Pour une exception culturelle
21 septembre 1993
30s
Réf. 00207
Notice
Résumé :
Au cours de son voyage en Pologne à Gdansk où il est venu recevoir le titre de docteur honoris causa de l'université, François Mitterrand défend l'exception culturelle européenne contre les nouveaux accords du GATT.
Type de média :
Date de diffusion :
21 septembre 1993
Personnalité(s) :
Éclairage
Le 21 septembre 1993, en voyage en Pologne, François Mitterrand reçoit le titre de docteur honoris causa de l'université de Gdansk, devant un parterre prestigieux : le président polonais Lech Walesa, le président allemand Richard Von Weizsäcker sont présents.
François Mitterrand reçoit cette distinction pour le rôle décisif qu'il a joué dans le développement de la démocratie en Pologne. Il a notamment permis à Lech Walesa et Bronislaw Géremek, représentants de Solidarnosc, de voyager vers l'Occident au cours des années 1980. Lors d'une conférence de presse le même jour, Lech Walesa explique : "Nous avons effectué un grand travail et c'est à partir de ce moment-là que tout a commencé".
François Mitterrand reçoit son titre à Gdansk, la ville de la révolte contre le gouvernement de la République Populaire de Pologne. C'est dans cette ville que commence la contestation du régime, à la suite du licenciement d'Anna Walentynowicz, ouvrière des chantiers navals. C'est là qu'elle fonda avec Lech Walesa le premier syndicat indépendant du pays, Solidarnosc, à la fin de l'été 1980.
Au cours de son discours, François Mitterrand rend hommage à la ville de Gdansk, une ville marquée par l'histoire. Il évoque notamment l'occupation nazie dès 1939 puis les actions de Solidarnosc dans les 1980. Il n'évoque pas le passé multi-ethnique de la ville dont la majorité de la population fut allemande jusqu'en 1945 : la ville était alors connue sous le nom de Dantzig. Cependant, François Mitterrand rend hommage à l'Allemagne et à ses éminents jurisconsultes, Pufendorf et Wolff, qui ont les premiers théorisés le droit de résistance et ainsi inspirés les philosophes des Lumières.
Après avoir mis l'accent sur la souveraineté de la nation polonaise, François Mitterrand évoque la construction de l'Europe. Il voit dans cette rencontre de trois présidents européens à Gdansk une véritable volonté de construire une Europe de paix : "Certes, ni vous, ni moi, n'ignorons le passé, et je ne tente pas de l'oublier. Mais c'est précisément ce passé qui commande de réussir et de parachever l'audacieuse entreprise commencée au lendemain du pire désastre par des hommes qui connaissaient le prix du sang, le prix des larmes, le terrible prix de nos déchirements". Selon François Mitterrand, il faut "agir pour le compte des générations futures en sachant que, par là, nous les sauverons d'elles-mêmes".
François Mitterrand poursuit ensuite en rappelant l'importance des artistes et intellectuels polonais dans la culture européenne. Il cite le compositeur Chopin, les parents polonais de Freud, l'historien Bronislow Géremek, les écrivains Gombrowicz et Conrad, ou encore les cinéastes Kieslovski et Polanski. Il insiste alors sur la construction d'une Europe culturelle et spirituelle. Selon lui, l'Europe ne doit pas être réduite à ses frontières et à ses institutions.
C'est alors que François Mitterrand se lance dans un long développement sur l'exception culturelle. Dans des mots très durs, le président français estime que l'Europe n'est plus menacée par les totalitarismes mais par des maux plus insidieux "l'économisme, le mercantilisme, le pouvoir de l'argent". Il reproche alors aux partenaires d'Amérique de vouloir inclure la culture et le secteur de l'audiovisuel dans le nouvel accord de libre échange du GATT. Selon François Mitterrand, "les créations de l'esprit ne sont pas des marchandises, les services de la culture ne sont pas de simples commerces. Défendre le pluralisme des oeuvres et la liberté de choix du public est un devoir. Ce qui est en jeu, c'est l'identité culturelle de nos nations, c'est le droit pour chaque peuple à sa propre culture, c'est la liberté de créer et de choisir nos images. Une société qui abandonne à d'autres ses moyens de représentation, c'est-à-dire les moyens de se rendre présente à elle-même, est une société asservie". Le président français conclut son intervention par un appel aux pays européens à défendre cette exception culturelle lors des négociations du GATT.
