Le Cid de Corneille, mis en scène par Declan Donnellan au Festival d'Avignon
Notice
Interview du comédien William Nadylam, le jeune comédien noir qui incarne Rodrigue dans le spectacle, et qui récuse une lecture superficielle des personnages. Plusieurs brefs extraits du spectacle : récit du combat (acte IV, scène 3), duel (acte II, scène 2), plaidoyer de Dom Diègue (acte IV, scène 5), débat de Chimène et Elvire (acte III, scène 3). Interview de Declan Donnellan rapprochant Le Cid de la guerre d'Espagne.
Éclairage
Le Cid est sans conteste la pièce la plus célèbre de Corneille, mais aussi celle qui souleva la plus grande querelle théâtrale de son temps. Conçue comme une tragicomédie, à une époque où la doctrine classique ne s'est pas encore imposée de manière stricte dans le théâtre professionnel français, la pièce connaît un succès sans précédent qui installe durablement la renommée de son auteur, tout en soulevant les objections morales et esthétiques des doctes désireux d'affirmer leur contrôle sur la production des pièces à sujet sérieux. Empruntant à l'inspiration espagnole, alors très à la mode, la pièce plaît aussi par la densité des actions spectaculaires, le panache de ses personnages et sa fin heureuse, puisque Rodrigue épouse Chimène. Cependant les critiques d'opposants de Corneille, en particulier Chapelain et Scudéry, sur l'immoralité d'une telle union entre une jeune fille noble et le meurtrier de son père, poussent le dramaturge à suspendre le mariage et à transformer sa pièce en tragédie dès 1648.
Avec sa mise en scène, présentée au Festival d'Avignon en 1998, Declan Donnellan est le premier à oser succéder à Vilar et à son Cid mythique de 1951, incarné par Gérard Philipe. Metteur en scène irlandais affectionnant les œuvres classiques, qu'il met en scène aussi bien à Londres qu'à Moscou ou à Paris, Donnellan souhaite faire sonner autrement le monument de Pierre Corneille. Il choisit donc de donner à voir ses personnages dans un contexte contemporain, où l'honneur est avant tout un mot vide, et où l'héroïsme le cède souvent à la peur, à la fanfaronnade ou au désir. L'atmosphère générale est donc légère, à l'exemple du flamenco qui accompagne la tirade d'impuissance de Don Diègue. Dans le rôle de Rodrigue, William Nadylam est noir comme les Maures qu'il combat, et donne à voir un personnage sensible et mal assuré, moins glorieux, mais plus humain que le stéréotype scolaire que l'histoire a généralement retenu. La nouveauté de cette relecture a sans doute contribué au grand succès de ce spectacle, qui a longuement voyagé après cette création.
Voir Le Cid mis en scène par Jean Vilar au Festival d'Avignon (1951)