L'insubmersible Victorine
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Ce reportage est tourné en février 1995, à un moment où La Victorine va très mal : aucun long-métrage n'y a été tourné en 1993, un seul en 1994, précise le commentaire. Il ne reste que sept employés permanents, dont le projectionniste du studio qui exprime ici ses craintes et ses espoirs. Après un rappel des périodes fastes, appuyé par des extraits des Enfants du paradis et d'une interview de Truffaut préparant La Nuit américaine, on nous montre les bâtiments à l'abandon tandis que le commentaire précise en conclusion que le studio ne vivote plus que grâce aux tournages de pub, mais qu'il espère l'arrivée d'un repreneur.
Date de diffusion :
13 févr. 1995
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Contexte historique
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Depuis 1999, les studios de Nice s'appellent officiellement - pour de complexes questions juridiques - les Studios Riviera. Mais les « professionnels de la profession » continuent à les désigner sous leur nom d'origine : La Victorine.
Antérieure aux studios, l'appellation remonte à 1876, quand un descendant de Masséna rachète ce domaine de sept hectares et y bâtit un pavillon d'agrément qu'il baptise ainsi en l'honneur de sa nièce, Victoire. Le cinéma, lui, s'empare du lieu en 1919. Cette année-là, deux producteurs ayant fait fortune dans le tout jeune septième art, Serge Sandberg et Louis Nalpas, décident de racheter le domaine pour en faire des studios. Mais ces audacieux ont vu trop grand. Nalpas y perd sa fortune tandis que Sandberg, arrive à maintenir l'entreprise suffisamment à flot pour qu'en 1924, Rex Ingram s'y intéresse.
Extravagant personnage, Ingram est, dans les années 20, un des cinéastes les plus adulés d'Hollywood, l'égal de Cecil B. De Mille et de D.W. Griffith, surtout après Les Quatre cavaliers de l'Apocalypse, qui a lancé Rudolph Valentino. Il découvre Nice et ses studios, à l'occasion du tournage (pharaonique) de Mare Nostrum. Voyant là une occasion unique d'affirmer ses aspirations de metteur en scène – démiurge, il décide de prendre le contrôle de La Victorine qu'il agrandit et modernise pour en faire une réplique parfaite d'un studio hollywoodien. Mais les choses tournent mal. Les nababs de Californie menacent de ne pas lui renouveler son contrat et la gestion de La Victorine lui cause d'innombrables difficultés. Ingram se retire de l'affaire en 1928, au moment où l'arrivée du parlant le remet en question.
Incapable de s'y adapter, il finira solitaire et ruiné. Tout va bien en revanche pour La Victorine qui, parfaitement équipée et irriguée par de nombreux capitaux, accueille de grosses productions et tourne à plein régime tout au long des années 30.
Loin d'arrêter cette dynamique, la guerre va au contraire la renforcer. Après la défaite de 1940, la quasi totalité de l'industrie cinématographique se replie en effet sur Nice. Période brillante pour les studios, en dépit de micmacs financiers qui se solderont en 1944 par leur provisoire mise sous séquestre. Parmi les films réalisés à cette époque, rien moins que Les Visiteurs du soir, L'Eternel retour et Les enfants du paradis !
Les années 50 et 60 sont, elles aussi, extrêmement prospères : en moyenne six longs-métrages par an parmi lesquels Lola Montès, Fanfan la Tulipe, Mon Oncle, ou Le Corniaud. Même les poids lourds du cinéma américain, tels Hitchcock, Hathaway ou Preminger, viennent y travailler, entraînant dans leur sillage une nuée de stars. (C'est comme ça que Grace Kelly, venue tourner La Main au collet, s'est retrouvée Princesse de Monaco !)
Pourtant, peu à peu, les nuages s'amoncellent. Pour parer à la spéculation foncière, la Ville se rend propriétaire des terrains. Mais ce geste essentiel ne met pas La Victorine hors de danger. Les installations sont à reconstruire après un terrible incendie, et surtout la généralisation du tournage en décors naturels lui porte un coup terrible. Truffaut le sait bien, qui, en 1972, réalise à La Victorine La Nuit américaine, éblouissant hommage à ce cinéma de studio en voie de disparition.
En 1984, on croit La Victorine sauvée grâce à l'intervention de Jack Lang, alors Ministre de la Culture, qui y injecte plusieurs millions d'argent public. Mais le répit est de courte durée. Malversations de toutes sortes et imbroglios juridiques se multiplient. Les repreneurs valsent tandis que la pression foncière et la crise du cinéma s'accentuent. Au cours des années 90, la Victorine n'est plus que le fantôme d'elle-même. En 2000, la Ville confie les studios au groupe Euromédia sous forme d'une délégation de service public courant jusqu'en 2018. La télévision, cœur de métier du groupe, prend alors le pas sur le cinéma, sans que les hypothèques sur l'avenir soient vraiment levées. Qui sait si l'insubmersible Victorine existera encore pour fêter son centenaire en 2019 ?
Bibliographie :
René Prédal : Le cinéma à Nice : histoire de la Victorine en 50 films, Productions de Monte Carlo, 2006
Filmographie
François Truffaut, La Nuit américaine, 1973 (disponible en DVD)
Transcription
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