Planche à voile à La Grande-Motte

En 1978, un nouveau sport nautique envahit les plages héraultaises et surprend par l’innovation technique dont il est porteur. Il s’agit de la planche à voile ou du windsurf, si l’on est attaché à ses origines californiennes. L’auteur de ces lignes a réalisé, au cours de l’été de cette même année, une étude sur l’ensemble des clubs nautiques et structures saisonnières du littoral héraultais afin d’en analyser le fonctionnement [1]. Cette activité, considérée à ses débuts comme un simple jeu de plage, a acquis progressivement un statut de sport auprès de la Fédération française de voile.

Elle a été diffusée dans l’Hérault au cours de l’année 1976, après avoir été introduite en France via la Bretagne en 1973. L’inventaire du matériel nautique utilisé dans les écoles de voile ou par les plagistes révèle qu’elle constitue, au moment de ce reportage vidéo, près du tiers des embarcations ! Ce décompte ne prend pas en compte la pratique individuelle autonome qui est également très importante, ce qui entraîne une concurrence d’usage du bord de mer avec les baigneurs et autres jeux nautiques, car il n’existe pas de chenaux réservés aux départs et arrivées de plage. Un article du journal L’Express daté du 21 août 1978 résume l’impression ressentie : L'engouement sur les plages françaises pour la planche à voile est phénoménal (…) on en compte près de 80 000. C’est la nouvelle folie, la grande révélation de l’été 1978.

Face au développement de cette activité sportive, les institutions chargées de l’organisation de la voile en France mettent en place des formations adaptées. Il en est ainsi de l’école de voile de l’Union des centres de plein air (UCPA) implantée sur le site du Village vacances familles (VVF) de La Grande-Motte. Afin de faciliter l’initiation des débutants, les planches sont munies de voiles réduites, plus faciles à maîtriser. Les embarcations évoluent sur l’étang du Ponant, plan d’eau peu agité par rapport à celui de la mer, ce qui facilite le contrôle de l’équilibre du débutant et simplifie la démarche pédagogique.

En 1978, Il n’existe pas encore de championnat de France de windsurf, mais des festivals internationaux sont organisés, tel celui de La Grande-Motte au mois d’août. Cette manifestation permet aux compétiteurs de tester leur matériel nautique et aux différents constructeurs de valoriser leur production, car la concurrence est rude !

Les premiers championnats d’Europe de windsurf se sont déroulés en 1973, ceux du monde en 1974 et Il faudra attendre les Jeux Olympiques de 1984 à Los Angeles pour sa reconnaissance en tant que discipline olympique (les embarcations sont choisies par le comité de la ville organisatrice).

L’extrait vidéo tourné sur l’étang du Ponant est une démonstration de l’usage de la planche à voile par deux champions de la discipline, Jean-Marie Fabre et Maurice Lejeune. Le premier, surnommé « Maï », a été plusieurs fois champion d'Europe de freestyle (style libre). Le second en est également un pratiquant de haut niveau. Il est également rédacteur d’articles dans la revue Wind Magazine, puissant vecteur de la diffusion de cette forme de pratique dès 1977. Il est aussi connu en tant que fondateur de l’International Snowboard Federation en 1990 (planche acrobatique de neige), ce qui témoigne de la vaste transformation des pratiques sportives à partir des années 1970. Dans le freestyle chacun peut innover dans l’usage de la planche en exécutant des figures diverses.

La démonstration réalisée par ces deux champions est une brève illustration de cette ouverture sportive. Il est dommage que la journaliste ne reprenfe pas les termes techniques utilisés pour décrire les figures, car elles forment un tout avec la manière de pratiquer. En effet, l’histoire de l’importation de sports étrangers, américains en particulier, témoigne de la pérennité du vocabulaire d’origine. Il en est ainsi pour les gestes techniques du freestyle en windsurf, le départ corps dans l’eau est un water start, changer de bord en faisant pivoter la voile par l’avant est un jibe, le départ de plage est un beach start et lorsque le véliplanchiste fait passer la voile au-dessus de sa tête, c’est un duck jibe. ll est vrai qu’en 1978 la journaliste découvre une pratique nouvelle et, lorsque le champion d’Europe se déplace en marche arrière, elle ne peut qualifier la manœuvre que de… fantaisiste !

[1]  Rapport déposé à la Direction départementale de la jeunesse et des sports de l’Hérault.

• Denis Jallat, « La construction d'une identité de la planche à voile dans les années 1970-1980 : représentations, jeux et enjeux », Sciences sociales et sport, vol. 4, no. 1, 2011, pp. 65-91.
• Christian Lebozec, Le Free style, Paris, Gallimard, 1984.
• « Des véliplanchistes professionnels ou amateurs », dans L'Express n°1415 du 21 août 1978.