Une ferme dans le centre-ville de Laval
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La FDSEA mayennaise a installé une ferme à Laval pour peser sur la réforme de la Politique Agricole Commune en projet. Claude Charon, que l'on suit sur son exploitation de Ruillé puis à Laval avec le public, prévoit une baisse de ses revenus. De son côté, le directeur de la Chambre d'agriculture Yves Malpot justifie cette réforme tandis que Georges Garot, député européen PS, n'en voit pas la raison.
Date de publication du document :
01 sept. 2021
Date de diffusion :
17 févr. 1999
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Contexte historique
ParDirecteur de la communication de la Communauté de communes du Pays Château-Gontier
Publication : 01 sept. 2021
Et si, pour bien comprendre cet énième épisode des difficultés rencontrées par le monde agricole, nous relisions "Perrette et le pot au lait" de Jean de la Fontaine ? Cette fable qui nous conte l'histoire de Perrette s’en allant vendre son pot de lait au marché du village. En chemin, elle se prend à rêver du fruit de cette vente, somme avec laquelle elle achètera des œufs pour les transformer en couvée. Couvée grâce à laquelle elle élèvera des poulets dont les bénéfices lui permettront d'acheter un cochon qui, une fois engraissé sera lui-même revendu. Renégocié contre une vache et un veau. Autant écrire que Perrette se voit déjà à la tête d'un élevage de grande taille mais l’issue sera moins logique et moins belle. Jean de la Fontaine (1621-1695), fin observateur de ses contemporains était-il journaliste avant l’heure ? Si sa : « Perrette et le pot au lait » nous racontait avant l’heure l’histoire d’une terre dont les agriculteurs ne demandent qu’à vivre ? Sans toute cette batterie d’aides mais avec un peu plus de respect du prix du labeur.
Immersion au coeur d’une étrange décision. Le 22 février 1999, le conseil agricole va se réunir à Bruxelles pour discuter de la réforme de la Politique Agricole Commune, qui, in fine, vise à réduire le budget agricole. Les syndicats s'y opposent et pour manifester leur mécontentement, ils installent, quelques jours plus tôt, une ferme dans le centre-ville de Laval, place Jean-Moulin, sous les fenêtres de la préfecture, afin de sensibiliser le public sur le quotidien des agriculteurs. Ils entendent également interpeller les élus et les représentants de l'Etat.
Le reportage signé Emmanuel Faure, tourné par le reporter d’images Rémi Guiné (prise de son Nicolas Lambert et montage Jean-Pierre Lacam), pour France 3 Pays de la Loire porte un regard dont la proximité aide à la compréhension du sujet. Cette : « ferme en ville » imaginée par la FDSEA de la Mayenne est une opération de séduction mais pas uniquement. Bien qu’organisée au cœur d’un territoire acquis à la cause agricole, elle va aussi toucher des urbains qui connaissent parfois mal le quotidien des agriculteurs. Visiblement l’action fait mouche et les visiteurs cernent un peu mieux la complexité de la PAC. C’est ce que mentionne, en fin de diffusion, Mme Annick Ragaru, alors vice-présidente de la FDSEA 53. Il convient de rappeler que la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles, fondée en 1946, est le syndicat professionnel majoritaire dans la profession agricole en France. Une initiative de la FDSEA, n’importe où dans l’hexagone, est souvent bien suivie.
Président de la chambre d’agriculture de la Mayenne de 2008 à 2012, Claude Charon, que l’on suit dans ce reportage, aura aussi été le « patron » de la FDSEA 53 entre 2002 et 2007. Pour mieux analyser la situation et faire un arrêt sur image en 1999, le téléspectateur marche donc dans les pas de cet agriculteur. Contrôleur laitier durant 16 ans, il devient exploitant agricole à Ruillé-le-Gravelais en 1986 « par amour de la terre ». Eleveur de porcs et de taurillons, Claude Charon produit 180 000 litres de lait par an, cultive du blé et du maïs sur 40 hectares et semble heureux de consacrer sa vie à son activité professionnelle. Pourtant, depuis quelques semaines, comme nombre de ses collègues, il est inquiet, très inquiet. En effet, il entend parler d’une réforme de la politique agricole commune, avec, pour conséquences, une baisse des prix annoncée de 30 % sur la viande, de 20 % sur les céréales et de 15 % sur le lait.
