Des manifestants du bassin de Longwy bloquent le Tour de France

Le 13 décembre 1978, le gouvernement de Raymond Barre rend public un plan de restructuration de la sidérurgie française qui implique, notamment en Lorraine, de très lourdes conséquences sociales. Rien qu’à Longwy, ce projet industriel prévoit la suppression de 6 500 postes... 

Au sein de la citée des émaux, c’est la consternation. Qui va rapidement se transformer en colère puis en révolte... Les syndicats appellent à manifester et très vite la lutte s’étend à l’ensemble du bassin sidérurgique. 

Les ouvriers, soutenus notamment par la radio clandestine Lorraine Cœur d'Acier et le chanteur Bernard Lavilliers, multiplient les manifestations, les occupations de lieux stratégiques, les blocages de postes frontières, les opérations coups de poings – parfois violentes – et les actions symboliques. Le tout rythmé par un slogan : Longwy vivra.

C’est ainsi que le 3 juillet 1979, à l’occasion de la douzième étape du Tour de France qui doit rallier la ville belge de Rochefort à Metz, une quarantaine de voitures remplies de salariés de différentes usines du bassin déboulent dans la petite commune de Tellancourt, située à une dizaine de minutes de Longwy. L’objectif de ces manifestants ? Bloquer la circulation et donc la course afin d’attirer l’attention sur les 30 000 emplois menacés sur l’ensemble d’un territoire en souffrance... 

La caravane publicitaire, qui précédait les coureurs, doit s’arrêter tout comme les véhicules de la direction du Tour... Très vite, un vent de panique balaie un peloton contraint de mettre pied à terre. 

Ce n’est pas un acte politique. Il s’agit simplement de se servir d’un sport qui amène beaucoup de public et qui a la faveur de la presse pour parler de nos problèmes, souligne alors l’un des manifestants. Ces derniers s’attirent d’ailleurs la sympathie des spectateurs et même de l’ancien champion Raymond Poulidor, présent sur place, et obtiennent le soutien public d’Antoine Porcu, député communiste de la 7^e circonscription de Meurthe-et-Moselle.

Bernard Hinault, quant à lui, n’aurait pas spécialement apprécié d’être coupé dans son élan... Ce qui n’empêchera pas le « Blaireau » de gagner cette édition 1979 de la Grande Boucle au terme d’un duel acharné avec le Néerlandais Joop Zotemelk.

A leur manière, ce jour-là, les manifestants remportent eux aussi une petite victoire en obtenant, après de longues négociations, l’autorisation d’intégrer l’une de leurs voitures à la caravane jusqu’à l’arrivée à Metz. C’est ainsi qu’une R6 verte, équipée d’une sono parcourut les soixante-treize derniers kilomètres, permettant aux sidérurgistes de faire entendre leur voix et leur détresse. 

L’événement, tout comme le vol la Coupe de France de football perpétrée quelques jours plus tard - dans la nuit du 8 au 9 août 1979 - à Nantes par un commando de la CFDT venu spécialement de Longwy, attire l’attention des médias... Mais pour quel résultat ?

En septembre 1979, après la signature par les syndicats de la Convention sociale de la sidérurgie, le bassin de Longwy retrouve finalement son calme. Pour autant, en dépit de l’intense mobilisation, la restructuration aura bien lieu signifiant du même coup la fin de l’activité sidérurgique.

La Grande Boucle, elle, repassera par Longwy dès juillet 1982, conformément – comme le veut la légende – à la promesse faite par Félix Lévitan, alors directeur de la Société du Tour de France, aux manifestants trois ans plus tôt...