Une journée des mineurs de fer
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Résumé
Le reportage est un focus sur le travail des derniers mineurs de fer de Lorraine dans les galeries de la mine d'Audun-le-Tiche qui ferme en 1997. Les témoignages de Jean-Pierre Mittaux, premier mineur, de Christian Gueib, foreur, de Daniel Cieli, leur contremaître, et de leurs collègues nous renseignent sur les différents métiers du fond.
Date de publication du document :
Février 2022
Date de diffusion :
13 janv. 1996
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Contexte historique
ParMaître de conférences en Histoire contemporaine, Crulh, Université de Lorraine
En 1960, la France était le troisième producteur mondial de minerai de fer derrière les États-Unis et l’URSS. Moins de deux générations plus tard, la dernière mine de fer française – exploitée par la société luxembourgeoise ARBED – cesse son activité : le site minier des Terres Rouges à Audun-le-Tiche ferme le 31 juillet 1997. Seize ans après la fermeture de la dernière mine de fer luxembourgeoise, le sous-sol lorrain et luxembourgeois n’est plus parcouru par ceux que l’on surnomme les « gueules jaunes ». La concurrence des minerais étrangers à forte teneur (la minette lorraine n’ayant une teneur en fer que de 30 à 35 % contre souvent le double pour ses concurrents) et les transformations techniques de la sidérurgie ont été fatales aux mines de fer de Lorraine et du Luxembourg. Tout un ensemble de métiers disparaissent avec la fin des mines de fer. Ces métiers ont également en commun d’être intégrés dans un process industriel qui s’est détaché des représentations que le grand public peut avoir du travail de la mine.
Le grand mérite du reportage réalisé dans le fond de la mine d’Audun-le-Tiche en 1996 est précisément de montrer comment les mineurs travaillent dans les galeries souterraines. De puissants engins diesel – chargeuses – transporteuses pour recueillir et déplacer le minerai abattu à l’explosif, jumbos de foration (terme minier pour forage) pour percer la roche, machines à purger pour sécuriser les parois des galeries souterraines, etc. – expliquent le haut rendement de l’activité minière industrialisée. En effet, en Lorraine, dans les années 1990, un mineur extrayait 200 tonnes de minerai de fer par poste à l’abattage.
Grâce aux interviews de Jean-Pierre Mittaux, premier mineur chargé d’abattre le minerai puis de sécuriser les galeries, et de Christian Gueib, foreur dont la mission est de réaliser des schémas de tir à l’explosif ou des trous pour permettre le boulonnage des plafonds des galeries, il est facile de comprendre comment le travail des mineurs de fer a pu devenir beaucoup moins dangereux que lorsqu’il était essentiellement manuel (jusqu’au milieu du XXe siècle).
Le reportage s’attarde aussi sur la pause casse-croûte d’une équipe de « gueules jaunes ». On y découvre que le porion, contremaître chargé de la sécurité et de l’organisation du travail, joue un rôle déterminant dans le management d’hommes qui connaissent très bien leur métier : il gère les différentes autonomies professionnelles en présence dans les galeries. D’autant que dans le milieu souterrain hostile, l’instinct, le fameux « nez du mineur », restent déterminants pour contribuer à la sécurisation des postes de travail, eux-mêmes rationalisés imparfaitement du fait des caractéristiques géologiques des galeries.
D’ailleurs, tandis que les risques d’accident ont beaucoup diminué dans les mines, notamment par rapport aux années 1950, la lutte contre les maladies professionnelles a aussi progressé. La fin du reportage montre que les mineurs procèdent au tir d’abattage en fin de poste de jour pour éviter de respirer des fumées toxiques et des poussières. Le ramassage du minerai abattu s’effectuant le lendemain. Malgré cela, les « gueules jaunes », qui ont précédé ceux des années 1980 - 1990, ont pu subir davantage de dommages corporels invalidants ou mortels et, surtout, des maladies professionnelles comme des BPCO (Bronchopneumopathies chroniques obstructives), la sidérose voire des cancers liés aux produits chimiques utilisés dans le cadre du travail mécanisé.
Au moment où ces risques professionnels commençaient à être mis à bonne distance des mineurs de fer voire à être supprimés, les bouleversements économiques ont mis fin à l’épopée de l’exploitation du minerai de fer en Lorraine. C’est aussi cela que l’on entrevoit dans ce reportage : le chant du cygne d’un ensemble de métiers dont l’amélioration ultime de leurs conditions de réalisation peut faire désormais regretter leur disparition.
