Electre de Sophocle, mis en scène par Antoine Vitez

16 juin 1986
03m 01s
Réf. 00318

Notice

Résumé :

Encadrées par deux extraits du spectacle (le dialogue entre Electre et le Précepteur au 2e épisode, les retrouvailles entre Electre et Oreste au 4e épisode), une interview de la comédienne Evelyne Istria qui souligne le caractère atemporel d'Electre, puis du metteur en scène Antoine Vitez qui évoque un poème de Ritsos, Oreste.

Date de diffusion :
16 juin 1986
Source :
FR3 (Collection: RENNES SOIR )
Fiche CNT :

Éclairage

L'histoire d'Electre tient une place à part dans le répertoire grec, car elle est la seule pour laquelle nous soient parvenues des pièces des trois grands tragiques : Les Choéphores d'Eschyle, l'Electre de Sophocle et l'Electre d'Euripide. Ainsi se superposent, pour la fille d'Agamemnon, trois poèmes tragiques où sa plainte fait entendre des accents différents.

Comme pour rendre compte de l'inépuisable richesse du personnage, Vitez consacre à la seule tragédie de Sophocle trois mises en scène successives : l'une en 1966 au Théâtre de Caen, au début de sa carrière ; la seconde en 1972 au Théâtre des Quartiers d'Ivry (voir ce document), où les cris d'Electre répondent à ceux des prisonniers politiques de la Grèce des colonels ; et la troisième en 1986, après la chute de la dictature militaire, dont il donne à voir les derniers soubresauts. Dans les trois mises en scène, le rôle d'Electre est assumé par la même comédienne, Evelyne Istria, comme pour figurer la permanence du personnage à travers les âges de la vie.

Pour sa troisième et dernière mise en scène de la pièce, dans un décor évoquant un intérieur de la Grèce contemporaine, Vitez fait évoluer des personnages d'apparence banale, transformant la tragédie de Sophocle en un drame familial où le chœur devient un groupe de trois voisines venues boire le café. Une radio donnant quelquefois à entendre le texte de Sophocle en grec ancien vient cependant rappeler le statut mythologique de l'histoire racontée, tandis qu'un vieil aveugle rappelant l'aède d'Homère tient la place du coryphée et assume en une psalmodie visionnaire la plupart des parties chorales.

Céline Candiard

Transcription

Présentatrice
Il est des hommes et des carrières qu’une seule œuvre suffit à marquer. Pour Antoine Vitez, c’est Electre de Sophocle. Une première mise en scène il y a vingt ans au théâtre Maison de la Culture de Caen. Une deuxième en 71 à Nanterre. Une troisième en avril 86 au Théâtre national de Chaillot. Et chaque fois, l’éloge de la critique. La pièce, la dernière, bien sûr celle de Chaillot sera présentée demain et après-demain soir à la Maison de la Culture de Rennes.
Antoine Vitez
Je me suis aperçu au fond que il doit y avoir un malentendu sur le travail que je fais. Je crois que je suis un classique et qu’on me prend pour un baroque. J’ai pensé à ça hier soir.
Journaliste
C’était en février 1966. A l’invitation de la Maison de la Culture de Caen, Antoine Vitez réalisait sa première mise en scène d’Electre. Femme obsession dont il traduisait la tragédie racontée par Sophocle. 1971, Nanterre. Retour à Electre accompagnée des poèmes de Yannis Ritsos qui coïncident avec la rencontre de la Grèce. 1986, Electre à Chaillot. Dans le rôle titre comme en 1966, comme en 1971, Evelyne Istria.
Comédien
Désir, adultère. Sans mariage, sans lit de noces. Assassine ! C’est bien pour cela que j’ai bon espoir et je sais que le présage atteindra les coupables et leurs complices ou bien il n’y a plus de signification pour les hommes. Attirer des oracles et des rêves qui leur font peur si cette vision de la nuit ne conduit nulle part.
Evelyne Istria
C’est quelqu'un qui n’a pas d’âge, Electre. C’est quelqu'un dont on peut penser qu’elle a 2500 ans et qu’elle était pourquoi pas comme ça. Et qu’elle criait déjà peut-être depuis des siècles. Je crois qu’elle a pas tellement d’âge. Et je voudrais surtout pas qu’elle ait... c’est pas parce que peut-être de temps en temps comme ça, une fois tous les vingt ans, on lui donne… Antoine lui donne mon visage ou mon apparence, c’est pas ça qui est important.
Antoine Vitez
Ritsos a écrit une série de poèmes autour du thème d’Electre. Il a écrit en particulier un très beau poème que j’ai traduit, qui s’appelle Oreste. Où il montre que Electre est abîmée par sa résistance. Elle est insupportable. Elle n’est pas sympathique. Elle n’est pas gentille. Elle est au fond usée, éraillée. Elle a la voix rauque. Et ça, ça m’a fait penser à un poème de Brecht très beau. Le poème qui s’adresse, comme il dit, à ceux qui naîtront après nous. Où il dit que la lutte contre l’injustice rend, elle aussi, la voix rauque.
Evelyne Istria
Mes amis. Regardez. C’est Oreste. La ruse l’avait fait mourir et la ruse le fait vivre.
(Bruit)