
- Gilles Novarina, Ville et innovation scientifiques, le cas de l'aire métropolitaine de Grenoble.
Voir également le site de l'ESRF.