Le témoignage d’un spécialiste, Yves Malpot, alors directeur de la Chambre d’agriculture et défenseur de cette réforme, ne semble pas de nature à rassurer Claude et ses amis. Deux raisons à la préparation de cette réforme sont invoquées mais elles peinent à convaincre : La première consiste à préparer l’entrée des pays d’Europe centrale et orientale dans l’union européenne mais la raison principale consiste à préparer la politique agricole commune de façon à renforcer la compétitivité de son agriculture sur les marchés mondiaux.
Pour mettre en place cette politique, Bruxelles entend baisser les prix et augmenter les aides directes. C’est là où le bât blesse et là où le sens donné aux aides pose question à la FDSEA et aux agriculteurs en général qui ne visent pas à être sous la gouttière financière de l’Europe mais à exister décemment grâce aux efforts demandés par leur métier. Plus largement, comme le souligne Emmanuel Faure : Si les aides augmentent, le budget européen doit suivre alors que les Allemands et les Hollandais veulent y réduire leur participation…
Le député européen PS, Georges Garot, 1997 à 2004, hostile à cette réforme note : Sur le lait, une politique qui donne satisfaction aux producteurs, aux transformateurs et qui n’a pas été, pour l’instant défavorable aux consommateurs je ne vois pas pourquoi cette politique est remise en cause.
Le Ministre socialiste de l’agriculture et de la Pêche de 1998 à 2002, Jean Glavany, déclarera quant à lui : La position française, défendue par le gouvernement, soutenue par le président de la République, refuse que l'agriculture soit la variable d'ajustement des contraintes budgétaires de l'Europe (…) La PAC de 1992 s'était traduite par la perte d'un nombre très important d'exploitations. C'est avec cette logique que je veux rompre radicalement, au nom d'une autre ambition pour l'agriculture européenne.
Les effets de la PAC au quotidien sont décryptés auprès des professionnels par la direction départementale des Territoires (DDT), un service de l’État à compétence départementale. Celle-ci rappelle par exemple régulièrement le rôle écologique des haies en matière de biodiversité et de paysage ainsi que leur prise en compte dans l’éligibilité aux aides de la PAC. Elle organise, par exemple le 28 mars 2019 au lycée agricole de Laval, des journées sur la protection animale et des végétaux, l’identification des aides PAC et la réglementation autour de l’eau. Ces actions pédagogiques sont d’autant plus nécessaires que la lecture de la PAC par les professionnels et l’opinion publique n’est pas un exercice facile. En effet, les aides directes aux exploitants mayennais ont baissé de 22 % entre 2013 (141 millions d’euros) et 2019 (110 millions). Dans la région Pays de la Loire, le département est celui qui compte le plus grand nombre d’agriculteurs bénéficiaires de ces aides, soit presque 6000 exploitants en 2019. Les quotas laitiers de la PAC, dans cette terre d’élevage bovin, sont aussi une mesure peu populaire. Pourtant, à l’occasion de la renégociation de la PAC fin 2020, la députée européenne Valérie Hayer, alors encore élue départementale pour le canton d’Azé, affirmait que La PAC est toujours un lien direct entre l’Europe et mon territoire, la Mayenne
et que Cet accord est un bon accord pour tous
.
Alerter pour ne pas subir, ou ne pas subir sans alerter, d’hier et d’aujourd’hui le message de l’agriculture est simple et cohérent : pouvoir vivre de son travail. Alors le mot de la fin revient au petit Gaspard, haut comme trois pommes en 1999. Il a raison Gaspard quand il pointe du doigt un stand de la ferme installée en plein centre-ville de Laval : J’ai jamais eu à aller ici...
. C’était en effet une première et elle fut réussie... Pour éviter qu’un jour nous n’ayons à écrire : adieu, veau, vache, cochon, couvée…
Bibliographie
- Pascale Labzaé et Pierre-Yves Amprou, Bilan de la PAC 2014-2020, Chambre d’Agriculture Pays de la Loire, Février 2021, 16 pages.
- Rosemary Bertholom, « En Mayenne. Le département a bénéficié de plus de 120 millions d’euros d’aides Pac en 2019 », Ouest-France, 20 octobre 2020.
- « En Mayenne. Pour l’eurodéputée Valérie Hayer, la nouvelle PAC va "mieux protéger nos agriculteurs" », Ouest-France, 2 juillet 2021.
Transcription
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