1952-1959 : Mondanités, politique et Cinéma
Les festivités cannoises
Le Festival est d'abord une manifestation touristique et mondaine. Sa légende naît dans les fêtes, le défilé des starlettes sur les plages, les excès, le luxe. En 1952, la délégation espagnole fait venir par avion une paella géante cuisinée à Madrid pour régaler ses convives. Elle arrive très tard à cause d'une tempête qui a détourné l'avion. Ces anecdotes font la joie des journalistes, de plus en plus nombreux sur la Croisette. Une émission télévisée quotidienne est entièrement consacrée au Festival, Radio Monte Carlo se déplace aussi en voisine, sans oublier la presse internationale. Les scandales de Cannes trouvent ainsi rapidement un retentissement mondial : l'histoire de Simone Silva en est un triste exemple. En 1954, la starlette à l'avenir prometteur pose les seins nus, protégés par les mains de Robert Mitchum. De retour aux Etats-Unis, les deux acteurs sont poursuivis par les ligues de vertu américaines. Particulièrement visée, Simone Silva voit les studios lui tourner le dos. Sa carrière fait long feu. Dépressive, elle se suicidera peu après. L'année suivante, le Festival est l'occasion d'une idylle légendaire : Grace Kelly rencontre le Prince Rainier de Monaco lors d'une visite de son Palais. En 1956, la date d'ouverture du Festival est repoussée pour permettre au gotha mondain d'assister au mariage.
L'artistique prend l'avantage
Si les mondanités priment encore sur le cinéma, les questions artistiques prennent une importance croissante à Cannes. En 1952, des polémiques s'engagent autour du comité de sélection. En effet, des films incontournables tels que Casque d'Or ou Jeux interdits, sont éloignés de la Compétition. En réaction, un " contre prix ", futur prix de la Critique, est créé et ouvert à des films plus originaux. En 1954, le premier Prix spécial du Jury est attribué à Monsieur Ripois de René Clément. Sa vocation est de récompenser les cinéastes les plus audacieux. Jacques Tati le reçoit pour Mon Oncle en 1958. Cannes est aussi un relais d'importance pour le néo-réalisme italien en plein âge d'or. Son chef de file Vittorio De Sica a été sélectionné huit fois et remporte le Grand Prix dès sa première sélection pour Miracle à Milan en 1951.
Mais les obstacles diplomatiques subsistent
Pendant quelques années, la Compétition est placée sous le signe du surréalisme : Jean Cocteau est président en 1953, 1954 et 1957. Les prix décernés alors sont pour le moins inventifs : en 1953, La Red, un film mexicain, reçoit " le prix international du film le mieux raconté par l'image ". En 1956, Louise de Vilmorin invente un prix sur mesure pour Sourires d'une Nuit d'été d'Ingmar Bergman, celui de " l'humour poétique ". C'est en 1955, que la première Palme d'or de l'histoire du Festival est attribuée à Delbert Mann pour son film Marty . Mais ces récompenses ne masquent pas une réalité plus pesante : la diplomatie est encore très puissante à Cannes dans les années 1950. Jean Cocteau dessine en 1954 un petit démon et inscrit en dessous " Le Festival de Cannes doit être un no man's land où les politiques ne jouent aucun rôle. Simple rencontre d'amis. " C'est à cette époque un voeu pieux. En 1956, le Festival renonce à présenter Nuit et Brouillard pour ne pas mécontenter la délégation allemande. En 1959, un autre film d'Alain Resnais, Hiroshima mon amour, est écarté de la Compétition, cette fois pour ménager les Etats-Unis. Pourtant, les raisons diplomatiques n'ont pas toujours le dernier mot : les Soviétiques demandent sans succès le retrait d'un film suisse en 1951, alors que celui qu'ils présentent à la Compétition, Chine Nouvelle, est refusé car jugé de " pure propagande ". L'espoir est donc permis à André Bazin, qui souhaiterait que le Festival se soucie " un peu moins des festivités et de la diplomatie, et un peu plus du cinéma ".
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"Les Quatre Cents Coups"
En 1959, les polémiques sont balayées par un premier film d'un genre nouveau. Avec Les Quatre Cents Coups, François Truffaut, qui proclamait un an auparavant à la une de la revue Arts que le Festival de Cannes était condamné, reçoit le Prix de la mise en scène, et les festivaliers accueillent avec enthousiasme l'aisance et le naturel du jeune Jean-Pierre Léaud. La même année, le Marché du Film qui se déroulait officieusement dans les salles de la rue d'Antibes devient une manifestation officielle qui ne va plus cesser d'accroître l'influence du Festival, en le dotant d'un volet commercial qui facilite les rencontres et les échanges entre les acheteurs et les vendeurs de l'industrie cinématographique du monde entier. Espoir supplémentaire pour les amoureux du Septième Art, en 1959, le cinéma quitte le giron du ministère de l'Industrie pour rejoindre celui des Affaires culturelles.
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