La Résistance à partir de 1943
Notice
Jean Wroblewski et Louis Lethien, interrogés dans "Les Mémoires de la mine", évoquent la résistance de l'ensemble des mineurs contre l'occupant allemand, leur patriotisme et leur courage.
Éclairage
Quarante ans après, d'anciens travailleurs des Houillères retracent les formes de la Résistance dans le Nord-Pas-de-Calais.
La région, rattachée à l'administration militaire de Bruxelles, est incluse dans la "zone interdite", contrôlée par la Gestapo et la police allemande pour optimiser l'approvisionnement en matières premières de la machine de guerre nazie. Or, le lieu de travail est au cœur des actes résistants des mineurs. Le freinage de la production est la méthode précoce, mais délicate qu'ils utilisent : surveillés, ils s'exposent à la répression et à des pertes de salaire, calculés à la tâche. Dès la mi-mai 1940, des sabotages sur les installations et les trains se produisent, puis s'intensifient à mesure que se renforce la Résistance. Mais l'allongement du temps de travail compense un moment les pertes et il faut attendre le second semestre 1943 pour que la baisse de la production s'accentue (1).
L'arme du conflit social est aussi employée ; elle expose davantage encore à la vindicte allemande. La grève des mineurs de mai-juin 1941 est à cet égard emblématique. Elle donne pourtant un coup d'accélérateur à la Résistance. En octobre 1943 survient un autre conflit d'envergure qui, comme en 1941, mêle revendications prosaïques et rejet de l'occupant. De nombreux arrêts de travail plus limités jaillissent en outre régulièrement.
L'année 1943 est cruciale, comme y insistent les témoins. Syndicalement, la Fédération clandestine du Sous-Sol est reconstituée sous l'égide du communiste Victorin Duguet. Les organisations de la Résistance se développent et se rapprochent. A partir de 1941, les réseaux se sont multipliés et sont de plus en plus actifs. Ainsi La Voix du Nord, du socialiste Jules Noutour et du catholique Natalis Dumez, Libération-Nord, majoritairement socialiste, l'Organisation civile et militaire (OCM) où se côtoient démocrates-chrétiens, conservateurs et socialistes, ou encore l'Organisation spéciale qui, côté communiste, donnera naissance aux FTPF. Puis la création des Comités départementaux de libération, tel celui du Pas-de-Calais en novembre, permet de mieux coordonner la résistance. Celle-ci enrôle aussi des étrangers, dont de nombreux mineurs qui forment la majorité des Polonais engagés.
Les actions, outre les sabotages, sont classiques : presse clandestine, tracts, aide aux réfractaires du STO, réseaux de renseignements et d'évasion... Les initiatives plus militaires sont moins répandues. Les approvisionnements en armes sont aléatoires, la force allemande est imposante : c'est pourquoi "dans le Nord, la présence de la résistance était surtout sensible par des actions ponctuelles, on n'y trouve pas de grands maquis ou de colonnes rapides de résistants" (2).
Avec le débarquement allié, les FFI commencent à "nettoyer la région", pour reprendre l'expression de Jean Wroblewski. Le 21 août 1944, une grève insurrectionnelle commence. Des combats ont lieu autour des fosses et des puits. Le 1er septembre, les Alliés atteignent le Nord-Pas-de-Calais. Ce même mois, toutes les concessions sont libérées ; le bassin minier du Nord l'est entièrement par les FFI.
L'heure est alors à la participation à la guerre jusqu'à la victoire ou au retour à la mine. Dès le 28 août, le syndicaliste communiste Henri Martel a lancé de Londres un appel aux accents de "bataille de la production" : "Dans les bassins libérés les mineurs furent au premier rang dans les combats victorieux (...). Aujourd'hui, la rage au cœur, ils sont redescendus à la mine, ils redoublent d'ardeur à l'ouvrage, afin d'intensifier les productions de guerre."
(1) Georges Tiffon, "La production de charbon en France pendant la guerre 1939-1945", Cahiers de l'Institut d'Histoire Sociale Minière, n° 4, septembre 1994.
(2) Edmond Gogolewski, "La participation des résistants polonais à la libération du bassin minier du Nord et du Pas-de-Calais", Mineurs immigrés. Histoire, témoignages XIXe-XXe siècles, Montreuil, Institut d'histoire sociale minière/VO Éditions, 2000, p. 269.