La Pâque juive et le vote à Grenoble
Notice
Lors de la Pâque juive, certains jours, aucune activité n'est permise. Des accords ont cependant été instaurés pour autoriser le vote lors des élections cantonales qui se déroulent au même moment.
- Rhône-Alpes > Isère > Grenoble
Éclairage
Cette séquence prend pour prétexte la célébration de Pessa'h, la pâque juive qui commémore la sortie d'Egypte, pour s'interroger sur le vote juif. Le journaliste vient demander à des fidèles à la sortie d'une synagogue établie dans le centre de Grenoble si leur religion ne va pas les empêcher d'accomplir leur devoir électoral ce dimanche, jour d'élection cantonale. Le téléspectateur retient sans doute que la grande majorité des juifs voteront et que les assesseurs des bureaux de vote prendront en compte l'interdit d'écrire le jour de Pessa'h en n'exigeant pas de l'électeur qu'il paraphe le registre. Selon le rabbin l'impossibilité de signer est d'ailleurs prévue par le code électoral.
Mais le traitement de ce sujet pose plus de questions qu'il n'apporte de réponses. La première, implicite, est l'existence d'un vote juif susceptible de peser sur le résultat des élections. Rien n'est dit sur le nombre d'électeurs juifs, encore moins sur ce qui caractérise un électeur juif. Question délicate il est vrai tant elle divise, y compris au sein du judaïsme. Si l'on choisit le critère ethnique (selon lequel la judéité se transmet par la mère), on compterait autour de 5 000 juifs à Grenoble mais il n'existe aucune statistique fiable. Pour la région Rhône-Alpes l'agglomération lyonnaise (où Villeurbanne pèse beaucoup) compterait environ 20 000 juifs. D'une manière générale le judaïsme existe surtout dans les villes de la région.
Si l'on définit le judaïsme par la pratique religieuse, elle très variable selon les fêtes et n'est pas générale. Et elle est en évolution constante selon les époques et échappe à tout dénombrement précis.
A Grenoble comme dans les autres villes françaises, la majorité d'origine askhénaze jusque dans les années 1960 s'est surtout reconnue historiquement dans les courants réformés, orthodoxes modérés, libéraux ou laïques. L'arrivée de juifs d'Afrique du nord a transformé la composition du groupe au profit des juifs d'origine sépharade en majorité plus religieux et plus proches de courants plutôt conservateurs, soucieux d'affirmer leur identité propre. Cependant les traditions dans la vie domestique ou les rites et cantiques du culte comptent sans doute beaucoup dans les affiliations à un courant particulier. Devant cette diversité, et faute de données, le tableau précis de la situation à Grenoble en 1994 est impossible. On peut seulement dire que la communauté juive, avec toutes les prudences qu'impose cette qualification, est loin de constituer un bloc homogène comme en témoignent les affiliations à des synagogues différentes, à des courants religieux différents, à des associations culturelles différentes.
Quant au vote juif, outre son très faible poids statistique (moins de 1%), toutes les enquêtes convergent pour montrer qu'il n'existe pas ou est caractérisé par une diversité de choix qui a surtout à voir avec les histoires familiales et individuelles et la conjoncture. Le comportement politique des juifs n'est donc pas déterminé par leur appartenance à un groupe religieux ou à une supposée ethnie. Les éventuelles consignes données par des institutions juives restent subordonnées aux choix individuels.
Reste le poids des interdits dont le commentaire laisse entendre qu'il est déterminant dans le comportement civique des fidèles. De fait, les jours de shabbat (samedi) et de fête religieuse, le pratiquant est censé refuser 39 types d'activités ou melakhot dont la liste a été progressivement dressée par les écrits talmudiques (commentaires et interprétations de la Bible hébraïque). Mais il n'y a pas d'unanimité sur ce point et tous les interdits peuvent être suspendus dans certaines conditions laissées à l'appréciation des rabbins et des croyants. Ainsi les plus orthodoxes refusent d'écrire mais d'autres considèrent que l'écriture comme loisir ne tombe pas dans la catégorie des activités répréhensibles. On conçoit les discussions sans fin que peut susciter la signature d'un registre électoral pour laquelle la recherche d'une réponse avec une situation comparable dans la Bible ou dans la tradition (par analogie) s'avère problématique. On peut enfin s'étonner que les interdits propres à Pessa'h, tel le contact avec du levain, et qui donnent de manière symbolique son sens à la fête, ne soient pas évoqués dans le reportage.