Roman Polanski à propos deTess

28 octobre 1979
02m 59s
Réf. 00097

Notice

Résumé :

Le cinéaste Roman Polanski s'explique sur son choix d'adapter Tess au cinéma.

Type de média :
Date de diffusion :
28 octobre 1979
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Éclairage

Découvert en Europe avec les novateurs Le Couteau dans l'eau et Cul-de-sac, le Français d'origine polonaise Roman Polanski s'est illustré en France et aux Etats-Unis avec des thrillers tels que Répulsion avec Catherine Deneuve.

Son choix d'un récit romantique anglais a donc surpris la critique et le public : Tess d'Uberville de Thomas Hardy (1891) raconte le destin tragique d'une jeune paysanne en quête d'amour. C'est en hommage à son épouse Sharon Tate, assassinée dans des circonstances atroces en 1968, et peut-être en réaction à l'accusation de viol qu'il vient d'essuyer en 1976 aux Etats-Unis, que Polanski entreprend Tess. Tate lui avait fait découvrir le roman et avait des points communs avec Tess, comme il le raconte dans ses mémoires Roman par Polanski. Coproduit par Claude Berri pour un budget élevé, Tess voit son tournage endeuillé par la mort du chef opérateur Geoffrey Unsworth et perturbé par une grève des techniciens. Il révèle cependant une actrice de 18 ans, Nastassja Kinski, et recueille une moisson de prix, dont les Césars du meilleur film, meilleur réalisateur et meilleure image et les Oscars du meilleur chef opérateur, meilleur décorateur et meilleur costumier.

Charlotte Garson

Transcription

Pierre-André Boutang
Pourquoi avoir choisi un film qui se passe... une histoire qui se passe, comme ça, dans l'Angleterre, disons, bucolique de la fin du XIXe ou de la deuxième moitié du...
Roman Polanski
Je ne l'ai pas choisie pour l'Angleterre, je ne l'ai pas choisie pour l'époque. Je l'ai choisie pour sa valeur littéraire et humaine. C'est un des plus grands romans jamais écrits. C'est une grande histoire d'amour. C'est un grand livre. C'est un livre très émouvant, très intéressant à lire. Qu'est-ce qui nous donne envie de faire le film si on est un cinéaste ? Quelque chose qui nous excite, qui nous plaît. On se dit : « J'aimerais bien faire un film de ça. J'aimerais bien voir ça sur l'écran ». J'avais... D'ailleurs pas seulement un cinéaste. Je me rappelle, quand j'étais enfant, je lisais certains romans. Je me disais : « Je veux faire un film, un jour, de ça ». Là, je croyais qu'à ce moment-là, il était temps de faire un film qui parle de sentiments humains profonds, de sentiments de base et de sentiments universels. Dans tout ce que je faisais avant, il y avait un peu de surréalisme, un peu d'absurdité comme dans pas mal de pièces de théâtre d'aujourd'hui par lesquelles j'ai été très influencé. Comme dans beaucoup de romans d'aujourd'hui, comme dans pas mal de films. Je crois qu'aujourd'hui, la vie elle-même devient tellement absurde, tellement surréelle, qu'on a instinctivement envie de retourner aux choses plus réalistes, plus essentielles, plus humaines dirais-je, comme l'amour, la loyauté, la trahison, la honte, l'intolérance de la société, la cruauté de cette société.
Pierre-André Boutang
Le but étant quoi ? De faire pleurer un peu ?
Roman Polanski
Non, le but n'est pas de faire pleurer. Faire pleurer, c'est plutôt un moyen. Le but, c'est de faire penser, de réfléchir, de tirer certaines conclusions. D'ailleurs, j'essaie de faire ça dans tous mes films, pas seulement dans celui-là, par d'autres moyens, pas par pleurer. Parfois, on peut obtenir ce but en faisant peur, parfois en faisant rire. En général, je crois que le film doit émouvoir. Je crois que l'art doit émouvoir. Je crois que si ça nous laisse froid, ça ne vaut pas la peine d'être exécuté, ça ne vaut pas la peine de rester deux heures dans une salle de cinéma.