Manifestation contre un projet de carrière à Audun-le-Tiche

Situé au-dessus d’une ancienne galerie minière, le projet de carrière d’Audun-le-Tiche interroge le rapport des habitants à leur territoire. Lancé en 2017 et porté par la Société des Carrières de l’Est, le projet vise à extraire du calcaire dans le but d’accroître la production de béton.

Le mouvement de contestation ne s’élève pas uniquement contre l’activité de la carrière, et concerne également ses conséquences sociales et environnementales. En effet, les premières images de l’extrait vidéo montrent le flux de véhicules circulant sur la route départementale 16, ainsi que la présence d’engins de chantier. Comme le souligne la représentante du collectif d’opposants, le chantier perturbe cet important axe de circulation frontalier. Cette focalisation sur les nuisances est une réaction bien connue face à l’arrivée de projets d’aménagement d’envergure. Nommé « effet NIMBY » de l’anglais Not in my backyard (« pas dans mon arrière-cour »), ce processus souligne que la proximité d’un projet avec des riverains a tendance à accroître leur mobilisation (Ollitrault, 2020, p. 390-395). Ainsi, malgré leur manque d’expérience militante, les individus peuvent être amenés à s’organiser et à se mobiliser afin de participer au débat politique du fait de l’incursion des projets dans leur vie quotidienne. Pour que la contestation porte il convient toutefois d’argumenter au-delà des intérêts particuliers exprimés par les individus gênés par le chantier.

Le reportage montre justement la transition vers un mouvement de contestation plus général. La journaliste explique que l’accroissement du passage sur l’axe routier et la présence de chantiers sont les conséquences de l’exploitation d’une carrière de calcaire visant à produire du béton. Or la question de l’exploitation de la carrière dépasse le cadre communal d’Audun-le-Tiche devenant un élément clef de l’industrie du BTP transfrontalière puisqu’elle fournit et achemine des matières premières vers le Luxembourg. De plus, ici se joue l’accueil de déchets industriels destinés à combler les volumes de calcaire extraits. La carrière d’Audun-le-Tiche intervient donc dans plusieurs étapes de la chaîne industrielle du BTP. La mobilisation se construit alors sous l’impulsion de plusieurs acteurs locaux qui contribuent à faire du « Non » à la carrière une cause politique en tant que telle. Elle s’inscrit dans la mémoire du passé minier du territoire qui entend protéger les anciennes galeries sous-terraines au-dessus desquelles le chantier entend s’installer. Les élus locaux se font aussi les relais de la colère des habitants, à l’image de Gilles Destremont, maire d’Aumetz, qui précise que la contestation s’appuie sur trois dimensions : juridique, d’action citoyenne, et […] politique. En insistant sur la manifestation, ses slogans et ses porte-paroles, le reportage suggère que l’action citoyenne est essentielle pour la mobilisation. Elle passe par un travail de fond, souvent réalisé par des responsables d’associations locales, pour informer la population du projet et de ses enjeux. Se sentant concernés par les modifications apportées sur leur territoire, certains habitants se documentent par eux-mêmes et réalisent des « enquêtes citoyennes ». Il s’agit d’un phénomène fréquemment observé autour des luttes environnementales à l’échelle nationale, mais aussi ailleurs en Lorraine, à l’image de la lutte contre l’enfouissement des déchets radioactifs à Bure (Meuse, Haute-Marne) et de celle contre l’exploitation du gaz de couche en Moselle-Est. Au-delà de leur position de militants, les citoyens s’investissent dans un travail de documentation et d’information. Ils produisent leurs propres supports d’information à travers des sites web ou sur les réseaux sociaux, qui trouvent parfois des relais dans les médias, comme c’est le cas ici avec le témoignage de Sarah Boumedine qui relaie les positions du « Forum citoyen audunois ».

A ce jour, le projet de carrière d’Audun-le-Tiche est maintenu, malgré l’intensité du conflit entre promoteurs et opposants. Pour ces derniers, l’enjeu est de maintenir le rapport de force sur la durée, de façon à peser sur le plan politique. La victoire de Viviane Fattorelli, opposante historique au projet, aux élections municipales de 2020 constitue une première victoire et un espoir supplémentaire en ce sens.

• Sylvie Ollitrault, « NIMBY », dans Romain Pasquier (dir.), Dictionnaire des politiques territoriales, Paris, Presses de Sciences Po, 2020.