Les enfants juifs cachés de Nice

Le 6 novembre 2014, le palais préfectoral à Nice accueille une journée d’étude consacrée à la persécution des juifs dans le département des Alpes-Maritimes lors de la Seconde Guerre mondiale, en présence de témoins de ces années sombres. A cette occasion est également présentée au public une exposition intitulée « Les juifs de France dans la Shoah » réalisée par le Mémorial de la Shoah et l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG).

De 5 000 personnes à la veille de la Seconde Guerre mondiale, la communauté juive azuréenne passe à environ 25 000 âmes dans le premier semestre 1943. Elle grossit, d’une part, au lendemain de la défaite de juin 1940 par l’arrivée d’individus fuyant l’occupation par les Nazis de la partie septentrionale de la France, mais aussi, d’autre part, à partir de novembre 1942 et le début de l’occupation italienne de Nice, synonyme de la suspension de fait de l’application des lois anti-juives instaurées par le régime de Vichy. Ce dernier afflux est aussi grandement favorisé par l’invasion à la même date par les Nazis de la zone libre à la suite du débarquement anglo-américain en Afrique du Nord.

Dès le 26 août 1942, plus de 600 juifs étrangers réfugiés à Nice subissent les conséquences de la rafle ordonnée par le gouvernement de l’État français dans l’ensemble de la zone libre, quelques semaines seulement après celle du Vel d’Hiv en région parisienne. Livrés à la Gestapo et conduit au camp de Drancy en zone occupée, ils sont ensuite déportés vers Auschwitz. En  septembre 1943, la fin de l’occupation italienne et l’arrivée des Allemands entraîne immédiatement une intensification des rafles. Ces opérations sont supervisées sur place par le SS Aloïs Brunner, acteur majeur de la Solution finale, nommé depuis quelques mois commandant du camp de Drancy. Du 11 septembre au 15 décembre 1943, vingt-huit convois embarquent à Nice 1820 individus pour la gare du Bourget-Drancy ; ensuite le rythme est moindre mais les départs se poursuivent jusqu’à l’été 1944 et la Libération de Nice. Situé à proximité de la gare, l’hôtel Excelsior sert au regroupement des juifs avant leur départ.

Face à cette situation, Moussa Abadi (alias Monsieur Marcel) et sa compagne médecin Odette Rosenstock (alias Sylvie Delattre), tous deux israélites, fondent le réseau Marcel, qui sauve pas moins de 527 enfants juifs dans la région niçoise, en les cachant au sein de familles et de diverses institutions avec l’aide d’associations juives (comme l’American Joint Comittee), mais aussi de religieux, comme le pasteur de l’Église réformée Pierre Gagnier, le pasteur de l’Église baptiste Edmond Evrard et surtout l’évêque de Nice Monseigneur Paul Rémond. Moussa Abadi utilise en effet ses nouvelles fonctions d’inspecteur de l’enseignement catholique du diocèse de Nice pour recenser dans les écoles religieuses les places disponible pour y accueillir des enfants juifs alors pourvus de faux certificats de baptême produits au sein même de l’évêché. Odette Rosenstock, devenue assistante sociale de l’évêché en charge des enfants réfugiés, bénéficie d’une même liberté de mouvement pour accomplir leur œuvre commune.   

Après avoir fui Paris à l’été 1942, Jeannette Wolgust (Swita de son nom de jeune fille) est un des enfants confiés à 13 ans par ses parents, juifs d’origine polonaise, à ce réseau qui l’a cachée à l’Institut Jeanne d’Arc à Grasse, lui sauvant ainsi la vie. Elle sera plus tard la fondatrice de l’association « Les enfants et amis Abadi », perpétuant la mémoire de ses bienfaiteurs. Elle continue aujourd’hui inlassablement, à un âge avancé, à témoigner sur la Shoah.

Bibliographie

• Viviane Harroch, Jean-Louis Panicacci et Jérémy Guedj (dir.), Nice, les années noires 1940-1944, Nice, Publications du Centre Universitaire Méditerranéen, 2017.  
• Jean-Louis Panicacci, « Juifs de 1939 à 1945 », in Ralph Schor (dir.), Dictionnaire historique biographique du comté de Nice : Hommes et événements, droit et institutions, art et culture, lieux de mémoires, Nice, Serre, 2002, p. 203-204.
• Jean-Louis Panicacci, Les Alpes-Maritimes dans la guerre 1939-1945, Sayat, De Borée, 2013.
• Ralph Schor, Un évêque dans le siècle : Monseigneur Paul Rémond 1873-1963, Nice, Serre, 1984.