L'arrivée de Monsieur Guy Mollet à Alger en février 1956
Notice
Guy Mollet se rend à Alger afin de tenter de trouver une issue à la crise algérienne. Son arrivée est marquée par de violentes manifestations.
Éclairage
La question de la paix ou de la poursuite de la guerre en Algérie est au cœur de la crise politique de la IVe République. Le nouveau président du Conseil choisit de se rendre sur place : il entend placer les débuts de son gouvernement sous le signe d'un acte fort. Il débarque à Alger dès le 6 février, au lendemain de son investiture. Il souhaite consulter et préparer le terrain à d'éventuelles réformes aux vertus pacificatrices, mais aussi annoncer la désignation du général Catroux, connu pour avoir géré avec tact la question marocaine, comme ministre délégué à part entière à la question algérienne. Une mission de détente. À hauts risque cependant. Depuis début février, le mécontentement des européens d'Algérie favorables à l'Algérie française monte, surtout depuis le départ de Jacques Soustelle, gouverneur nommé par Pierre Mendès France en 1955. En Algérie, le monde activiste décide donc que Catroux ne prendra pas son poste et qu'Alger imposera sa loi à la métropole. Le 5 février, des manifestations préludent à la venue de Guy Mollet. Puis, le 6, Guy Mollet ne tarde pas à voir le cortège silencieux qui le suit depuis l'aéroport se muer en manifestation houleuse, puis en émeute, lorsqu'il honore le monument au morts. Batailles de rue. Charges des CRS. Contre-attaques des manifestants. Jets de terre, d'œufs pourris et de tomates, mais aussi de boulons et de pierres l'accompagnent. Le président du Conseil fait front. Il reste sur le plateau des Glières avant de battre en retraite. Sa voiture le ramène au Palais d'Été. Craignant que la situation ne dégénère et débouche sur une guerre civile, il capitule. Catroux est démissionné "par souci de ne pas ajouter au drame qui divise l'Algérie".
Malgré cette mesure d'apaisement, le soir, tandis que l'Alger européenne fête sa victoire, un groupuscule de poujadistes locaux tente en vain de prendre d'assaut le Palais d'Été. Une défaite, certes, pour ces extrémistes, mais une défaite aussi pour Guy Mollet : sa mission de détente a échoué. "Le gouvernement a subi la loi de l'émeute, la guerre est relancée, la République est prisonnière d'Alger" [J.-P. Rioux, La France de la Quatrième République. L'expansion et l'impuissance, 1952-1958, Paris, Le Seuil, 1983].
Le commentaire introduisant ce document souligne l'importance de la mission algérienne de Guy Mollet tout en usant de la réserve qui caractérise la presse filmée dans la dénomination de la guerre d'Algérie : "Le problème algérien, devenu de première urgence". Cette mesure et la dimension pacifique des premières images (vue de l'aéroport, rues vides et cortège officiel) illustrent le désir de ne pas mettre d'emblée en exergue les émeutes et les violences qui l'émaillent. Le choix est de mettre en scène la montée en tension de façon progressive, pour construire une information montrant les différentes étapes de la journée. Ainsi, une succession de plans d'ensemble (la plupart en plongées panoramiques ou plan larges) montre le cortège des manifestants, d'abord et simplement "fiévreux", puis les mouvements de foules (autour du monument aux morts, que l'on aperçoit rapidement) et enfin les premières "empoignades" (ce que précise le commentaire avec retenue par rapport à l'âpreté des accrochages entre CRS et manifestants). Empoignades dont on prépare du reste l'annonce avec un sens prononcé de la mise en scène : le commentaire est suspendu quelques secondes, relayé par la bande sonore, puis un : "C'est là que les premiers incidents devaient éclater" ouvre vers la seconde partie du sujet. Les plans ultérieurs rendant compte des empoignades établissent une rupture de récit caractérisée par une rupture de style dans la technique de la caméra : recours à des plans au sol avec caméra à hauteur d'homme. Cette technique souligne avec plus d'intimité l'intensité, le désordre, puis la fin de la manifestation en se rapprochant de ses protagonistes (vues de gendarmes, blessés, fumées… vues de manifestants fêtant leur victoire).
Ce sujet, qui se clôture sur un rassurant "Et Alger retrouva son calme", se garde de montrer la moindre image de Guy Mollet assailli et outragé par la rue d'Alger. Voici un autre choix témoignant du respect dû à sa charge, surtout dans de si difficiles circonstances.