Création de Simon Boccanegra à l'Opéra de Paris

27 octobre 1978
03m 05s
Réf. 01105

Notice

Résumé :

La création à l'Opéra de Paris de Simon Boccanegra, un opéra de Giuseppe Verdi qui a attendu la seconde partie du XXe siècle pour trouver enfin les faveurs du public, fut l'un des grands moments de l'ère Liebermann. Ses artisans, le metteur en scène Giorgio Strehler et le chef d'orchestre Claudio Abbado en expliquent l'importance entre quelques brefs extraits évoquant la magie de la représentation autour d'une Mirella Freni magique.

Date de diffusion :
27 octobre 1978
Source :
A2 (Collection: JA2 20H )

Éclairage

Pour la saison 1977-1978, Rolf Liebermann programme La dame de Pique de Tchaïkovski qu'il confie au directeur de La Taganka de Moscou, Youri Lioubimov. Le projet du metteur en scène n'ayant pas eu l'heur de plaire aux autorités soviétiques, la production doit être annulée. En remplacement, Rolf Liebermann obtient de La Scala de Milan que la toute récente production de Madame Butterfly signée Jorge Lavelli soit présentée à Paris. C'est la première d'une trop courte série d'échanges fructueux entre les deux théâtres, Paris présentant à Milan en 1979 la Lulu de Chéreau et Boulez pour 2 soirs, Milan proposant en échange 3 représentations du Wozzeck de Luca Ronconi et Claudio Abbado à Paris. Mais le plus magnifique aboutissement de cette politique est l'apparition sur la scène de l'Opéra le 25 octobre 1978 de la magnifique production de Simon Boccanegra de Verdi, que Giorgio Strehler et Claudio Abbado avaient offert en 1971 à Milan.

Simon Boccanegra a fait un four à sa création, à La Fenice de Venise, en 1857, et n'a pas pu s'imposer au répertoire à l'époque. En 1880, Verdi le remanie avec l'aide d'Arrigo Boito, et lui donne des couleurs musicales et une logique dramatique nouvelles. Il en fait ainsi un pendant d'Otello, et l'une de ses œuvres les plus parfaites, sans que pour autant elle s'installe véritablement au panthéon de ses grandes réussites emblématiques. Et malgré des reprises récurrentes en Italie, l'œuvre reste pratiquement inconnue en France, où elle n'est jouée qu'au Théâtre Italien avec le créateur de la version remaniée à La Scala de Milan en 1883, le baryton français Victor Maurel. Les représentations de 1978, et la reprise de 1979, éblouissantes, installent enfin sa réputation auprès du public français. Car l'interprétation musicale en est absolument exceptionnelle. C'est l'occasion pour Paris d'entendre pour la première fois le chef Claudio Abbado - alors directeur artistique du théâtre Scaligère - diriger un opéra. Son interprétation faite de drame et de lumière, de couleur et d'atmosphère, demeure encore la plus racée qui soit pour l'œuvre. La distribution vocale n'est pas en retrait : Mirella Freni, Amélia de rêve, Piero Cappuccilli, Doge fascinant, Nicolai Ghiaurov, Fiesco d'une profondeur et d'une humanité insondables, Veriano Luchetti en Gabriele, déjà salués à Milan comme les meilleurs de leur génération, sont transcendants.

Mais c'est la mise en scène fascinante de beauté de Giorgio Strehler et de son décorateur Ezio Frigerio qui emporte le plus l'enthousiasme. Le metteur en scène italien, patron du Piccolo Teatro de Milan où il se consacre au théâtre (nombre de ses productions sont présentées au Théâtre de l'Odéon), est régulièrement invité à produire des opéras, à La Scala de Milan comme au Festival de Salzbourg. Sa production des Noces de Figaro qui avait inauguré l'ère Liebermann à Paris est restée comme une pierre blanche de l'histoire du théâtre lyrique depuis 1973.

Le spectacle, simple et somptueux à la fois, très atmosphérique, est capté intégralement par la télévision française à Paris, et par la RAI à Milan, fait absolument exceptionnel à l'époque.

Pierre Flinois

Transcription

(Musique)
Giorgio Strehler
C’est un des opéras peut-être, on ne dit pas seulement inconnus mais méconnus si vous voulez, et c’est un opéra très important, selon moi, d’un point de vue musical et aussi parce qu’il envisage un problème qui est tout à fait présent, qui est tout à fait, qui nous appartient. C’est-à-dire ce mélange quelquefois résolu, quelquefois qui reste encore un petit peu dans l’incertitude mais dans le drame, du grand drame politique, du grand drame social qui est quand même lié avec les drames humains.
Journaliste
Dans ces développements lyriques, l’histoire de Boccanegra est extrêmement complexe. Pour l’essentiel, il s’agit du drame d’un corsaire qui parvient à devenir le premier doge de Venise. Et contrairement à ce que ses ennemis disent de lui, Boccanegra est plein de bonté et de clairvoyance. Il essaie d’instaurer la paix dans son pays, d’abolir un certain nombre de privilèges, ce qui lui vaut évidemment l’inimitié des grands.
(Musique)
Claudio Abbado
Presque tous les Italiens aiment Verdi mais j’aime surtout cet opéra, je pense. C’est un des plus beaux de Verdi, un des plus profonds et peut-être, c’est une des raisons qu’il n’avait pas un grand succès pour plusieurs années.
(Musique)