Les futures réalisations communales de Liévin après la fermeture des mines

19 octobre 1974
04m 14s
Réf. 00081

Notice

Résumé :

Interview d'Henri Darras, député-maire de Liévin sur sa ville et la survie du Bassin minier. Après les fermetures des mines, la ville est en train de se remodeler : un centre commercial prévu sur les terrains des Houillères, des voies de communications, de nouveaux quartiers, etc. Henri Darras insiste sur la nécessité d'avoir à nouveau des emplois industriels.

Date de diffusion :
19 octobre 1974
Source :
Personnalité(s) :

Éclairage

Cet interview d'Henri Darras, maire de Liévin de 1952 à 1981, consacré à la reconversion de l'activité minière et au renouveau urbain de Liévin, est coupé, au milieu du sujet, par des plans alternant paysages urbains et vues d'une maquette issue de l'exposition "Liévin renaît", alors tenue en mairie.

Les images de la partie centrale insistent sur le coté moderne de Liévin au détriment de rares héritages miniers. Un premier plan large, pris depuis le terril, aujourd'hui arasé, de la fosse n° 11 de Grenay, montre les terrils jumeaux de Loos, puis la ville de Liévin, au-delà d'une zone encore agricole, pour finir avec une vue de la cité du n° 2 de Liévin, aujourd'hui en partie détruite. Au pied du terril, on repère encore les traces des rues d'une ancienne cité, liée à la fosse n°11 et totalement détruite à l'époque du reportage.

Les images insistent ensuite sur le renouveau urbain de Liévin en mettant en parallèle les paysages avec une maquette de l'exposition, autour de 3 thèmes :

- le renouveau commercial, autour de l'hypermarché Rond-Point aujourd'hui Carrefour, devenu depuis le cœur d'une vaste zone commerciale, véritable centre d'une ville qui en était dépourvue au temps de la mine ;

- le renouveau résidentiel, autour de la Zone d'Aménagement Concerté (ZAC) des Marichelles, construite sur des espaces agricoles entourés de cités (on reconnaît la cité des Genettes à droite sur la maquette). Cette ZAC, typique des années 1970, mêle des collectifs en forme de blocs et des zones pavillonnaires pour éviter la constitution d'un quartier de grands ensembles déjà mal perçus à l'époque ;

- enfin, de nombreux plans illustrent le nécessaire désenclavement de la commune par la construction de la D58 sur un ancien cavalier minier. Au pied du château d'eau visible depuis le terril de la fosse n° 11 de Grenay, un pont de cette D58 sur la future A21 apparaît comme isolé au milieu de champs. Sur le même thème, le plan final montre une carte des projets autoroutiers du secteur avec notamment les futures A26 et A21 -(la "rocade minière")- reliant le Bassin à l'A1.

Le discours d'Henri Darras est particulièrement optimiste, notamment lorsqu'il parle, au seuil d'une crise économique majeure qui débute par le choc pétrolier de 1973, de "pari en passe d'être gagné". Si, dans la première partie, son analyse de l'enclavement de la commune et de sa structure urbaine uniquement constituée de cités sans véritable centre, est pertinente, le discours de la seconde partie est très marqué par le contexte de l'époque. En effet, la réussite de la reconversion est encore considérée comme ne pouvant passer que par l'industrie, seule capable selon lui de continuer à faire augmenter, indirectement, les emplois tertiaires, par ailleurs déjà en développement sur la commune (le centre commercial, par exemple). Or, dans le contexte de crise qui a suivi et qui perdure encore aujourd'hui, le pari de l'industrie, fait à Liévin par l'implantation d'une zone industrielle à l'ouest de la commune (la ZI de l'Alouette) sur l'ancienne fosse n° 5, est en fait risqué. En effet, il est d'abord difficile d'attirer ces nouvelles implantations qui sont, de plus, fragiles dans un contexte de crise. Henri Darras explique d'ailleurs qu'il ne peut agir que sur le cadre et les infrastructures et que seul l'État peut inciter les industriels à s'installer. Mais, surtout, comme il le reconnaît implicitement, toutes les communes du Bassin suivent la même voie et la concurrence entre elles pour attirer de nouvelles activités va être rude ; la nécessité d'une reconversion cohérente à l'échelle de l'agglomération lensoise, voire à celle du Bassin, transparaît donc ici.

Enfin, en phase avec les perceptions de l'époque, le patrimoine minier, pourtant aujourd'hui élément clé de l'identité et de la reconversion du Bassin, est presque totalement occulté dans le reportage. De très courts plans, sur une lampe de mineur dans le bureau d'Henri Darras, sur les terrils de Loos, sur l'ancienne fosse n° 1 de Liévin, alors en friches (il n'en reste aujourd'hui que son chevalement, réhabilité, inscrit par l'Unesco et inséré dans la zone commerciale centrale de Liévin), et, enfin, sur une rue de coron, sont les seuls témoins de ce qui a pourtant donné naissance à la ville de Liévin.

Simon Edelblutte

Transcription

Henri Darras
Le pari que nous avons engagé il y a une quinzaine d’années sur la survie possible du bassin minier malgré la récession des Houillères, est en passe d’être gagné. Et Liévin est l’exemple type, car c’est la deuxième ville minière du Pas-de-Calais et en même temps, c’était la ville la plus exposée, la plus fragile devant la récession des Houillères. Liévin, c’est une ville à 95% minière, c’est une ville constituée de cités isolées, c’est une ville écartée des grandes voies de communication et qui pouvait vraiment se trouver désarmée devant la fermeture des puits.
(Musique)
Henri Darras
Pour continuer ce développement des emplois tertiaires, il nous faut à nouveau des emplois industriels. 2000 emplois industriels, ce n’est pas une très grosse affaire, pourraient nous permettre de créer suivant les chiffres qui sont souvent retenus, 2500, 3000 emplois tertiaires, de sorte que nous aurions 5 à 6000 nouveaux emplois. Et Liévin pourrait reprendre son essor économique par la création de ces milliers d’emplois et retrouver ce second souffle que nous souhaitons. Et c’est là-dessus que nous avons voulu attirer l’attention des pouvoirs publics.
Michel Barre
Oui, parce que ces emplois, selon vous, d’où pourraient-ils venir ?
Henri Darras
Et bien, ces industriels, ce n’est pas le maire qui peut aller les chercher, n’est-ce pas. Il faut qu’il y ait des incitations pour les amener chez nous. Nous avons créé les structures d’accueil, mais il faut que l’Etat oriente vers notre ville, évidemment, chacun prie un peu pour sa commune, mais vers le bassin minier, les entreprises qui souhaitent créer de nouvelles activités. Et le travail qui a été fait dans notre commune a été fait aussi dans beaucoup de communes minières, de sorte que nous avons presque gagné ce pari que nous avions engagé. Et nous revenons de loin.
(Musique)