Giselle de Mats Ek à l'Opéra de Paris

05 juin 1993
02m 03s
Réf. 00704

Notice

Résumé :

A l'occasion de son entrée au répertoire de l'Opéra de Paris en juin 1993, FR3 présente Giselle de Mats Ek. Ce montage révèle quelques extraits significatifs en couleurs : entrée de Giselle (Marie-Claude Pietragalla), scène de la folie où Giselle frappe à terre sa rivale Bathilde (Clotilde Vayer), danse d'Hilarion (José Martinez) venu offrir une fleur à Giselle, prostrée dans un asile d'aliénées. Et pour terminer, le dernier duo d'Albrecht (Nicolas Le Riche) qui tente en vain de ramener Giselle à la raison.

Date de diffusion :
05 juin 1993
Source :
FR3 (Collection: Le Soir )
Thèmes :

Éclairage

Giselle est le premier grand ballet de Mats Ek qui prend toute une soirée. Il le règle en 1982 pour sa femme Ana Laguna. Deux ans plus tard le Ballet Cullberg le donne au Théâtre de la Ville avec Ana Laguna, Luc Bouy (en alternance avec Mats Ek) et Yvan Auzely.

Le spectacle fait l'effet d'une bombe, surtout à Paris où fut créé en 1841 le plus célèbre des ballets romantiques. On crie au scandale et au génie ! Pour la première fois un chorégraphe ose transposer ce sacro-saint mythe à l'époque contemporaine, et faire de la ravissante petite paysanne une demeurée, l'idiote du village, un béret noir vissé sur la tête. Une fille gauche et sans attrait, qui aime de toute son âme et de tout son corps frémissant Albrecht, un jeune gandin de la ville, et repousse Hilarion, le rustre jaloux qui la retient attachée à un piquet comme un vulgaire animal !

Avec cette Giselle, Mats Ek marque une date charnière dans l'histoire du ballet classique. Tout en suivant la musique d'Adam, il rend le sujet universel. Son héros en habit de satin blanc pourrait aussi bien être une star de l'écran, un blouson doré, un milliardaire américain ou un nouveau Russe, finalement touché par la force et la sincérité des sentiments de cette pauvre fille. La psychologie des personnages est universelle.

Mats Ek élimine les danses purement virtuoses ou décoratives pour se concentrer sur les cinq caractères principaux qui prennent un tout autre relief. Il sacrifie vingt cinq minutes de la musique et ramène Giselle à moins d'une heure trente. Il y gagne en force et en concision.

Mats Ek n'est pourtant pas le premier à proposer une relecture décapante d'un grand ballet du répertoire. Dès 1976 John Neumeier situe Le Lac des Cygnes de Tchaïkovski au royaume de Louis II de Bavière. Tout découle de source, avec une logique confondante, depuis les réjouissance pour fêter l'inauguration d'un des châteaux de Louis II, jusqu'à la mort du roi qui s'enfonce, comme le prince Siegfried dans un sombre lac pour sublimer dans la mort un amour impossible.

Dans son Illusion like Swan Lake, John Neumeier utilise un vocabulaire classique, qu'il rénove avec force et ingéniosité. Mats Ek, lui, innove totalement et outre une transposition encore plus radicale, crée un langage jamais vu, à l'antipode des romantiques sylphides, willis et autres princesses cygnes. Son langage est à la fois rude et souple, peu naturel avec ses gestes saccadés, ses jambes et bras largement écartés, mais toujours humain et terriblement sensible. Les symboles sont insolites, comme les œufs géants poussés au premier acte par les paysans, ou osés, comme les seins et sexes qui peuplent la salle de l'hôpital psychiatrique du second acte et tourmentent l'esprit des pauvres aliénées prises de frénésie sous leurs draps. Ces blanches créatures, et l'infirmière en chef - transpositions des willis fantômes et de leur reine implacable - constitue encore une superbe invention du chorégraphe. Après Giselle, Mats Ek a donné des visions tragiques du Lac des Cygnes en 1987 avec des cygnes masculins en tutu blanc, pieds nus et crane rasé, et de La Belle au Bois Dormant dix ans plus tard, faisant de la jeune Aurore une princesse people toxicomane et nymphomane, et de Carabosse un vieux médecin dealer. Des relectures marquantes, dérangeantes.

Sa Giselle a ouvert les vannes, libérant tous les fantasmes des chorégraphes. Et ils sont nombreux à donner des révisions radicales souvent très réussies comme Maguy Marin avec Cendrillon et Angelin Preljocaj avec Roméo et Juliette à l'Opéra de Lyon, Jean-Christophe Maillot à Monte-Carlo (Casse-Noisette dans un cirque), Charles Jude à Bordeaux (Coppelia USA), sans oublier le fameux Swan Lake de Matthew Bourne qui fit les beaux soirs du Théâtre Mogador, et le bonheur de Billy Elliott...

René Sirvin

Transcription

Présentateur
Avec de la danse, l’opéra de Paris présente en alternance deux versions du célébrissime Giselle, un ballet créé en 1851 sur une musique d’Adolphe Adam. Une Giselle traditionnelle, et romantique donc, et puis une autre beaucoup plus décapante réinventée par le suédois, Mats Ek, les puristes risquent d’être choqués. Reportage Dominique Poncet, Philippe Jasselin.
(Musique)
Journaliste
Pieds nus, béret enfoncé jusqu’aux oreilles, ventre en avant et l’air un peu demeuré, voici, Giselle . Mais une Giselle, vitriolée par un chorégraphe aussi doué qu’insolent, le suédois Mats Ek.
(Musique)
Journaliste
Avec lui, au lieu de mourir d’amour pour un gandin de passage, la plus célèbre des héroïnes romantiques, va finir internée dans un hôpital psychiatrique.
(Musique)
Journaliste
Depuis sa création en 1982, cette Giselle dense, forte, aux gestes éclatés et frénétiques, n’a cessé d’estomaquer tous les publics du monde.
(Musique)
Journaliste
Elle vient de faire son entrée à l’Opéra de Paris, c’est un triomphe.