Les chevalements du Bassin minier au Patrimoine mondial ?

21 novembre 2009
03m 11s
Réf. 00284

Notice

Résumé :

Le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais est candidat au Patrimoine mondial de l'Unesco, 70 sites sont présentés dont les 21 chevalements sauvegardés sur les 600 qui existaient. Virginie Debrabant, du Centre historique minier, explique qu'ils symbolisaient l'Entreprise. Ce sont des associations qui luttent pour préserver ce patrimoine. A Wallers-Arenberg, le carreau de mine a été classé, mais les anciens mineurs ont malgré tout dû se battre, rapporte René Lukasiewicz, président des "Amis de Germinal". A Haisnes Guy Dubois, de l'association "Mémoire du fond" relate que la population a réagi quand le propriétaire a cisaillé les molettes du chevalement en béton de la fosse 6.

Date de diffusion :
21 novembre 2009

Éclairage

A partir des années 2000, les chevalements, ou chevalets (le premier terme est en principe plus général que le second, mais l'usage de l'un ou l'autre dépend surtout des configurations locales) sont considérés, avec les terrils, comme l'un des principaux lieux de mémoire du monde minier (1). Le reportage concrétise d'ailleurs tout à fait cela, en intégrant l'historique des chevalements dans le processus alors en cours de classement du bassin du Nord-Pas-de-Calais au patrimoine mondial de l'Unesco. On s'amusera à noter que les dernières images sont rythmées par une chanson de Renaud, extraite de l'album Renaud cante el'Nord (1993) et intitulée "Les molettes".

Il faut pourtant noter que cette patrimonialisation des chevalements constitue une nette rupture. Longtemps ces derniers ont surtout été considérés comme les éléments, changeants en fonction de l'évolution des techniques, d'un cadre de travail. On peut toutefois penser qu'ils ont acquis, dès le temps de l'exploitation, une fonction symbolique, aux yeux des dirigeants des compagnies (comme signe de prestige) et aussi des mineurs (comme points de repère rythmant la vie quotidienne). Comme le note le reportage, de nombreux chevalements ont été abattus au moment de la fermeture des puits. La mise à bas d'installations aussi monumentales et aussi présentes dans le paysage a certainement créé un choc, qui a contribué à une prise de conscience concernant la nécessité de conserver ces lieux de la mémoire minière. Dès le début des années 1990, un certain nombre de chevalements sont inscrits à l'inventaire supplémentaire des Monuments historiques. Outre les bâtiments et la tour du 11/19 de Loos-en-Gohelle et du 9-9bis d'Oignies, c'est le cas par exemple des trois chevalements de Wallers-Arenberg (Nord), qu'évoque le reportage. Ces trois chevalements témoignent de l'évolution des techniques et de l'architecture industrielles (deux d'entre eux datent de la fin du XIXe siècle, le troisième a été construit dans les années 1960). Ils doivent leur conservation à cette valeur de témoignage et à leur visibilité nationale, qu'ils tiennent de la course cycliste Paris-Roubaix et du film Germinal de Claude Berri (1993). Mais on observera aussi qu'ils ont été réappropriés, à l'instar de certains de leurs semblables, par les anciens mineurs (ici l'Association des amis de Germinal, mise en place à la suite du film). Bien après avoir perdu toute utilité, au sens fonctionnel du terme, les chevalements, à l'instar des beffrois du Nord, semblent ainsi garder, aux yeux de la population locale, leur rôle de point de repère et de rappel du lien qui longtemps a uni les travailleurs du fond au monde de la surface. Comme le montre cependant le reportage, la protection et la mise en valeur des chevalements demeurent inégales. Il reste que les collectivités locales, qui ont repris une partie d'entre eux, se sont montrées de plus en plus sensibles à leurs fonctions mémorielles et ont de plus en plus cherché à les préserver. Parmi les biens qui, à l'été 2012, ont été classés au Patrimoine mondial de l'Unesco, on compte 21 chevalements.