François Mitterrand reçoit cette distinction pour le rôle décisif qu'il a joué dans le développement de la démocratie en Pologne. Il a notamment permis à Lech Walesa et Bronislaw Géremek, représentants de Solidarnosc, de voyager vers l'Occident au cours des années 1980. Lors d'une conférence de presse le même jour, Lech Walesa explique : "Nous avons effectué un grand travail et c'est à partir de ce moment-là que tout a commencé".
François Mitterrand reçoit son titre à Gdansk, la ville de la révolte contre le gouvernement de la République Populaire de Pologne. C'est dans cette ville que commence la contestation du régime, à la suite du licenciement d'Anna Walentynowicz, ouvrière des chantiers navals. C'est là qu'elle fonda avec Lech Walesa le premier syndicat indépendant du pays, Solidarnosc, à la fin de l'été 1980.
Au cours de son discours, François Mitterrand rend hommage à la ville de Gdansk, une ville marquée par l'histoire. Il évoque notamment l'occupation nazie dès 1939 puis les actions de Solidarnosc dans les 1980. Il n'évoque pas le passé multi-ethnique de la ville dont la majorité de la population fut allemande jusqu'en 1945 : la ville était alors connue sous le nom de Dantzig. Cependant, François Mitterrand rend hommage à l'Allemagne et à ses éminents jurisconsultes, Pufendorf et Wolff, qui ont les premiers théorisés le droit de résistance et ainsi inspirés les philosophes des Lumières.
Après avoir mis l'accent sur la souveraineté de la nation polonaise, François Mitterrand évoque la construction de l'Europe. Il voit dans cette rencontre de trois présidents européens à Gdansk une véritable volonté de construire une Europe de paix : "Certes, ni vous, ni moi, n'ignorons le passé, et je ne tente pas de l'oublier. Mais c'est précisément ce passé qui commande de réussir et de parachever l'audacieuse entreprise commencée au lendemain du pire désastre par des hommes qui connaissaient le prix du sang, le prix des larmes, le terrible prix de nos déchirements". Selon François Mitterrand, il faut "agir pour le compte des générations futures en sachant que, par là, nous les sauverons d'elles-mêmes".
François Mitterrand poursuit ensuite en rappelant l'importance des artistes et intellectuels polonais dans la culture européenne. Il cite le compositeur Chopin, les parents polonais de Freud, l'historien Bronislow Géremek, les écrivains Gombrowicz et Conrad, ou encore les cinéastes Kieslovski et Polanski. Il insiste alors sur la construction d'une Europe culturelle et spirituelle. Selon lui, l'Europe ne doit pas être réduite à ses frontières et à ses institutions.
C'est alors que François Mitterrand se lance dans un long développement sur l'exception culturelle. Dans des mots très durs, le président français estime que l'Europe n'est plus menacée par les totalitarismes mais par des maux plus insidieux "l'économisme, le mercantilisme, le pouvoir de l'argent". Il reproche alors aux partenaires d'Amérique de vouloir inclure la culture et le secteur de l'audiovisuel dans le nouvel accord de libre échange du GATT. Selon François Mitterrand, "les créations de l'esprit ne sont pas des marchandises, les services de la culture ne sont pas de simples commerces. Défendre le pluralisme des oeuvres et la liberté de choix du public est un devoir. Ce qui est en jeu, c'est l'identité culturelle de nos nations, c'est le droit pour chaque peuple à sa propre culture, c'est la liberté de créer et de choisir nos images. Une société qui abandonne à d'autres ses moyens de représentation, c'est-à-dire les moyens de se rendre présente à elle-même, est une société asservie". Le président français conclut son intervention par un appel aux pays européens à défendre cette exception culturelle lors des négociations du GATT.
Félix Paties