Brassaï et Paris

05 mai 1964
02m 39s
Réf. 00024

Notice

Résumé :

Interview de Brassaï sur ses photos de nuit et de graffitis. Il raconte une anecdote au sujet d'un graffiti fait par Picasso sur un mur de Paris ; quelqu'un a découpé le mur pour récupérer cette "oeuvre". Il parle de sa façon de réaliser des portraits photographiques, en demandant à ceux qui posent pour lui de le regarder franchement.

Type de média :
Date de diffusion :
05 mai 1964
Source :
ORTF (Collection: Chambre Noire )
Thèmes :

Éclairage

Né en 1899 à Brassó, (ville alors hongroise devenue depuis roumaine), Gyula Halász dit Brassaï, fait un premier séjour émerveillé à Paris en 1903-1904 avec son père, professeur de littérature française.

De retour en Hongrie, il étudie la peinture et la sculpture à l'Académie des Beaux-Arts de Budapest. Il s'installe à Berlin en 1921, où il rencontre Kandinsky et Varèse. Mais c'est en 1924 qu'il réalise son rêve : vivre à Paris. Là, il fréquente un cercle de poètes et d'écrivains (Michaux, Queneau, Desnos, Prévert...), il s'initie au journalisme et à la photographie et prend le nom de Brassaï, d'après celui de sa ville natale.

A partir de 1930, il commence à photographier les jardins, les rues et les murs de Paris avec leur misère, leurs graffitis et leurs images nocturnes. Mais il réalise aussi des photographies de la vie mondaine et des portraits de ses amis artistes et écrivains.

Les talents de Brassaï sont multiples : peintre, dessinateur et sculpteur de formation, photographe, il est également cinéaste (Tant qu'il y aura des bêtes, 1954) et écrivain : il a publié de nombreux livres et articles. Considéré comme l'un des plus grands photographes du XXe siècle, il décède le 8 juillet 1984.

Emmanuel Zbinden

Transcription

(Silence)
Journaliste
Brassai, on peut dire que vous avez été le photographe des murs de Paris. Comment vous êtes vous intéressé tellement à tous ces graffitis qui vous ont rendu célèbre en plus de bien d'autres activités d'ailleurs ?
Gyula Brassaï
Eh bien, je me suis beaucoup baladé à Paris et j'ai souvent regardé les murs et je trouvais que tout ce qui se passe sur le mur est très intéressant.
N'est-ce pas ?
Gyula Brassaï
Il y a des craquelures du mur même, et il y a des graffitis que les personnes dessinent là clandestinement, et j'ai commencé à photographier ces choses déjà en 1930-32. J'avais des petits carnets sur lesquels je notais des adresses, je pouvais les suivre leur évolution, parce que c'est une oeuvre collective, il y a beaucoup d'autres gens qui dessinent et continuent un graffiti.
Journaliste
Et on a dit que Picasso suivait beaucoup d'intéressés.
Gyula Brassaï
Picasso aime beaucoup, lui-même, il en a fait des graffitis, A Montmartre, beaucoup, et il m'a raconté, il avait dans une banque, un jour il attendait, il a trouvé, il a fait un graffiti, n'est-ce pas, sur un mur, et après le directeur a appris que c'était un graffiti de Picasso, alors on a découpé le mur, et il se trouve en ce moment dans son appartement, n'est-ce pas, avec tout le mur.
Journaliste
Et vous avez suivi aussi le vieillissement des graffitis ?
Gyula Brassaï
J'ai suivi les vieillissements, il y a des graffitis que j'ai photographiés à 10 ans d'intervalle, et il y a dans cette exposition même, n'est-ce pas.
Journaliste
Et avec des contrastes et les deux oppositions.
Gyula Brassaï
Eh bien, ça change complètement, ça devient un autre personnage, n'est-ce pas, au bout de quelque temps.
Journaliste
Très bien, mais parlez nous maintenant des portraits, des portraits des personnes célèbres, vous aviez une technique à vous, je crois que c'est la photo...
Gyula Brassaï
Technique à vous, non, seulement, n'est-ce pas, j'aime, vous savez, l'histoire du naturel, n'est-ce pas, et de poser. Ce sont des choses assez bizarres, c'est-à-dire, c'est [pensif] à mon avis, parce que quand le photographe photographie quelqu'un, le naturel sait qu'il vous regarde et qu'il s'occupe de ce que vous faites. Quand vous dites : faites comme si je n'étais pas là, c'est de la comédie, n'est-ce pas. Donc c'est le contraire du naturel, il fait comme si vous n'étiez pas là mais il pose quand même. Il pose d'une autre façon, c'est très peu naturel, vous comprenez, moi j'aime les gens qui me regardent franchement dans le visage parce que c'est le naturel, la situation d'un photographe qui photographie un personnage. En plus de ça, je peux saisir le regard qui est, dans un visage, le plus important. Et deuxièmement, n'est-ce pas, il y a une espèce de solennité de solitude. Quand l'on regarde l'objectif, vous savez, c'est presque la sculpture, c'est presque, on devient marmoréen, et c'est ça je crois le portrait, à mon avis.
Journaliste
Alors vous avez fait...