(1) Voir Olivier Kourchid, Hélène Melin, "Mobilisations et mémoire du travail dans une grande région : le Nord-Pas-de-Calais et son patrimoine industriel", Le Mouvement social, n°199, 2002, p. 37-59. Également, Les paysages de la mine, un patrimoine contesté ?, Lewarde, Éditions du Centre Historique Minier, 2009, en particulier p.20.

Marion Fontaine

Transcription

Christelle Massin
Janvier prochain, une candidature importante pour la région, celle du bassin minier du Nord au patrimoine mondial de l’UNESCO. 70 sites présentés, parmi eux, 21 chevalements, ces tours incontournables de l’histoire, ils étaient 600 au XIXème siècle. La plupart ont disparu mais ceux qui restent ont pu être sauvés grâce au combat mené par d’anciens mineurs. C’est notre sujet patrimoine, Jean-Marc Devred, Frédéric Giltay.
Jean Marc Devred
La fosse Delloye à Lewarde a cessé de tourner en 1971. Depuis, le site a été préservé et abrite aujourd’hui le principal musée minier de France. Ces chevalements ou chevalets, fixés dans le décor perpétuent de façon visible, la mémoire des mines du Nord.
Virginie Debrabant
21 chevalements qui restent aujourd’hui, pour moitié ont été construits du temps des compagnies minières. L’autre moitié après nationalisation donc après 1945. Des chevalements qui, au moment des compagnies, symbolisent l’entreprise.
Jean Marc Devred
Le chevalement, c’est cette structure qui permet de descendre et remonter les mineurs ainsi que le charbon extrait du sous-sol. En deux siècles d’exploitation minière, les chevalements ont évolué en passant de la construction en bois puis en métal, pour finir au grand tour en béton comme à Oignies ou Loos-en-Gohelle. Plus l’extraction était profonde, plus la tour était élevée.
Virginie Debrabant
Au XIXème siècle arrivent les premières fosses telles qu’on les connaît ou telles qu’on en a une image, ces tours dans lesquels on a des mollettes. Des mollettes qui en fait, permettent d’actionner des câbles qui vont descendre au fond.
Jean Marc Devred
C’est ici sur la fosse d’Arenberg qu’a justement été tourné le film Germinal . Les trois chevalets remarquablement conservés sont peut-être les plus filmés au monde grâce à Paris-Roubaix. Le site est aujourd’hui classé et appartient à la communauté de communes, mais les anciens mineurs ont dû se battre pour défendre le puit quand l’exploitation a cessé.
René Likasiewicz
C’est vraiment, pour nous c'est une médaille, ça garde une certaine ambiance des anciens mineurs qui ont arrêté leur travail et parce qu'il y avait une certaine amitié, une solidarité, un amour du travail. Il y a beaucoup de choses qui rentrent en ligne de compte dans la vie d’un mineur.
Jean Marc Devred
Si à Arenberg, les chevalets sont sauvés, ce n’est pas le cas à Haisnes près de la-Bassée où Guy Dubois poursuit son combat pour restaurer la fosse 6.
Guy Dubois
Ben voilà, nous sommes sous le chevalet où la cage descendait et voilà le puits.
Jean Marc Devred
En 2004, les habitants ont manifesté quand le propriétaire a cisaillé les mollettes du chevalet en béton.
Guy Dubois
C’est un symbole d’autant plus fort que quand les mollettes tournaient, c’est que tout se passait bien. On remontait du charbon et les gens travaillaient tranquillement au fond de la mine. Et c’est surtout quand elles ne tournaient plus que on s’inquiétait parce que ça signifiait que ou il y avait un accident au fond de la mine, ou alors elles ne tournaient plus pendant un bon moment parce que les mineurs étaient en grève.
Jean Marc Devred
Cinq ans plus tard, l’entrepreneur est introuvable et le site est à l’abandon mais ce témoin encore intact du patrimoine industriel du bassin minier peut encore être sauvé.
(Musique)