Parcours thématique

L'élevage dans les Landes

Francis Brumont

L'élevage traditionnel

Dans l'économie ancienne, les animaux d'élevage jouaient un rôle primordial. Le gros bétail était utilisé pour le trait, c'est-à-dire pour tracter les outils agricoles, et en particulier la charrue. C'était des bœufs en Chalosse et Tursan et dans une partie des Petites Landes et des mules dans la Haute Lande ; ces animaux étaient également utilisés pour les charrois, transportant les surplus agricoles vers les villes voisines ou les ports fluviaux, voire jusqu'à Bordeaux et dans ce cas, les mules étaient préférées, car plus rapides que les bœufs. C'est ainsi que les produits de la forêt de résineux (résine, goudrons, miel, etc.) étaient exportés de toute antiquité vers les pays riverains de la mer du Nord. Le menu bétail, c'est-à-dire surtout les moutons, apportait un revenu régulier (agneaux, lait, laine) et aussi une partie du fumier nécessaire à l'exploitation. L'autre partie étant fournie grâce à un système propre aux régions de l'extrême quart sud-ouest de notre pays, que l'on appelle le soustré ou soustrage . Il consistait à étendre dans les basses-cours, les airiaux et les chemins, des fougères et des ajoncs que l'on allait faucher dans les landes voisines ; les pluies, le piétinement et les déjections des animaux transformaient ces végétaux en un excellant compost qu'il suffisait ensuite d'épandre dans les champs. Dans la Haute Lande où les superficies cultivées étaient faibles et les moutons relativement nombreux, ce système permettait une culture intensive sans jachère alors qu'ailleurs, il fallait que la terre se repose une année sur deux, quelquefois sur trois sur les meilleures parcelles.

Ces animaux, qu'ils soient de trait ou de rapport, ou parfois les deux (vaches de travail) n'appartenaient pas toujours aux exploitants : ils leur étaient bien souvent cédés par les propriétaires des métairies, des marchands ou des paysans plus aisés, moyennant un contrat dit de "gasaille" (ou gasalhe) selon lequel les animaux de trait étaient loués contre une redevance en grain (seigle le souvent), ceux de rapport (vaches, brebis, juments, oies...) moyennant le partage entre le propriétaire et l'éleveur à moitié des profits des animaux (agneaux, veaux, lait, laine, oisons). Ces contrats permettaient à de petits paysans de se constituer sans investissement, par leur seul travail, un petit cheptel et étaient souvent inclus dans les baux de métayage, car les métayers possédant leurs propres animaux étaient rares. A cet élevage, il faut ajouter les animaux de basse-cour, dont le profit était réservé à la fermière, l'exploitant s'occupant lui-même du reste du gros et menu bétail. Pour fixer les idées, nous dirons qu'une bonne métairie, sous l'Ancien Régime, comprenait une à deux paires de bœufs, quatre à six vaches et leur suite, trois à quatre douzaines de brebis et parfois quelques chèvres, un ou deux porcs à l'engrais, deux oies et un jars et une ou deux dizaines de poules et poulets.

L'oie capitale des Landes

L'oie capitale des Landes

En chalosse, l'élevage d'oies permet de valoriser les petites exploitations. Certains agriculteurs s'équipent pour augmenter une production familiale d'oies grasses et de foies gras dont les cours sont fixés lors des marchés ; d'autres misent sur le progrès pour produire à plus grande échelle, bénéficiant pour l'écoulement de leur production de l'intervention de la Sica Foie gras des Landes.

10 déc 1966
07m 41s
Concours du bœuf gras à Dax

Concours du bœuf gras à Dax

En février 1963 a lieu le concours du bœuf gras de Dax qui rencontre un vif succès.

