L'avenir de l'Afrique française au lendemain de la Seconde Guerre mondiale : des lendemains qui chantent ?
Notice
En août 1940, l'Afrique Equatoriale Française et le Cameroun se rallient à la France libre. Pendant deux années les Français vont transformer ce territoire et en faire une région riche, puissante et fertile, prête à collaborer à l'effort de guerre. Ce documentaire raconte cette épopée à travers un commentaire épique et des images filmées pendant les années de guerre.
Éclairage
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, dans un contexte de reconstruction nationale et de tensions mondiales, l'Empire colonial constitue un terrain propice à l'exaltation de la grandeur de la France. Un tel discours triomphaliste se donne à entendre dans ce documentaire de 1947 – année particulièrement difficile sur le plan économique et social en métropole –, produit deux ans après la fin du conflit par l'Office français d'information cinématographique (OFIC). Les trois brèves évocations musicales du générique – mélodie orientalisante puis thème de La victoire en chantant, immédiatement fondu dans quelques notes de La Marseillaise – constituent à elles seules un condensé du propos. Il s'agit tout d'abord de mettre en avant le rôle clé de l'Afrique équatoriale française pendant la guerre : c'est en effet le premier ensemble territorial à s'être rallié au camp gaulliste dès 1940, sous la houlette de son gouverneur-général, Félix Éboué. Il s'agit ensuite d'affirmer le potentiel économique des colonies, avant et après 1945, gage d'un avenir meilleur pour l'ensemble de l'empire français. L'OFIC a été créé par les autorités de la France Libre. La photographe Germaine Krull est par exemple créditée au générique, elle qui a fait partie des opérateurs fréquemment missionnées en AEF pour le compte des Forces françaises libres entre 1942 et 1945. C'est donc essentiellement à partir d'images tournées en Afrique équatoriale française durant le conflit qu'est construit le film, et tout particulièrement avec de nombreuses séquences portant sur l'effort de guerre.
Le document est prolixe sur la production de caoutchouc. Il présente à la fois un des modes de production anciens de cette matière première stratégique dans la région – la cueillette de caoutchouc sauvage dans le cadre archaïque de l'économie dite « de traite » – et une forme plus moderne, celle de l'économie de plantation et de la transformation industrielle locale. C'est faire oublier au spectateur que l'avenir caoutchoutier se situe désormais dans les grandes plantations d'hévéas asiatiques, et non dans le bassin du Congo.
Le documentaire reste par ailleurs bien silencieux sur des réalités économiques en demi-teinte des colonies : la sous-industrialisation y est notamment patente. Sans doute la guerre a-t-elle contribué à accélérer une petite industrialisation de l'AEF – la valorisation du latex au Cameroun (région de la Sanaga), la filière du bois au Gabon en fournissent deux exemples. Mais le développement des territoires d'outre-mer ne peut désormais plus aller sans des investissements métropolitains, ceux-là même qui commencent, en 1947, à être consentis par le biais du Fonds de Développement Économique et Social (FIDES). Ces préoccupations avaient d'ailleurs été considérées comme prioritaires lors de la conférence de Brazzaville (1944), organisée par les autorités de la France Libre.
C'est à partager cette vision modernisatrice, optimiste et impériale qu'est donc convié le spectateur de 1947, alors même que l'Afrique d'après-guerre a changé, que le sous-investissement colonial y est criant et que les revendications de tous ordres commencent à s'y faire plus pressantes.