François Mitterrand à la Knesset

04 mars 1982
04m 16s
Réf. 00017

Notice

Résumé :
Extrait du discours de François Mitterrand prononcé à la Knesset devant les parlementaires israéliens.
Type de média :
Date de diffusion :
04 mars 1982
Source :
Antenne 2 (Collection: JT 20H )

Éclairage

Entre le 3 et le 5 mars 1982, François Mitterrand se rend en Israël pour une visite officielle, la première d’un président français depuis la création de l’Etat d’Israël en 1948, événement historique par conséquent et tournant dans la politique étrangère de la France au Proche-Orient.

En effet, depuis le conflit israélo-arabe de 1967 et l’annexion des territoires arabes par Israël, le général de Gaulle avait pris ses distances avec l’Etat hébreu, position maintenue par Georges Pompidou et Valéry Giscard d’Estaing. Fidèle ami de l'Etat juif, proche du parti travailliste israélien, Mitterrand n’a jamais caché son soutien à Israël, tout en étant conscient de la nécessité pour le peuple palestinien d’avoir un Etat. Position équilibrée par conséquent, que le président prend le parti de défendre devant la Knesset (le parlement israélien) à l’occasion de sa visite officielle.

Dans une longue introduction, Christine Ockrent revient sur l’ambiance particulière de cette deuxième journée de la visite présidentielle à Jérusalem où « les sentiments et la politique sont inextricablement mêlés ». « Les sentiments » - le recueillement au mémorial de Yad Vashem, lieu du souvenir des victimes de l’Holocauste - ont laissé place ensuite à « la politique », le long discours du président sur la situation au Proche-Orient devant le Parlement. La présentatrice du 20 heures souligne longuement le caractère historique de ce discours « magistral », « où tous les mots attendus ont été prononcés dans un ordre subtil (…) devant un auditoire suspendu ».

Le reportage rediffuse le moment-clé de l’allocution présidentielle sur l’Etat palestinien. François Mitterrand rappelle son engagement de la première heure aux côtés du peuple juif, lorsqu’il avait plaidé en faveur d’un asile pour l’Exodus, navire sur lequel des communautés juives avaient tenté de rejoindre la Palestine en 1947. Ce droit légitime d’un peuple à vivre sur sa terre, le président le revendique également pour le peuple palestinien « habitants de Gaza et de Cisjordanie », territoires occupés par Israël.

Le chef de l’Etat est prêt à reconnaître le principal mouvement de résistance armée défendant la cause palestinienne, l’OLP (Organisation pour la Libération de la Palestine), créée en 1964 et dirigée par Yasser Arafat depuis 1973, à condition qu’il reconnaisse, de son côté, l’existence de l’Etat d’Israël et renonce à l’usage de la violence, c’est-à-dire aux attentats terroristes perpétrés contre les Israéliens. La reconnaissance d’un Etat palestinien impliquerait par conséquent l’évacuation des territoires occupés, condition rejetée par les dirigeants israéliens. La réponse du Premier ministre, Menahem Begin est sans appel : « La création d’un Etat palestinien aurait pour seul but de détruire l’Etat juif », Begin critique vigoureusement la position française et dénonce en particulier l’attitude du ministre des Affaires extérieures, Claude Cheysson, qui ne cache pas à l'époque sa sympathie pour l'OLP.

L’invasion du Sud Liban par l’armée israélienne quelques mois après ce voyage, en juin 1982 conduira François Mitterrand à soutenir davantage la cause palestinienne.
Agnès Tachin

Transcription

Christine Ockrent
Madame, Monsieur, bonsoir. Les sentiments et la politique inextricablement mêlés sous le ciel éclairci de Jérusalem ont dominé aujourd’hui la deuxième journée du voyage officiel du Président Mitterrand en Israël. Les sentiments, l’horreur de l’Holocauste, l’émotion du souvenir quand François Mitterrand s’est recueilli ce matin au mémorial de Yad Vashem. La politique, avec le discours très attendu du chef de l’État Français devant la Knesset, le parlement israélien, qui, en invitant ainsi un chef d’État étranger à évoquer publiquement les problèmes qui touchent à vif le cœur et la conscience d’Israël, donnait aussi une belle leçon de démocratie. Un discours magistral où tous les mots attendus ont été prononcés, dans un ordre subtil, et assorti de nuances, pesées à la syllabe près par un auditoire suspendu. "Le peuple juif est un peuple noble et fier" a dit François Mitterrand en ouvrant son allocution par un grand éloge de l’État d’Israël, avant d’en venir à ce que tout le monde attendait : le chapitre palestinien.
François Mitterrand
Pourquoi, en 1947, membre du gouvernement de mon pays, ai-je été, vous le rappeliez Monsieur le Premier Ministre, hier, ai-je été avec Édouard Depreux, l’un des deux ministres de l’époque, à plaider et à obtenir asile pour L’Exodus. Parce que je ne supportais pas que ces hommes et ces femmes en quête de liberté fussent chassés de partout, rejetés du droit d’être eux-mêmes, par ceux qui avaient plein la bouche de grands mots et de grands principes. Il n’y a pas pour la France d’interdit, et son devoir est de tenir et toujours, et partout, un seul et même langage. Ce développement vous indique la direction qu’il prend. Pourquoi ai-je souhaité que les habitants arabes de Cisjordanie et de Gaza disposent d’une patrie ? Parce qu’on ne peut demander à quiconque de renoncer à son identité, ni répondre à sa place, à la question posée. Il appartient, je le redis, aux Palestiniens, comme aux autres de quelque origine qu’ils soient, de décider eux-mêmes de leur sort. A l’unique condition, qu’ils inscrivent leurs droits dans le respect du droit des autres, dans le respect de la loi internationale et dans le dialogue substitué à la violence. Je n’ai, pas plus qu’un autre, à trancher, qui représente ce peuple et qui ne le représente pas. Comment l’OLP par exemple, qui parle au nom des combattants, peut-elle espérer s’asseoir à la table des négociations tant qu'elle déniera le principal, et le droit d’exister, et les moyens de sa sécurité à Israël ? Le dialogue suppose la reconnaissance préalable et mutuelle du droit de l’autre à l’existence. Le renoncement préalable et mutuel à la guerre directe ou indirecte, étant entendu que chacun retrouvera sa liberté d’agir en cas d’échec. Le dialogue, suppose que chaque partie puisse aller jusqu’au bout de son droit, ce qui, pour les Palestiniens, comme pour les autres, peut le moment venu signifier un État.
Christine Ockrent
Le principal obstacle à l’amitié profonde de la France et d’Israël est le soutien de la France au principe d’un État palestinien, a répliqué dans son discours le Premier Ministre israélien. Monsieur Begin a réaffirmé les vertus de la formule d’autonomie qu’Israël entend mettre en place dans les territoires occupés ; en disant une fois encore qu’un Etat palestinien aurait pour seul but de détruire l’État juif. Et avec la vigueur qu’on lui connaît, Monsieur Begin n’a pas hésité à mettre en cause directement le ministre français des relations extérieures, Claude Cheysson, pour le soutien que celui-ci apporterait aux visées palestiniennes.