Jan Saudek à Paris

03 décembre 1990
06m 34s
Réf. 00180

Notice

Résumé :

Novembre 1990, Mois de la photographie, Paris. Le photographe Jan Saudek nous emmène à la découverte de Paris et nous sert de guide dans quelques expositions de photographies. Interviewé par son ami Pierre Borhan, Jan Saudek explique qu'il se sent libre à Paris, beaucoup plus qu'à Prague où il vit.

Type de média :
Date de diffusion :
03 décembre 1990
Source :
FR3 (Collection: Les arts )
Thèmes :

Éclairage

Né en 1935 à Prague, Jan Saudek voit son enfance profondément marquée par les horreurs du nazisme : plusieurs membres de sa famille meurent au camp de Theresienstadt, tandis qu'il est interné avec son frère jumeau Karel, échappant de peu aux expériences du tortionnaire Joseph Mengele.

Il survit à la guerre, trouve un premier emploi dans une imprimerie et prend goût à la peinture ainsi qu'à la photographie. En 1972, il transforme un sous-sol en studio ; ses premières photographies sont en noir et blanc, recoloriées par ses soins. Il est marqué par les scènes atroces des camps et ses images reflètent ses pulsions de mort et ses fantasmes sexuels. Ses nus féminins ont une beauté provocante qui peut choquer.

Suspect dans son propre pays, ce n'est qu'en 1984 que les autorités communistes le reconnaissent comme artiste et lui permettent de quitter son travail en usine. Souvent menacé de censure, il se défend de l'accusation de pornographie : "La différence entre la pornographie et l'art est selon moi très simple. Vous pouvez regarder l'art indéfiniment alors que vous ne pouvez jeter qu'un coup d'oeil à la pornographie avant de la laisser."

En 1983, Jan Saudek reçoit, en France, la distinction de Chevalier des Arts et Lettres. En 2005, une grande rétrospective lui est consacrée à Prague.

Emmanuel Zbinden

Transcription

(Musique)
(Silence)
(Musique)
(Silence)
(Musique)
Présentateur
Fin novembre, Ian Sodek, cinquante cinq ans, trois femmes, sept enfants, est venu quelques jours à Paris comme jury du mois de la photo. Il n'y était pas venu depuis treize ans. Nous l'avons suivi tout un dimanche.
Jan Saudek
Waouh, que c'est grand... Hey, attention !
(Silence)
Jan Saudek
Je suis vraiment impressionné, cette ville est trop grande pour moi, trop belle. Ça fait des années que je n'ai pas regardé des photos de cette manière. Ça rafraichit le corps d'avoir la tête en bas de temps en temps.
Présentateur
Collectionneur et critique, Pierre Borhan est l'ami de Jan Saudek depuis 1977.
Pierre Borhan
Ça fait treize ans moi que j'attends ce moment où toi tu vas venir à Paris. Treize ans uniquement de correspondance à part quelques séjours là-bas. Dis-moi tes impressions. Qu'est-ce que c'est pour toi maintenant d'être enfin à Paris ?
Jan Saudek
On se sent tellement libre ici, vraiment...
Pierre Borhan
J'aime la France, il y a partout un sentiment de liberté, ce n'est pas une question de climat, c'est comme ça, et j'ai rencontré plein de gens formidables. Mais c'est pareil à Prague aujourd'hui ? Non, ça ne sera jamais pareil, dans mon pays c'est une liberté superficielle, ici, la liberté est à l'intérieur des gens, ils se sentent libres, ils marchent, ils parlent en hommes libres, c'est génial.
Présentateur
Longtemps traité dans son pays de parasite et pornographe, Jan Saudek a réalisé quasiment toute son oeuvre dans un sous-sol où il a vécu sept ans. Et dont les murs humides sont le fond légendaire de la plupart de ses photographies.
(Musique)
Pierre Borhan
Est-ce qu'on va voir plus d'expositions à Prague maintenant ?
Jan Saudek
Oui je crois, ils y travaillent.
Pierre Borhan
Ils en préparent ?
Jan Saudek
Ils m'ont invité, mais j'ai refusé...
Pierre Borhan
Pourquoi ?
Jan Saudek
Parce que pendant des années, on m'a ignoré dans mon pays.
Pierre Borhan
Oui...
Jan Saudek
Alors pourquoi maintenant faire semblant de m'aimer ?
Pierre Borhan
Mais s'ils veulent montrer vos photos pourquoi pas ? Les temps ont changé...
Jan Saudek
Je préfère les montrer à Paris.
(Silence)
Jan Saudek
Merde, c'est bien mieux que le livre...
Présentateur
Lors d'une soirée amicale, rencontre avec Françoise Marquet qui organisa voici trois ans, la rétrospective à laquelle Saudek, interdit de sortie, n'avait plus assisté.
Jan Saudek
Ça ne marche pas.
Françoise Marquet
Ça ne marche pas.
Pierre Borhan
Qu'avons nous là ?
Françoise Marquet
Je ne vous imaginais pas du tout comme ça. Je vous imaginais plus âgé. Oui.
Invité
Et nous avons du succès. Il faut bien que la critique porte les artistes... Laisse-moi prendre un peu de whisky puis de l'eau. Je sais. Non, non, très peu de whisky. Laisse-moi faire. Non. Regarde. Non, mais une goutte, une goutte. Toi, tu vas en mettre trop.