Hossegor
Notice
Ancien quartier de Soorts, Hossegor devient en 1923 une station balnéaire très prisée qui s'organise autour de son lac marin. La commune, sous l'impulsion d'Alfred Eluère, connaît alors un véritable essor grâce au développement du tourisme qui supplante progressivement l'économie agro-sylvo-pastorale traditionnelle.
Éclairage
Dans son allocution télévisée du 31 janvier 1966, le général de Gaulle offre ses vœux aux Français tout en réalisant un état des lieux. Il le fait "en toute confiance" et la nouvelle année s'annonce, dans ses propos, "favorable au pays". L'effort national porte des fruits encourageants, l'avenir est plein de promesses, le niveau de vie augmente dans un contexte de "vaste mutation économique et sociale".
Malgré l'enlisement de la guerre du Viet Nam et les incertitudes sur l'issue de ce conflit majeur, la Guerre Froide qui oppose les deux blocs occidental et soviétique fait place à la Détente. La France, consolidée par la stabilité de son économie, compte élargir son rôle en politique extérieure.
C'est dans ce climat de "développement national" que se transforme profondément la côte aquitaine. Au nord, à Biscarrosse, la création du Centre d'Essais des Landes (CEL) modifie largement la donne tandis qu'autour de l'étang d'Hossegor, avant la fondation de la MIACA, les paysages changent déjà.
Véritablement lancée en 1923, le site d'Hossegor, quartier de la commune de Soorts, est révélé, dès le début du XXe siècle, par un groupe d'écrivains, parmi lesquels J.-H. Rosny jeune, Maxime Leroy et Paul Margueritte, amis de Maurice Martin, l'inventeur de la "Côte d'Argent". Contemplatifs, ces premiers promoteurs, tombés sous le charme du courant d'Huchet et de ses environs, sont en relation avec tout un réseau "actif" qui assure bientôt le développement concret de ce village du Maremne.
Parmi les nouveaux acteurs qui œuvrent à la construction de la "station des sports élégants", un personnage-clé, Alfred Éluère (1893-1985) joue le rôle d'interface entre le monde sportif, politique et immobilier ; il transfigure la petite bourgade installée sur les bords d'un lac allongé, occupant un ancien bras de l'Adour, mis en communication avec l'Océan sous le Second Empire.
Devenu maire de la commune en 1935, cet ancien dirigeant de rugby à XV, né à Saint-Clément-des-Levées, en Maine-et-Loir, modifie le destin de la région après le tournant de la guerre. D'une économie agro-sylvo-pastorale traditionnelle, la population locale passe alors, en quelques années, à des activités liées directement au tourisme en plein essor. L'ancien agriculteur qui ne peut plus vivre de quelques hectares de maïs et l'ancien résinier reconverti par force après la création du "marché commun", qui met les Landes en concurrence avec d'autres pays producteurs de gemme, se tournent vers des emplois qui leur permettent de travailler sur place. La briqueterie locale compte ainsi parmi les premiers secteurs qui embauchent puisque, désormais, "un tiers de la population vit du bâtiment". Ces années prospères constituent un nouveau souffle pour cette station balnéaire prétendant rivaliser avec Biarritz, qui demeure fidèle au style basco-landais, et qui attire une clientèle aisée venue de Paris, Bordeaux et Toulouse.
Les gens du cru s'adaptent. La génération encore en activité se tourne vers les nouvelles offres d'emploi directement liées à la présence des estivants. D'agriculteurs ou sylviculteurs, bergers ou résiniers, ils deviennent aussi jardiniers ou embrassent des carrières liées à l'hôtellerie. Les jeunes hésitent, partagés entre l'attachement à la terre natale et le désir de promotion sociale qu'offre encore cette période de croissance des Trente Glorieuses.
Alfred Éluère, conscient de la fragilité d'une économie fondée sur des activités saisonnières, cherche à faire d'un bourg dont la population oscille de 2 000 habitants l'hiver à 30 000 en été, une "petite ville" qui offre des activités pérennes. De grands édifices se construisent donc sur la dune, destinés à loger les autochtones qui veulent continuer à vivre et travailler au pays.
C'est une mutation profonde qui s'opère là, modifiant l'économie de toute une région et bouleversant les mentalités. Le monde rural de la côte se tourne résolument vers la modernité, abandonnant la langue vernaculaire qui se distingue cependant encore nettement dans l'accent et la syntaxe du français employé dans les interviews.