Splendeur et misère de Minette la bonne Lorraine
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Résumé
Jacques Kraemer présente Splendeur et misère de Minette la bonne Lorraine, nouvelle création du Théâtre Populaire de Lorraine.
Date de publication du document :
Février 2022
Date de diffusion :
29 mars 1969
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Contexte historique
ParMaître de conférences HDR en Arts du spectacle, 2L2S, Université de Lorraine
En 969, Jacques Kraemer, alors directeur du Théâtre Populaire de Lorraine, présente sa première pièce : Splendeur et misère de Minette la bonne Lorraine, une création dont il est à la fois l’auteur (en collaboration avec René Gaudy) et le metteur en scène. Le spectacle, créé à Villerupt le 19 avril, sera joué dans différentes communes de Lorraine, puis, en tournée, dans toute la France.
Le projet du TPL s’accompagne d’un fort engagement politique et ne saurait se limiter à la simple représentation d’œuvres dramatiques. Créée en lien étroit avec son contexte socio-historique, la pièce qui s’adresse au public populaire (scolaire et ouvrier) est accompagnée par une « opération minette » censée introduire à la problématique de l’œuvre. Ainsi, dans chaque ville où elle est donnée, la représentation est précédée d’une semaine d’« animation culturelle », comprenant des projections et des parades, comme celle dont nous voyons un extrait dans le document vidéo. Chaque séance est également suivie d’un débat.
L’argument dramatique, d’inspiration brechtienne, est fondé sur un jeu de mot. Dans l’idiolecte des mineurs, la « minette » est le nom d’un minerai de faible teneur en fer nécessitant un traitement pour en éliminer le phosphore, ce qui le rend peu compétitif face à la concurrence étrangère. Jacques Kraemer en a fait une antonomase comique (les « minettes », dans le vocabulaire des années 70 désignent les jeunes filles dans le vent…) afin de raconter de manière plaisante les heures de gloire et les vicissitudes de l’industrie lorraine. Un an après Mai 68, dans la tradition du théâtre d’agit-prop (théâtre politique et populaire pris comme instrument d’agitation et de propagande), la Minette de la pièce est un personnage de jeune fille, livré aux mains de proxénètes patibulaires, en lieux d’affreux patrons capitalistes [1], bien décidés à l’exploiter jusqu’au bout. Mais Minette n’intéresse ses souteneurs que tant qu’elle est « rentable » ; le moment venu, ils l’abandonneront pour de la chair fraîche mauritanienne.
Véritable parabole, la pièce revêt une dimension prémonitoire, puisqu’elle annonce, en quelque sorte, ce que l’on appellera bientôt « la fermeture de la Lorraine », c’est-à-dire, la désindustrialisation du territoire, la fermeture des mines et des usines et la mise au chômage de milliers de travailleurs [2].
La politisation du théâtre trouve ici l’une de ses manifestations françaises les plus remarquables. Fort d’un véritable succès populaire dont témoignent la presse de l’époque (Le Monde, L’Humanité, La Quinzaine littéraire, etc.), Splendeur et misère de Minette la bonne Lorraine peut être considéré comme un « classique » du théâtre d’intervention, réalisant l’utopie d’une rencontre aboutie entre le monde artistique et le monde ouvrier. À ce titre, le spectacle obtint une reconnaissance internationale, dont témoignent, par exemple, les textes d’Arturo Lazzari, publiés dans L’Unita et dans l’ouvrage collectif : La traversée du désert.
La pièce, dans une version quelque peu modifiée [3], sera reprise en 1977, à Thionville et à Villerupt, lorsque le TPL aura quitté Metz suite au conflit d’ordre politique qui l’opposait à la municipalité de Jean-Marie Rausch.
[1] Ce sont les maîtres de forges de la lignée De Wendel qui sont principalement visés.
[2] Au milieu des années 1960, la sidérurgie lorraine emploie à peu près 100 000 personnes. Les fermetures de sites et les licenciements massifs interviendront surtout entre 1975 et 1980.
[3] Création au Théâtre municipal de Thionville, le 1er décembre 1977. Mise en scène de Jacques Kraemer, assisté de Michel Guillaume et de Michel Puig, dramaturgie de Charles Tordjman, scénographie de Yannis Kokkos et Danièle Rozier.