Transcription
(Cliquez sur le texte pour positionner la vidéo)
(Bruit)
Laurence Duvoid
Un monde surréaliste, obscur, où les mineurs fourmillent, travaillent, avec pour seul guide la lumière des phares de ces énormes engins.Comme cette chargeuse appelée CTX, capable d’enfourner jusqu’à 15 tonnes de minerais.Autre monstre diabolique, la machine à purger.
(Bruit)
Laurence Duvoid
Combien d’années faut-il avant de pouvoir conduire une machine comme ça ?
Jean-Pierre Mittaux
Combien d’années ?Ça vient vite, ça dépend des personnes.Des personnes s’adaptent très facilement, d’autres moins facilement.Pour moi, personnellement, au bout d’un mois ou deux, on arrive quand même à faire quelque chose de raisonnable.
Laurence Duvoid
Toi, c’est vraiment ta spécialité de faire ça ?
Jean-Pierre Mittaux
Eh bien, avant d’en arriver là, c’est tout par petites étapes, disons en montant en grade tout doucement, et puis c’est le travail du premier mineur ce qu’ils appellent.Il m’a fallu quand même une quinzaine d’années pour en arriver là.
(Bruit)
Jean-Pierre Mittaux
Avec cette machine, je purge le plafond pour mes camarades qui vont venir derrière, c’est-à-dire après le tir qu’on a fait systématiquement ou qu’on vu, il faut purger le plafond, c’est-à-dire faire tomber tous les blocs qui sont susceptibles de tomber inopinément, quoi.Et puis, ensuite, après, le boulonneur passera pour consolider le plafond avec des boulons que nous verrons.
(Bruit)
Daniel Cieli
Déjà, l'anxiété du porion, c’est qu’il n’y a pas un bloc qui se détache et qu’il y a un bonhomme en dessous.C’est ça déjà l’anxiété.Après, on oublie tout ça, mais quand on arrive derrière un foreur, derrière un chargeur ou derrière un boulonneur, je ne sais pas si vous avez vu tout à l’heure, avec le flash, on voyait mieux les blocs.Mais moi, avec ma lampe, je viens, je ne viens pas pour travailler.Je viens pour les surveiller, pour voir.Surveiller, c’est un grand mot.Mais je viens voir si ils travaillent en sécurité.Et il y a des fois, je peux dire le mot, je les engueule parce qu’ils travaillent avec quelque chose au-dessus de la tête qui pourrait risquer de tomber.
(Bruit)
Laurence Duvoid
Alors, qu’est-ce que vous pensez de votre chef, le porion ?
Daniel Cieli
Attendez, je pars !
Mineur 1
Oui, oui ! Vas-y !
Jean-Pierre Mittaux
Très bien.
Mineur 2
Il est bien, notre chef.
Mineur 3
On l’a connu en tant que premier mineur.Et puis, maintenant, voilà.
Daniel Cieli
En fait, je suis chef depuis 5 ans.
Mineur 4
C'est un bon chef.
Laurence Duvoid
Et c’est toujours à la même heure en fait que ça se passe la pause.
Mineur 5
À un quart d’heure près, oui.
Jean-Pierre Mittaux
Il faut qu’on refasse une synthèse du poste, ce qui a marché, ce qui n’a pas marché, avec notre chef, et pouvoir se relancer sur autre chose s’il y a eu des pannes ou si… pour une raison ou une autre, quoi.
Daniel Cieli
Christian ?
Christian Gueib
Oui.
Daniel Cieli
On va aller là-bas dans le puits [inaudible] après tu iras avec Anthony dans les puits du 18, et après tu reviendras sur le 13.
Laurence Duvoid
La pause terminée, chacun retrouve sa machine, son quartier, dans la solitude du chantier, avec pour seul compagnon le bruit des engins et leurs gaz d’échappement, simple question d’habitude pour les gueules jaunes.Qu’à cela ne tienne, le travail continue.Une fois le plafond de la galerie consolidé par des boulons afin d’éviter des chutes de bloc, le foreur investira les lieux.Objectif :percer des trous où viendront se nicher les explosifs.
(Bruit)
Laurence Duvoid
Est-ce qu’il y a un nombre de trous prédéterminés à l’avance ?
Christian Gueib
Il y a un schéma qui est prévu pour chaque quartier suivant la hauteur ou suivant la densité de la mine.Et ici, c’est un schéma à 35 trous.
(Bruit)
Laurence Duvoid
Il est 21 heures, l’heure fatidique car chaque mineur se doit de déserter son chantier avant l’ultime étape de la faction :l’explosion.150 kilos de dynamite pour une récolte de 400 tonnes de minerais.
(Bruit)
Laurence Duvoid
À chaque explosion, la fin d’une journée, le commencement d’une autre, pour un autre voyage au bout de la nuit.
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