La bataille du charbon : le prix à payer
Notice
Après la projection d'un document des Actualités Françaises datant de 1945 sur la "bataille du charbon", vantant les efforts à faire pour la production charbonnière malgré la déficience des moyens d'extraction, Louis Lethien, un des mineurs témoins des Mémoires de la mine, réagit : les mineurs vont payer la "bataille du charbon" de leur santé (progression de la silicose).
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Éclairage
Ce document est un extrait du remarquable documentaire réalisé par Jacques Renard en 1980 pour l'Institut National de l'Audiovisuel. Il rassemble des témoignages d'anciens mineurs.
Dans un premier temps, on montre un document des Actualités Françaises intitulé "Chez les gueules noires", faisant référence à la bataille du charbon et qui relate la venue du ministre Robert Lacoste à Lens le 17 septembre 1945 pour défendre un effort supplémentaire (1). Nous sommes à peine deux mois après l'appel de Monsieur Thorez à Waziers qui lance la bataille du charbon. On remarque la fameuse affiche "Mineurs, le sort de la France est entre tes mains". Cette affiche rend hommage à l'engagement des mineurs tout en exerçant sur eux une forte pression morale. Et par ailleurs, on annonce l'objectif à atteindre : "100 000 tonnes de charbon par jour". Mais comme le souligne le commentaire, les mineurs effectuent un "effort gigantesque" depuis septembre 1944 alors que "l'outillage des mines est déficient", ils ont accepté de travailler le dimanche (dès janvier 1945).
Et face à ces immenses difficultés, il faudrait rajouter les problèmes de ravitaillement. Effectivement , le mineur est celui qui, en France, a fait le plus de sacrifices et il attend toujours les effets bénéfiques de ces efforts et des promesses d'un statut du mineur (qu'il devra attendre jusqu'en avril 1946).
En septembre, la situation sociale n'est pas bonne. Malgré les efforts de la CGT et du Parti communiste pour les étouffer, des grèves revendicatives continuent. Ce que ne montre pas le montage des Actualités Françaises, c'est que c'est devant une foule houleuse que Robert Lacoste vient défendre au nom du gouvernement la production des 100 000 tonnes. Il réclame, en fait, de passer de 30 000 tonnes à 140 000 tonnes. Il faut tout le poids d'Auguste Lecoeur, maire communiste de Lens et de Benoît Frachon, secrétaire général de la CGT pour maintenir l'exaspération des milliers de mineurs rassemblés pour l'occasion. Ce dernier conclu : "la franchise et le courage du discours du ministre méritent respect, l'intérêt du peuple réclame l'augmentation de la production, l'effort n'est pas demandé au nom du comité des Houillères mais au nom de la Nation".
Le commentaire-témoignage de l'ancien mineur Louis Lethien qui suit, comporte donc un jugement nuancé. Il rappelle que les mineurs ont participé à la "bataille de la production" de façon volontaire. Ils agissaient sur la base de motivations patriotiques (rétablir l'économie française) et politiques (répondre aux appels à la mobilisation formulés par le PCF et par la CGT). Mais il pointe aussi les drames de la silicose.
L'évocation de l'augmentation des cas de maladie de la silicose, contracté au cours la période de la "bataille de la production", est un sujet particulièrement sensible. Si la silicose est un fléau ancien de la mine, les statistiques évoquent une augmentation de la maladie après la guerre avec un millier de cas nouveau chaque année dans les années 1950. Cette augmentation pourrait être le résultat de deux facteurs qui se conjuguent. D'une part, le développement de l'usage des marteaux piqueurs dans les années 1930 a considérablement accru la poussière dans les exploitations souterraines de charbon (une image de la première partie montre cette poussière) avant que n'interviennent dans les années cinquante les nouveaux engins de taille (haveuses, rabots) et les techniques d'aspersion d'eau qui limitent les effets de la poussière. D'autre part, l'engagement corporel des mineurs dans l'effort de production était très important et, en attendant les effets de la mécanisation et des modernisations, ils suppléent les déficiences mécaniques par un effort physique plus intense, au risque d'inhaler plus de poussières. Ceci est d'autant plus dangereux pour la santé que les organismes sont affaiblis par les pénuries alimentaires.
(1) Dans le documentaire de Jacques Renard, la date de 1947 indiquée à l'écran n'est donc pas exacte.