Bibliographie
- Jacques Kraemer, Splendeur et misère de Minette la bonne Lorraine (collection T), Éditions du Seuil, Paris, 1970.
- Jacques Kraemer, "Minette la bonne Lorraine", L’Avant-Scène Théâtre n°623, 1978.
- Arturo Lazzari, La traversée du désert (collection Il lavoro teatrale) / a cura di Arturo Lazzari ; [Piccolo teatro di Milano], Parma, 1969.
Transcription
(Cliquez sur le texte pour positionner la vidéo)
Jacques Kraemer
Nous avons décidé d’écrire une pièce sur un des problèmes principaux de la réalité régionale, à savoir la sidérurgie et le minerai de fer.
Benoît-Michel Gelot
Alors quel en est le thème ?Nous venons de voir l’héroïne, maintenant Minette.
Jacques Kraemer
Oui, nous jouons sur le double sens de Minette.Minette, la petite mine, le minerai de fer, et Minette la jeune fille.Et donc, il se trouve que cette Minette, la Minette de notre pièce est enlevée par de vilains messieurs qui la mettent au turbin, et c’est une histoire loufoque mais qui, bien entendu, porte certaines significations sociales, etc.
Benoît-Michel Gelot
Oui, alors, d’un côté c’est une expérience théâtrale que vous faites ?
Jacques Kraemer
Oui, c’est une expérience qui, je crois, à l’heure actuelle est tout à fait originale et à mon avis très importante.Elle n’a pas son correspondant en France et je pense que dans le cadre de la recherche d’un public populaire avec un répertoire adapté, cette expérience est très importante.
Benoît-Michel Gelot
Recherche d’un public populaire que vous menez dans le cadre d’une vaste opération, encore il ne s’agit pas simplement de Minette mais d’une opération Minette ?
Jacques Kraemer
Oui, c’est-à-dire que, ainsi que je l’avais déjà expliqué, nous nous implantons dans les villes maintenant pour toute une périodeet chaque représentation du spectacle, c’est-à-dire Splendeur et misère de Minette la bonne Lorraine, est préparée par une animation culturelle au moyen de deux montages et d’une exposition.
Benoît-Michel Gelot
Et alors, nous venant de voir un extrait du premier montage, celui qui est destiné aux scolaires.
Jacques Kraemer
C’est ça.Tout est centré sur le minerai de fer et la sidérurgie.Vous avez vu un court extrait du premier montage destiné aux scolaires.Il y a une exposition également et il y a ensuite un autre montage d’action culturelle qu’on appelle Parade pour Minette et qui est présenté également en ce moment déjà dans le cadre de la préparation des représentations du spectacle.
Benoît-Michel Gelot
Alors, vous avez l’intention d’arriver dans chaque ville où vous allez jouer au début de la semaine ?Pendant toute la semaine, vous présentez soit le montage destiné au scolaire, soit Parade pour Minette, et à la fin de la semaine, vous donnez le spectacle ?
Jacques Kraemer
C’est ça.
Benoît-Michel Gelot
Alors, je vous propose, la première de ce spectacle a lieu quand d’abord ?
Jacques Kraemer
Alors, la première de ce spectacle a lieu à Villerupt le 19 avril.Je crois que ce qu’il faut dire tout de même c’est qu’en ce moment, il y a une autre équipe du TPL qui tourne avec Le Ping-Pong.
Benoît-Michel Gelot
Alors là, nous allons nous perdre, une autre équipe de TPL mais qui, elle, ne tourne pas en Lorraine et qu’aucun de nos auditeurs ni téléspectateurs ne peut voir ?
Jacques Kraemer
C’est ça, puisqu’elle est en ce moment entre Genève et la Tunisie.
Benoît-Michel Gelot
Et donc, le 19 avril, la première de Splendeur et misère de Minette la bonne Lorraine est déjà depuis quelques jours, vous tournez avec ces deux montageset je vous propose pour nous quitter de voir le début de Parade de Minette.
Jacques Kraemer
C’est ça.
(Musique)
Chantal Mutel
Je suis l'idole de notre chère vallée / Mais je suis seule et triste Mon phosphore est partout contesté / Je suis trop riche en siliceMinette Minette / cassante cassante / scories / scories multiples / Minette Minette / cassante cassante / scories / scories multiples
(Musique)
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