Les futures réalisations communales de Liévin après la fermeture des mines
Notice
Interview d'Henri Darras, député-maire de Liévin sur sa ville et la survie du Bassin minier. Après les fermetures des mines, la ville est en train de se remodeler : un centre commercial prévu sur les terrains des Houillères, des voies de communications, de nouveaux quartiers, etc. Henri Darras insiste sur la nécessité d'avoir à nouveau des emplois industriels.
Éclairage
Cet interview d'Henri Darras, maire de Liévin de 1952 à 1981, consacré à la reconversion de l'activité minière et au renouveau urbain de Liévin, est coupé, au milieu du sujet, par des plans alternant paysages urbains et vues d'une maquette issue de l'exposition "Liévin renaît", alors tenue en mairie.
Les images de la partie centrale insistent sur le coté moderne de Liévin au détriment de rares héritages miniers. Un premier plan large, pris depuis le terril, aujourd'hui arasé, de la fosse n° 11 de Grenay, montre les terrils jumeaux de Loos, puis la ville de Liévin, au-delà d'une zone encore agricole, pour finir avec une vue de la cité du n° 2 de Liévin, aujourd'hui en partie détruite. Au pied du terril, on repère encore les traces des rues d'une ancienne cité, liée à la fosse n°11 et totalement détruite à l'époque du reportage.
Les images insistent ensuite sur le renouveau urbain de Liévin en mettant en parallèle les paysages avec une maquette de l'exposition, autour de 3 thèmes :
- le renouveau commercial, autour de l'hypermarché Rond-Point aujourd'hui Carrefour, devenu depuis le cœur d'une vaste zone commerciale, véritable centre d'une ville qui en était dépourvue au temps de la mine ;
- le renouveau résidentiel, autour de la Zone d'Aménagement Concerté (ZAC) des Marichelles, construite sur des espaces agricoles entourés de cités (on reconnaît la cité des Genettes à droite sur la maquette). Cette ZAC, typique des années 1970, mêle des collectifs en forme de blocs et des zones pavillonnaires pour éviter la constitution d'un quartier de grands ensembles déjà mal perçus à l'époque ;
- enfin, de nombreux plans illustrent le nécessaire désenclavement de la commune par la construction de la D58 sur un ancien cavalier minier. Au pied du château d'eau visible depuis le terril de la fosse n° 11 de Grenay, un pont de cette D58 sur la future A21 apparaît comme isolé au milieu de champs. Sur le même thème, le plan final montre une carte des projets autoroutiers du secteur avec notamment les futures A26 et A21 -(la "rocade minière")- reliant le Bassin à l'A1.
Le discours d'Henri Darras est particulièrement optimiste, notamment lorsqu'il parle, au seuil d'une crise économique majeure qui débute par le choc pétrolier de 1973, de "pari en passe d'être gagné". Si, dans la première partie, son analyse de l'enclavement de la commune et de sa structure urbaine uniquement constituée de cités sans véritable centre, est pertinente, le discours de la seconde partie est très marqué par le contexte de l'époque. En effet, la réussite de la reconversion est encore considérée comme ne pouvant passer que par l'industrie, seule capable selon lui de continuer à faire augmenter, indirectement, les emplois tertiaires, par ailleurs déjà en développement sur la commune (le centre commercial, par exemple). Or, dans le contexte de crise qui a suivi et qui perdure encore aujourd'hui, le pari de l'industrie, fait à Liévin par l'implantation d'une zone industrielle à l'ouest de la commune (la ZI de l'Alouette) sur l'ancienne fosse n° 5, est en fait risqué. En effet, il est d'abord difficile d'attirer ces nouvelles implantations qui sont, de plus, fragiles dans un contexte de crise. Henri Darras explique d'ailleurs qu'il ne peut agir que sur le cadre et les infrastructures et que seul l'État peut inciter les industriels à s'installer. Mais, surtout, comme il le reconnaît implicitement, toutes les communes du Bassin suivent la même voie et la concurrence entre elles pour attirer de nouvelles activités va être rude ; la nécessité d'une reconversion cohérente à l'échelle de l'agglomération lensoise, voire à celle du Bassin, transparaît donc ici.
Enfin, en phase avec les perceptions de l'époque, le patrimoine minier, pourtant aujourd'hui élément clé de l'identité et de la reconversion du Bassin, est presque totalement occulté dans le reportage. De très courts plans, sur une lampe de mineur dans le bureau d'Henri Darras, sur les terrils de Loos, sur l'ancienne fosse n° 1 de Liévin, alors en friches (il n'en reste aujourd'hui que son chevalement, réhabilité, inscrit par l'Unesco et inséré dans la zone commerciale centrale de Liévin), et, enfin, sur une rue de coron, sont les seuls témoins de ce qui a pourtant donné naissance à la ville de Liévin.