Voyage de Mohammed V à Tunis et arrestation des leaders du FLN

31 octobre 1956
01m 54s
Réf. 00051

Notice

Résumé :

Alors qu'une rencontre est programmée à Tunis réunissant le sultan du Maroc Mohammed V, le président tunisien Habib Bourguiba et les dirigeants du FLN, ceux-ci, voyageant dans un avion mis à leur disposition par le sultan du Maroc, sont arrêtés par l'armée française le 22 octobre 1956. Leur avion est détourné vers l'aéroport d'Alger où ils sont arrêtés et ainsi filmés menottes aux poignets.

Date de diffusion :
31 octobre 1956
Source :

Éclairage

L'année 1956 marque le basculement dans une véritable guerre ouverte. Les pouvoirs spéciaux ont permis au pouvoir exécutif de donner de larges prérogatives à l'armée en Algérie. Le FLN déclenche grève sur grève et multiplie les attentats. Malgré l'engrenage de la violence, des négociations secrètes ont lieu entre des représentants du FLN (M'hamed Yazid, Ahmed Francis, et Abderrahmane Kiouane) et de la SFIO (Pierre Commun, Pierre Herbault), à Belgrade et à Rome. De nouveaux intermédiaires sont envisagés dans ce jeu diplomatique, en l'occurrence le Maroc et la Tunisie désormais indépendants, qui manifestent leur solidarité avec le FLN tout en n'excluant pas une solution de compromis avec la France.

Dans cette nouvelle configuration qui se profile, une conférence est prévue le 22 octobre 1956 à Tunis pour réunir le sultan du Maroc Mohammed V, le président tunisien Habib Bourguiba et plusieurs membres de la délégation extérieure du FLN avec Ahmed Ben Bella à sa tête.

Mohamed Khider, Ahmed Ben Bella, Mohamed Boudiaf, Hocine Aït Ahmed accompagnés par Mostefa Lacheraf, décollent de Rabat, où ils ont été reçus par le sultan, pour Tunis via Palma de Majorque le 22 octobre 1956. Mais leur avion, un DC3 marocain, est intercepté par l'armée française et détourné vers Alger. Les dirigeants du FLN, qualifiés dans ce sujet des Actualités françaises, de « terroristes », « hors-la-loi », sont complaisamment filmés menottes aux poignets. La forte médiatisation est à la hauteur de cet événement qui est un véritable coup d'éclat pour la politique intérieure et la diplomatie française.

« Robert Lacoste et les militaires, qui n'ont pas manqué cette occasion de "décapiter la rébellion", placent Guy Mollet devant l'impossibilité de poursuivre l'ébauche d'une négociation » (Benjamin Stora, Histoire de la guerre d'Algérie 1954-1962, Paris, La Découverte, collection « Repères », 2006 rééd, p.21). Le président du Conseil, mis devant le fait accompli, ne peut que soutenir l'opération, et ce d'autant plus que la presse et l'opinion publique s'en réjouissent ouvertement. L'événement enterre toute possibilité de dialogue et renforce les belligérants dans la guerre.

Les leaders du FLN resteront incarcérés pendant toute la durée du conflit en France, en divers lieux de détention. Ben Bella sera ainsi emprisonné à la prison de la Santé, sur l'île d'Aix, au château de Turquant et enfin à Aulnoye.

Peggy Derder

Transcription

(Silence)
(Musique)
Journaliste
À l’aéroport de Rabat, le départ du Sultan pour sa visite officielle à Tunis, avait revêtu l’éclat traditionnel des départs du souverain. Mais, détail imprévu, le terroriste Ben Bella et quatre autres chefs de la rébellion algérienne se trouvaient sur l’aéroport pour accompagner Sa Majesté Mohamed V. À Tunis, rien n’avait été épargné pour donner à cette visite tout l’éclat possible, et ce, en dépit des mises en garde officielles du gouvernement français contre cette attitude pour le moins inamicale. Le Bey et monsieur Bourguiba étaient venus accueillir le Sultan à sa descente d’avion. Et c’est au milieu d’une foule enthousiaste que le royal visiteur devait recevoir le premier salut de la Tunisie.
(Musique)
Journaliste
Cette visite, prévue pour plus d’une semaine, et au cours de laquelle devaient s’insérer les conversations auxquelles, déjà, étaient convoqués les représentants des hors-la-loi algériens, devait cependant prendre une tournure totalement différente. Un coup de théâtre venait de se produire pendant le voyage. L’avion de Ben Bella et de ses compagnons avait été détourné. Et, dans la cour d’une prison d’Alger, Ben Bella, Mohamed Khider, Aït Ahmed, Boudiaf et Lacheraf, les uns condamnés pour attentat, les autres connus comme terroristes, hier, chefs de la rébellion, se trouvaient, aujourd’hui, prisonniers.
(Musique)
Journaliste
La visite du Sultan ne pouvait plus que tourner court. Après une dernière conférence avec le Bey et monsieur Bourguiba, le Sultan reprenait la route du Maroc. Aux dernières nouvelles, la crise, qui avait éclaté à l’annonce de l’événement, semble s’apaiser. Si le Maroc s’agite encore, la Tunisie est revenue au calme. Et monsieur Bourguiba réaffirme la nécessité d’une coopération avec la France.