Transfert des malades au nouvel hôpital de Laval

Un ballet incessant de J7 Peugeot, d’estafettes Renault et d’ambulances DS break Citroën transportera entre le 6 et le 13 janvier 1974, les 328 malades du vieil hôpital Saint-Julien de Laval vers le tout nouveau centre hospitalier de la rue du Haut-Rocher. Un véhicule toutes les 5 minutes ! Quinze-cent mètres seulement mais toute une logistique à prévoir pour que le transfert des hospitalisés et du matériel médical se déroule dans les meilleures conditions possibles. L’énergie et la préparation déployées par le personnel hospitalier, les membres de la Croix Rouge française et les sapeurs-pompiers, qui, toutes et tous ont l’habitude de se retrouver dans les actions de la protection civile, démontrent que ces trois groupes : blanc, bleu et rouge sont capables de relever un défi de taille.

C’est ce qu’indique avec une pointe de fierté le patron des pompiers mayennais de l’époque, le Commandant Marcy face à la caméra de la journaliste Maryvonne Gouzerh. Son reportage en noir et blanc sera diffusé le 8 janvier 1974 dans le journal télé Pays de Loire Le Mans. Transférer d’une rive à l’autre du Vieux Pont de Laval, plus de 300 malades, dont 150 couchés, s’assurer que 1000 m3 de matériel nécessaire à la reprise immédiate de l’activité vont bien suivre n’était pas une mince affaire. Très studieuse, et visiblement impressionnée lors du tournage, une infirmière déclare d’une voix posée : Le souci pour nous a été le transport du matériel car il n’y avait pas de personnel extérieur, il a fallu prendre sur le personnel soignant alors que nous étions sur un week-end…mais tout s’est bien passé. Une attention particulière était forcément portée envers les grands opérés. Le commandant Marcy sur un ton militaire rappelle les deux grands objectifs de cette action : faire preuve de souplesse et de rapidité et assurer une coordination parfaite. Nous avons saisi l’occasion de réaliser « grandeur nature » un exercice pratique d’évacuation d’un établissement de soins. 21 brancards étaient nécessaires afin de permettre aux malades de quitter leur lit dans l’ancien hôpital pour en retrouver un nouveau, rue du Haut-Rocher.

Le quotidien Ouest-France est revenu sur cet événement médical et local sous la plume de Jean-François Vallée publié le 18 août 2013. Le rédacteur y redonne une carte d’identité intéressante de l’imposante structure qui commence à sortir de terre dans les années 70. 63 mètres de haut, 12 étages, 14 km de couloirs, 580 lits et pas moins de 54 millions de francs investis, matériel médical compris... Le 13 juin 1970, la première pierre du nouvel hôpital de Laval est posée. Un événement. Jacques Limouzy, secrétaire d'État auprès du ministre chargé des Relations avec le Parlement fait le déplacement. Il est aux côtés de Françis Le Basser, maire et président du Conseil général, et du préfet, un certain M. Dandé. Ouest-France précise encore qu'un parchemin datant l'événement et portant leurs trois signatures est introduit, avec une pièce de 1 F ministérielle, dans un tube de métal, à l'intérieur même de cette première pierre qui fut scrupuleusement scellée. Ce bâtiment colossal, destiné à remplacer l'hôpital Saint-Julien, est présenté comme ce qui se fait de mieux à l'époque. L'État finance 40 % du chantier. Il est la concrétisation d'un vieux projet, dans les cartons depuis 1959. Au total, 260 entreprises sont contactées pour réaliser les travaux. Les plans sont réalisés par deux architectes parisiens : Bernard Berruet et Jacques Charon. Rien n'arrêtera plus les travaux jusqu'au final, clame le secrétaire d'État avant de sabrer le champagne. Lors de sa livraison en 1974, André Pinçon, maire, qui a succédé à Françis Le Basser pose fièrement sur le toit de l'hôpital, admirant le point de vue sur l’agglomération. 

Aujourd'hui, cette ville dans la ville fait travailler plus de 2000 agents et sa capacité en lits est importante. Comme l’indique le site internet du Centre hospitalier : L'établissement compte 510 lits répartis entre les différentes activités de soins (médecine adulte et enfant, chirurgie, gynécologie-obstétrique, psychiatrie adulte et enfant, soins de suite et de réadaptation), 127 places, 19 places d'HAD (Hospitalisation à Domicile) et 10 postes de dialyse qui bénéficient d'un plateau technique performant en fonctionnement 24H/24. L'établissement gère également un service d'accueil des urgences ainsi qu'une unité de régulation des appels téléphoniques (centre 15) et interventions médicales urgentes (SAMU-SMUR). Enfin, le Centre hospitalier de Laval est l'opérateur le plus important du département pour l'hébergement médicalisé des personnes âgées puisqu'il dispose de 519 lits répartis dans ses 4 maisons de retraite : Le Faubourg Saint-Vénérand, les Charmilles, le Rocher-Fleuri et Jeanne Jugan.

Entre 2021 et 2025, un plan d’investissement de 77 millions d’euros est prévu, a annoncé son actuel directeur, André-Gwenaël Pors, le jeudi 18 février 2021 lors d’un point faisant office de cérémonie des vœux, et qui a finalement précédé de quelques semaines sa mutation à Boulogne-sur-Mer. Les chantiers des deux nouveaux Ehpad, sur les sites de Jeanne-Jugan et du Haut Rocher sont lancés. Ce sont des travaux très attendus. Fin 2021, un héliport doit également être construit sur le toit de l’hôpital et une sixième salle de bloc opératoire ouvrira également au second semestre 2021. Un autre projet d’envergure, qui n’est pas encore compris dans le plan d’investissement de 77 millions d’euros est régulièrement évoqué : la rénovation des urgences et du service de réanimation. Ces derniers travaux étaient rendus d’autant plus indispensables dans le contexte de la crise sanitaire du covid-19 qui s’était ouverte à la charnière entre les années 2019 et 2020. En juillet 2020, le faible nombre de lits disponibles en réanimation à Laval, couplé avec l’explosion du nombre de cas, propulsait la Mayenne sous le feu des projecteurs médiatiques. Le préfet, l’Agence régionale de santé (ARS) et le président du Conseil départemental Olivier Richefou décidaient de réagir immédiatement en ouvrant et animant des lieux de dépistage fixes ou itinérants sur l’ensemble du territoire départemental. L’opération s’avéra salutaire puisque, douze mois plus tard, à l’été 2021, alors que la vaccination battait son plein, la Mayenne affichait fièrement l’un des taux d’incidence les plus bas du pays.

La conclusion de Maryvonne Gouzerh en 1974 vaut pour tous les changements à intervenir au sein de tels mastodontes. Alors qu’elle évoque l’adaptabilité et le rodage dont vont devoir faire montre les agents hospitaliers face aux technologies nouvelles, aux locaux qu’il convient de connaître rapidement par cœur, elle dit : « avec le temps viendra l’aisance que donne l’habitude ». L’histoire est un éternel recommencement.

• Cécile Le Franc, "Salle de bloc, urgences, réanimation, Ehpad : le point sur les nombreux projets de l'hôpital de Laval", Courrier de la Mayenne, 18 février 2021
• Jean-François Vallée, "Le toit de l'hôpital, sommet dominant la ville", Ouest-France, 18 août 2013