18 fév 1963
01m 05s

L'évolution récente : le gros bétail

Avec quelques modifications, ce système d'exploitation s'est maintenu jusqu'aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale, lorsque les tracteurs ont commencé à remplacer les animaux de trait et que, peu après, dans les années 1960, le métayage a disparu. Si les animaux de basse-cour continuent à être présents, souvent en plus grand nombre, et plus variés (lapins, pintades, dindons étaient rares avant la Révolution), la demande croissante de viande de boucherie et de produits de qualité induite par l'augmentation du niveau de vie et l'urbanisation a conduit à des changements profonds dans les modes d'élevage. En premier lieu, la forte diminution du nombre des ovins et la disparition des animaux de trait, quasiment complète en ce qui concerne les mules dont il ne subsiste guère plus que le souvenir. En ce qui concerne les bovins, si l'on n'utilise plus de bœufs dans les exploitations, cet élevage s'est développé sous deux formes essentiellement : l'élevage laitier, providence des petits agriculteurs à une époque, les années 1960, où la consommation des produits laitiers augmentait fortement tout en se diversifiant, souvent associé à la production de veaux, et l'élevage pour la boucherie, soit de veaux, soit d'animaux plus âgés ; dans ce cas, étant donné l'ampleur du capital immobilisé, il s'agissait plutôt d'une spéculation réservée aux plus aisés, soucieux de la qualité de leurs bêtes et s'adaptant assez rapidement aux techniques les plus modernes (insémination artificielle, alimentation à base d'aliments fournis par les coopératives, recours au vétérinaire...). Ce sont eux qui fréquentent les concours agricoles et notamment le concours général de Paris.

Comice agricole à Peyrehorade

Comice agricole à Peyrehorade

Le comice départemental de Peyrehorade accueille les lauréats des divers comices cantonaux landais ainsi que des participants venus des départements limitrophes et des représentants espagnols. Les plus beaux spécimens de bovins, ovins et porcins défilent devant le jury présidé par René Coudanne, conseiller général et maire d'Amou.

25 oct 1963
01m 20s
La foire bovine de Saint-Vincent-de-Tyrosse

La foire bovine de Saint-Vincent-de-Tyrosse

A Saint-Vincent-de-Tyrosse, le 21ème concours de la vache blonde d'Aquitaine rencontre un véritable succès. Pas moins de 600 animaux issus de 180 élevages y sont présentés. La manifestation permet également de faire la promotion de la race auprès d'éleveurs français et étrangers.

05 sep 1992
01m 23s

Dans le droit fil de cette politique et toujours en phase avec l'évolution du désir des consommateurs, des éleveurs ont obtenu en 1991 le label rouge pour le "bœuf de Chalosse", renforcé par une IGP (Indication Géographique Protégée) en 1996. Cette viande est aujourd'hui produite par environ 400 éleveurs et distribuée par un réseau de bouchers agréés, le but étant de fidéliser une clientèle exigeante et d'offrir une rémunération correcte aux producteurs.

Label rouge pour le bœuf de Chalosse

Label rouge pour le bœuf de Chalosse

En 1989, une centaine d'éleveurs décident d'orienter leur activité vers une production de qualité et créent, avec un petit groupe de bouchers, l'Association Bœuf de Chalosse. Elevé selon des méthodes traditionnelles, l'animal offre une qualité de viande supérieure qui permet à l'association d'obtenir en 1991 le Label rouge.

11 fév 1992
02m 24s
Elevage de bœufs de Chalosse à Sort-en-Chalosse

Elevage de bœufs de Chalosse à Sort-en-Chalosse

A Sort-en-Chalosse, les Danhil élèvent des bœufs depuis 1945, selon des méthodes traditionnelles. Avec plusieurs éleveurs, ils créent, en 1989, l'Association Bœuf de Chalosse afin de défendre et promouvoir la qualité de leur production menacée par celles des canards et des poulets. Deux ans plus tard, ils obtiennent le Label rouge.

17 fév 2001
04m 12s

Poules, poulets et chapons

C'est une démarche semblable, obéissant aux mêmes causes, qu'ont suivie les producteurs de volailles : au milieu des années 1960, les poulets landais qui respectaient un certain nombre de critères ont obtenu le premier label rouge, certificat de qualité amélioré par la suite par l'obtention de la mention "élevé en liberté" et par l'adoption d'une race de poulets de meilleure qualité gustative, les fameux "cous nus". Dans un marché très concurrentiel, où tous les produits se trouvent sur les étals des grandes surfaces, c'est une clientèle recherchant une qualité suivie, garantie, de haute et moyenne gamme, qui est visée.

La coopérative de production de poulets jaunes des Landes de Buglose

La coopérative de production de poulets jaunes des Landes de Buglose

Créée 10 ans plus tôt à Buglose, la coopérative de production de poulets jaunes des Landes emploie, en 1969, plus de 100 personnes et sa production est placée sous label agricole. Elle travaille en collaboration avec 200 producteurs de maïs et de volailles élevées en plein air, selon la méthode traditionnelle landaise.

30 jan 1969
02m 23s
Label rouge et mention "en liberté" pour le poulet landais

Label rouge et mention "en liberté" pour le poulet landais

Dans les Landes, les poulets sont élevés en totale liberté, selon les méthodes fermières traditionnelles. Aussi, pour se démarquer des autres productions labellisées, les éleveurs landais souhaitent associer la mention "en liberté" à la certification Label rouge.

