L'Opération Sultan : la rafle de Marseille de janvier 1943
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En janvier 1943, après la destruction du Vieux-Port, l'armée allemande, épaulée par des gardes mobiles français, a ratissé la ville pendant deux jours. L'Opération Sultan, supervisée par le secrétaire général à la police de Pétain, René Bousquet, constitue une des rafles les plus massives de la Seconde Guerre mondiale en France : 20 000 personnes évacuées de leur logement, plus de 6000 arrestations, 1642 déportés dont 782 personnes juives. Elie Arditti, seul survivant d'un convoi de déportés juifs raflés à Marseille le 22 janvier 1943 et envoyés à Drancy par train spécial, témoigne et commente les photos de l'armée allemande.
Date de diffusion :
25 avr. 1993
Date d'évènement :
23 janv. 1943
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Contexte historique
ParDocteur en Histoire contemporaine, Post-doctorant à Aix-Marseille Université
Depuis novembre 1942 et l’invasion allemande de la zone libre, Marseille est occupée. À partir du 22 janvier 1943, sur l’ordre ordre de Heinrich Himmler, les nazis déclenchent dans la ville l’Opération Sultan sous prétexte de représailles contre des attentats menés par la Résistance. Elle consiste à évacuer, dans la plus grande précipitation et sans ménagement, plus de 20 000 personnes de leur logement, afin de détruire à l’explosif le quartier Saint-Jean dans la partie septentrionale du Vieux-Port. Ce dernier est en effet considéré comme un lieu interlope propice à toutes les déviances et à tous les vices, tout en ayant servi depuis l’entre-deux-guerres de lieu de refuge à des hommes persécutés par les nazis.
Sous la supervision des Allemands, l’opération est conduite par la police française, dirigée par René Bousquet, et la garde mobile de réserve, illustrant la Collaboration d’État du régime de Vichy avec l’occupant. Au final plusieurs milliers de personnes, hommes, femmes, enfants et vieillards sont raflées, dont 804 Juifs, envoyés par wagons plombés à Compiègne puis Drancy avant de prendre la direction des camps de la mort de Sobibor et Auschwitz en Pologne. Elie Arditti, dix-huit ans et demi, parvient à sauter du train à Montauban et est donc un des seuls à échapper à la mort.
Cette rafle du Vieux-Port a eu lieu six mois après celle du Vel d’Hiv de juillet 1942 à Paris, à l’occasion de la commémoration de laquelle le président Jacques Chirac a reconnu, en 1995, la responsabilité de la France dans la déportation des Juifs de France. En Provence, le lieu de mémoire du camp des Milles près d’Aix-en-Provence, ce « Vel d’Hiv du Sud », rappelle notamment que, dès août 1942, les Juifs étrangers raflés dans la région y étaient regroupés avant d’être envoyés à Rivesaltes ou Drancy, puis de prendre eux aussi la direction des camps d’extermination nazis.
Après avoir enfoui durant des décennies ce tragique épisode au plus profond de lui, au soir de sa vie, alors que le mur de Berlin et le rideau de fer viennent de tomber, Elie Arditti témoigne dans les écoles au nom du devoir de mémoire, afin de rappeler cette tragédie humaine largement sortie des esprits et éviter que de tels actes odieux ne se reproduisent à l’avenir. En 1987 s’est également tenu devant la Cour d’assises du Rhône le procès pour crime de guerre et crime contre l’humanité, filmé pour l’histoire, du « boucher de Lyon » Klaus Barbie, responsable de nombreuses déportations y compris celle des enfants d’Izieu. Le chef collaborationniste de la Milice à Lyon, Paul Touvier, est également jugé en 1994. Il est le premier Français à être condamné pour crime contre l’humanité. Enfin en 1998 à Bordeaux, Maurice Papon secrétaire général de la préfecture de Gironde sous l’Occupation, est condamné pour complicité de crime contre l’humanité pour son rôle actif dans la déportation des Juifs de la région bordelaise vers Drancy et par conséquent les camps de la mort. Le procès de Marseille n’aura lui sans doute jamais lieu, mais une plaque sur un immeuble situé non loin de la mairie rend hommage depuis 1962 « aux disparus, internés, déportés, morts dans les camps nazis, victimes de la tragique évacuation du quartier du Vieux-Port le 23 janvier 1943 ».
Bibliographie
- Chouraqui Alain (dir.), Pour résister à l’engrenage des extrémismes, des racismes et de l’antisémitisme, Paris, Le Cherche Midi, 2015.
- Renée Dray-Bensousan, Les Juifs à Marseille pendant la Seconde Guerre mondiale (Août 1939-Août 1944), Paris, Les Belles Lettres, 2004.
- Robert Mencherini (dir.), Provence Auschwitz. De l’internement des étrangers à la déportation des juifs 1939-1944, Aix-en-Provence, Publications de l’Université de Provence, 2007.
- Annette Wieviorka, Déportation et génocide : Entre la mémoire et l'oubli, Paris, , Plon, 1992.
Transcription
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