La proclamation de l'indépendance du Congo belge
Notice
Le 30 juin 1960 a lieu la cérémonie officielle de l'indépendance du Congo à Léopoldville, en présence du roi Baudouin, du président Kasavubu et du Premier ministre Lumumba, ainsi que de nombreuses délégations étrangères et d'une foule assemblée au palais de la Nation.
Éclairage
Domaine du roi Léopold II qui le remet à la nation belge en 1908, le Congo belge maintient sa tutelle sans anticiper la transmission du pouvoir politique. Certaines associations sont autorisées, tout en restant encadrées après 1945. L'Abako, association culturelle des Bakongo, est créée en 1950 ; elle s'oriente vers l'engagement politique à partir de 1956, sous la présidence de Joseph Kasavubu. Le groupe Conscience africaine, issu du cercle catholique, publie un Manifeste en 1956, revendiquant l'accompagnement de la Belgique vers l'émancipation politique dans le cadre d'une communauté belgo-congolaise. Malgré la modération des revendications, l'administration et le colonat blanc sont opposés à toute évolution. L'illusion d'un Congo belge éternel se manifeste notamment par le tollé soulevé lors de la publication en 1956 du « Plan de trente ans » pour l'émancipation du Congo du professeur Van Bilsen. Mais les indépendances du Ghana et de la Guinée, l'écho de l'évolution en Afrique francophone, notamment sur l'autre rive du Congo, et la première conférence africaine d'Accra renforcent les revendications. De nouveaux partis sont créés, qui demandent l'indépendance sur une base unitaire, comme le Mouvement national congolais (MNC) de Patrice Lumumba en 1958, ou fédérale, comme l'Abako ou le Conokat de Moïse Tshombe (Katanga). Un clivage apparaît entre les fédéralistes issus des provinces riches et les unitaristes, qui ont leurs assises dans les régions plus pauvres, mais aussi entre les mouvements revendiquant l'indépendance (MNC et Abako) et ceux maintenant l'idée d'une communauté belgo-congolaise (Conakat). À la suite de l'interdiction d'un meeting de l'Abako, les émeutes de Léopoldville, entre le 4 et le 6 janvier 1959, accélèrent brutalement le processus. Le roi reconnaît le principe d'émancipation mais la colère monte face aux atermoiements sur les échéances pour l'indépendance. Une table ronde rassemble fin janvier 1960 les partis congolais à Bruxelles. L'indépendance est fixée au 30 juin et le gouvernement belge l'organise dans la précipitation, en espérant conserver le contrôle des richesses du pays. Les élections de mai 1960 marquent la victoire des nationalistes, dont le leader fait figure de radical. Lumumba devient Premier ministre tandis que Kasavubu est porté à la présidence.
La cérémonie de l'indépendance le 30 juin à Léopoldville donne essentiellement une visibilité au roi Baudouin et au président Kasavubu, dont le cortège est acclamé, plaçant Lumumba en arrière-plan. Le reportage présente le palais de la Nation où sont accueillies les délégations, dont celle du Congo-Brazzaville, avec l'abbé Youlou, qui accède peu de temps après à l'indépendance. C'est devant les chambres réunies que le roi Baudouin prononce son discours à la gloire de la colonisation. Sur un ton paternaliste, il souligne les difficultés qui attendent le pays, en invitant les Congolais à ne pas compromettre l'avenir par des « réformes hâtives » et à « défendre un héritage contre [...] les convoitises de l'étranger ». Il précise son souci de maintenir une présence belge pour aider le nouvel État. Si le reportage montre Baudouin, il ne mentionne pas le contenu de son allocution, ni celle de Kasavubu qui partage les mêmes appréhensions. Il fait plus encore l'impasse sur le discours imprévu de Lumumba. S'adressant directement aux Congolais, ce dernier souligne que l'indépendance n'a pas été offerte par la Belgique mais qu'elle a été conquise par la lutte, avant de dresser un réquisitoire contre le système colonial. Ces discours révèlent les conceptions ambigües de l'indépendance du Congo. Marqué par des tensions qui dégénèrent peu après en crise, le 30 juin 1960 reste cependant un jour de liesse populaire. Le reportage montre la foule qui acclame le cortège, tandis que des fêtes sont organisées dans le pays, au son d'Indépendance cha cha cha composée par l'orchestre African Jazz au retour de Bruxelles en février 1960.