21 juin 1988
01m 48s

L'éventail des productions disponibles a été ensuite complété par des volailles dites festives, ou apparaissant plus exceptionnellement sur les tables, comme les pintades, les cailles et surtout les chapons, voire le chapon de pintade, dernier né de la "collection". Cet élevage profite et met en valeur les atouts de la région : vastes espaces incultes ou boisés, climat clément, abondante production de maïs. On produit aujourd'hui plus de vingt millions de poulets dans le département.

La vente de volailles à l'approche des fêtes de fin d'année

La vente de volailles à l'approche des fêtes de fin d'année

Un an après l'épisode de grippe aviaire et à trois semaines de Noël, les ventes de volailles repartent à la hausse, comme en atteste le marché de Villeneuve-de-Marsan. Un nouveau produit est également proposé : le chapon de pintade, l'une des spécialités proposées par Michel Guérard dans son restaurant d'Eugénie-les-Bains.

09 déc 2006
01m 43s

Palmipèdes gras

C'est à peu près à la même époque que les canards élevés en vue de la production de gras ont supplanté les palmipèdes traditionnels, les oies. Ils permettaient de produire à moindre coût des produits jusqu'alors considérés comme du luxe, le foie gras, et de présenter une viande qu'il était possible de déguster fraîche, le magret, et non confite, la généralisation des congélateurs permettant en effet de conserver durant toute l'année une production qui, au début tout au moins, était encore saisonnière et destinée à être consommée lors des fêtes de fin d'année. Mais peu à peu, d'accessoire ou complémentaire, elle est devenue primordiale pour bon nombre de petites et moyennes exploitations, peu armées pour entrer sur un marché des céréales ou du vin de plus en plus mondialisé. La production s'est donc étalée sur toute l'année, à l'exception des mois les plus chauds et s'est professionnalisée, le nombre d'animaux élevés connaissant alors une croissance exponentielle en même temps que les prix baissaient et se démocratisaient, le tout au prix souvent d'une perte de qualité.

Le foie gras de Noël

Le foie gras de Noël

Afin de valoriser leur production de maïs, les agriculteurs, grâce au concours de la SICA de Saint-Sever et du Crédit Agricole, se spécialisent dans l'élevage d'oies et de canards gras. Organisés selon des groupements d'exploitation en commun, ils bénéficient de contrats avec les conserveurs de la région.

12 jan 1968
10m 49s

C'est que d'une part, la concurrence est rude, en provenance tant de France (Ouest) que de l'étranger (Hongrie) et que de l'autre, le nombre des conserveurs n'a fait que diminuer, suite à des concentrations dans ce secteur, si bien que les éleveurs n'ont que peu d'interlocuteurs entre qui faire jouer la concurrence. Cependant, quelques maisons de qualité subsistent, et, par ailleurs, subsiste un certain nombre de conserveurs à la ferme, pratiquant la vente directe et qui eux aussi sont obligés d'occuper le créneau du haut de gamme, car leurs coûts sont relativement élevés, d'autant plus que les normes (européennes) qu'ils doivent suivre sont assez contraignantes. En général, ces conserveurs à la ferme, dans la mesure où ils ont su se créer une clientèle, s'en tirent mieux que les simples gaveurs ; ils bénéficient, en outre, de l'engouement pour le tourisme rural bien développé dans notre département. Certaines exploitations en ont fait leur activité principale, en réorientant leurs productions agricoles vers le maïs valorisé par son utilisation dans la filière gras.

Les producteurs de foie gras landais

Les producteurs de foie gras landais

Les producteurs de foies gras se préparent à l'approche des fêtes de fin d'année. Si les petits producteurs regroupés sous l'agrément "Bienvenue à la ferme" misent sur une production traditionnelle, les grandes entreprises comme Delpeyrat imaginent de nouveaux produits très attractifs et mettent en avant l'IGP Sud-Ouest.

23 nov 1998
04m 44s
La filière gras dans les Landes

La filière gras dans les Landes

Présentation de différents aspects de la filière gras dans les Landes : du marché au gras de Pomarez à l'exploitation d'un producteur de canards gras à Maylis sous contrat avec l'un des plus grands conserveurs français, en passant par l'obtention de l'IGP Sud-Ouest pour protéger les producteurs locaux de la concurrence étrangère.

