Question sur la francophonie au président Mitterrand

09 juin 1982
02m 09s
Réf. 00084

Notice

Résumé :
Le Président François Mitterrand répond à une question sur le déclin de la francophonie. Il entend développer les institutions existantes qui ne sont pas à la hauteur de son attente. Il rend hommage aux promoteurs de la cause francophone tels que Philippe de Saint-Robert et Pierre Emmanuel.
Date de diffusion :
09 juin 1982
Source :

Éclairage

Le 9 juin 1982, au cours d’une conférence de presse donnée par le Président de la République depuis l’Elysée, une journaliste aborde le thème de la francophonie, conçue comme un atout du rayonnement français. François Mitterrand rappelle que le sujet le passionne. Pensée à la fin du XIXe siècle par le géographe Onésime Reclus, cette notion se démocratise dans les années 1960. Dérivé de l’expression « pays francophones », euphémisant la désignation des pays issus de l’Empire colonial français, « francophonie » est employé pour qualifier l'ensemble des personnes qui parlent régulièrement le français. Cependant, c’est à la Francophonie (avec une majuscule) à laquelle le Président se réfère, c’est-à-dire à la construction institutionnelle liée à ce concept. Issue de l’initiative du Tunisien Bourguiba, du Nigérien Diori et du Cambodgien Norodom Sihanouk, l’idée d’un édifice francophone fut relayée avec talent par le Président-poète sénégalais Léopold Sédar Senghor, plébiscitant un « humanisme intégral qui se tisse autour de la terre ». 

Après la création de la Conférence des Ministres de l’Education des pays africains et malgache d’expression française (devenue COFEMEN) en 1960, se développe une pléiade d’institutions vouées à la promotion du français. Le poète et Académicien Pierre Emmanuel est membre du Haut Comité de la langue française, créé en 1966 auprès du Premier Ministre. Cette dynamique aboutit, à partir de 1970, à une politique de coopération francophone, avec la création de l’Agence de Coopération Culturelle et Technique. Le processus est entravé par le conflit opposant René Lévesque, Premier ministre indépendantiste du Québec, et Pierre Elliott Trudeau, à la tête du gouvernement fédéral du Canada, tous deux défendant leur légitimité à participer souverainement à cette construction. 

Au début de son mandat, François Mitterrand souhaite une nouvelle cohérence pour cet ensemble d’institutions, et propose des pistes éparses. Dès janvier 1983, Stelio Farandjis, universitaire français, sera chargé d’une mission prospective qui aboutit à la création du Haut Conseil de la Francophonie, présidé par le chef de l’État et Léopold Sédar Senghor. Philippe de Saint-Robert prend la responsabilité d’un Commissariat général de la Langue française. Les 17-19 février 1986 se tient un premier Sommet à Versailles, au cours duquel l’ACCT, aujourd'hui Organisation internationale de la Francophonie, devient l’organe de coordination de l’ensemble des institutions francophones.
Elodie Salmon

Transcription

François Mitterrand
Madame ?
Lyne Cohen-Solal
Monsieur le Président, vous nous avez parlé du rayonnement de la France mais pas de ses aspects culturels et je voulais savoir si le recul de la francophonie qu’on a enregistré ne vous inquiète pas.
François Mitterrand
C’est pourquoi je m’en occupe, c’est un sujet qui me passionne. Je pense que les institutions existantes ne sont pas en mesure de répondre à mon attente. Nous avons cependant à leur tête un certain nombre de responsables de grande valeur qui vont pouvoir me soumettre des propositions qui feront que la francophonie et les institutions tendant à défendre la langue française seront mises en place d’ici peu ; y compris l’institution dite, disons francophone, qui a buté sur des problèmes propres au Canada ou Québec, vous le savez. Une idée chère à Monsieur Senghor, qui m’est chère aussi. Et je crois pouvoir compter sur le concours de personnalités éminentes qui s’en sont déjà occupé et qui sont prêts à reprendre ce collier là. Je pense à Monsieur Pierre Emmanuel, Monsieur Philippe de Saint Robert qui, pendant des années ont servi dans ce domaine qui savent qu’ils seront les bienvenus pour poursuivre. Je pense aussi que l’action de Monsieur Farandjis est moderne, rafraîchissante et en même temps active, dynamique. Je voudrais d’ailleurs développer en France, autour du Président de la République, un Conseil des Sciences. Je voudrais développer de la même façon, peut-être à l’Institut de France, une section internationale francophone, de la même façon que je voudrais qu’existe, et puis si ce n’est pas possible là, que se crée cet organisme, en dehors. Que se crée aussi une section de l’audiovisuel car c’est une science et c’est un art qui vaut bien les autres et qui nous permettrait de mieux appréhender les problèmes qui se posent dans ce domaine, voilà. C’était une réflexion à la volée, vous m’excuserez de ne pas être plus ordonné mais il faut en terminer. Monsieur Gouze ?