26 déc 1996
05m 04s

Cependant, c'est la première modalité qui domine largement aujourd'hui : les deux-tiers des huit millions de canards qui sont gavés chaque année dans les Landes, essentiellement en Chalosse, sont destinés aux conserveurs. Cette activité est en constante progression, puisqu'il y a quinze ans (1996), on n'atteignait pas les six millions. Cela est conforme à l'évolution de la demande au niveau national : les ménages consommaient environ 5000 tonnes de foie gras en 1998 et ce chiffre atteint aujourd'hui 8000 tonnes. Les Landes sont à la tête des départements producteurs de canards. En revanche, le nombre des oies ne cesse de diminuer, ayant été divisé par deux depuis une dizaine d'années.

La France demeure largement en tête de la production mondiale : on y produit environ 20 000 tonnes de foie par an (dont 97% de foie de canard) alors que les autres "gros" producteurs, la Hongrie et la Bulgarie ne dépassent pas les 5000 tonnes. Malgré les fluctuations des cours, dus essentiellement à des déséquilibres passagers entre l'offre et la demande, cette filière a donc un bon avenir.

Aquaculture

Il en va de même pour la pisciculture, une activité traditionnelle, mais qui a connu un fort développement depuis une vingtaine d'années, notamment dans la Haute Lande, en produisant essentiellement de la truite : 5000 tonnes environ par an, soit un septième de la production nationale. Une partie est destinée à l'exportation vers la Belgique et l'Allemagne en particulier. Dans un contexte de stagnation, voire de diminution, de la pêche traditionnelle, les poissons d'élevage sont appelés à remplacer les ressources naturelles alors qu'au niveau mondial, la consommation de poisson augmente. Signalons enfin une petite activité ostréicole concentrée autour du lac d'Hossegor, dont la production, écoulée sur place, ne peut se comparer en quantité aux grands du secteur : Arcachon, Marennes, etc.

La société Aquafrance

La société Aquafrance

Dans les années 1970, les Landes se lancent dans l'aquaculture. Bénéficiant de cours d'eau épargnés des pollutions agricoles, le département voit se multiplier des bassins de pisciculture. Parmi les sociétés aquacoles de la région, Aquafrance se place en 1996 comme leader européen sur le marché de la truite.

20 mar 1996
05m
L'entreprise Viviers de France

L'entreprise Viviers de France

L'entreprise Viviers de France de Castets est nominée pour le Trophée des As décerné par la Chambre de Commerce et d'Industrie des Landes. Menacée de fermeture en 1997, cette société aquacole a réalisé d'importants investissements afin de développer sa production tout en assurant un suivi rigoureux de la chaîne d'élevage. Elle mise aujourd'hui sur le développement durable.

29 oct 2003
02m 07s

Conclusion

C'est parce qu'ils ont su s'adapter à l'évolution de la demande des consommateurs que les éleveurs landais, comme les agriculteurs, on pu tirer leur épingle du jeu dans un marché fortement concurrentiel et mondialisé. Au début des années 1960, passées les années de reconstruction de l'après-guerre, la clientèle est devenue plus exigeante sur la qualité en même temps que les quantités consommées augmentaient : viande de boucherie, volailles fermières se retrouvaient plus souvent sur les tables de consommateurs de plus en plus urbains, mais qui avaient la nostalgie des produits qu'ils avaient connus dans leur enfance ou qu'ils pouvaient connaître lors de leurs vacances. Cependant, les producteurs ont dû faire face à un autre phénomène : la baisse relative des prix, accentuée par la part croissante prise par la grande distribution dans les circuits commerciaux. Il a fallu donc, d'une part, produire en plus grande quantité, avec les écueils que cela comporte pour la qualité des produits, et, en même temps, maintenir un certain niveau de qualité pour être visible sur les étals et fidéliser la clientèle. C'est grâce à la labellisation et à la certification que ce but a été atteint, notamment pour les poulets et les bovins. La filière canard gras est, quant à elle, beaucoup plus diversifiée, car d'un côté la concentration ne fait que s'accentuer chez les gros metteurs en marché [1] tandis qu'un secteur de petits conserveurs, la plupart fermiers, peut survivre en se plaçant sur le créneau de l'authenticité et de la tradition. Il s'agit cependant d'une filière fragile, soumise aux aléas de la conjoncture et dont les prix fluctuent souvent à la limite de la rentabilité.

[1] Un metteur en marché est un professionnel agréé chargé de vendre ou de revendre des marchandises.