La visite de Fidel Castro à Paris

13 mars 1995
01m 59s
Réf. 00024

Notice

Résumé :
La visite de Fidel Castro en mars 1995 à Paris est due à l’initiative personnelle de Danielle Mitterrand. Les discussions bilatérales entre Fidel Castro et François Mitterrand concernent l’embargo nord américain et la question des droits de l’homme à Cuba. Sa visite dans la capitale se poursuit ensuite par le passage du chef d’Etat cubain à l’Elysée, à l’Unesco et à l’Assemblée Nationale. Cela n’empêche pourtant pas les manifestations d’opposition des dissidents anticastristes cubains à Paris.
Date de diffusion :
13 mars 1995
Source :
FR3 (Collection: Soir 3 )

Éclairage

L’entrevue entre les deux chefs d’Etat s’inscrit dans un ensemble de circonstances inédites. Pour Cuba, la Période Spéciale des années 1990 est synonyme de crise économique. Rappelons que le régime communiste cubain vivait de l'aide soviétique jusqu'en 1991. Lors de la dislocation de l'Union Soviétique, les difficultés économiques internes ont redoublé d'intensité. Le gouvernement a décrété la Période Spéciale en temps de paix préparant les Cubains à de graves pénuries et à des difficultés financières. L'année 1993 est le pic de cette conjoncture.

Le régime castriste recherche ainsi de nouveaux alliés contre l’embargo américain que Cuba subit. Dans un contexte international d’après guerre froide caractérisé par la “mondialisation heureuse”, la France tend elle aussi à privilégier de nouvelles alliances notamment avec le régime cubain. Cela se situe à la fin du mandat présidentiel de François Mitterrand (1981-1995).

En réalité, l’arrivée de Fidel Castro en France en mars 1995 est en soi un fait historique. En effet, le régime castriste et son Lider Maximo sont depuis 1962 sont sous le coup de l’embargo des États-Unis qui isole Cuba du reste du monde. Or, depuis la chute du bloc communiste en 1989-1991, l’Etat cubain est sans ressources ni aide extérieure. La recherche d’un allié en la France se révèle donc nécessaire. Du côté français, cet évènement est aussi inédit. Le pays appartient au bloc Ouest, allié traditionnel des Américains. Or, Cuba est un État communiste, ennemi désigné des États-Unis. Cela constitue donc un fait nouveau dans la diplomatie française. Celle-ci repose sur le dialogue des droits de l’homme et des intérêts économiques avec Cuba. D’autre part, la notion de soft power est elle-même importante. En effet, la France, puissance moyenne mais aux ambitions mondiales, prétend utiliser la francophonie en sa faveur pour développer sa présence douce dans le monde, notamment à Cuba.

A travers l’extrait tiré du reportage de Soir 3 du 13 mars 1995, on découvre le traitement attribué à cet évènement. Le journal télévisé traite l’information d’un point de vue neutre ou prétendu neutre. Il livre des détails de la visite officielle du Chef d’Etat cubain à Paris lors du passage à l’Elysée, à l’Unesco ou à l’Assemblée Nationale. De fait, le discours est très neutre sans parti pris apparent dans le respect des canons officiels. Néanmoins, on devine le caractère inédit de la visite de Fidel Castro à Paris à travers la forme et le fonds du reportage.
Thomas Péan

Transcription

Présentateur
Tapis rouge pour Fidel Castro à Paris, le Líder Máximo a été reçu avec tous les honneurs par le Président de la République, en fin de matinée, François Mitterrand est le premier chef d’État occidental à lui accorder un tête-à-tête; une visite qui ne fait pas l’unanimité. Mémona Hintermann, Gilles Jacquier.
Journaliste
L’image d’une fraternité qui s’affiche. Danielle Mitterrand ne cache pas qu’elle tenait à ce voyage, elle l’a obtenu. Pourtant, Castro vient encore d’être condamné par les Nations Unies parce qu’il emprisonne ses opposants.
(Bruit)
Journaliste
En foulant le gravier de l’Elysée avec tous les honneurs dûs à un chef d’État, le Président cubain en visite privée sait que le moment est important. Bien sûr, il s’habille comme n’importe quel capitaliste parvenu, mais l’enjeu est de taille. François Mitterrand va tenter à nouveau d’obtenir la levée du blocus américain de Cuba, en échange, il réclame la liberté pour les Cubains. Après 30 ans d’isolement, Castro savoure cet instant comme un rêve.
(Bruit)
Journaliste
Le rêve, c’est aussi pour lui, à qui le mot dictateur colle à la peau, de parler à l’UNESCO, l’organisation mondiale spécialisée dans la culture donc la liberté. L’occasion de critiquer violemment les États-Unis et je cite, "leur embargo criminel contre un petit pays socialiste".
(Bruit)
Journaliste
Pendant ce temps devant le siège de l’UNESCO, une escouade de poètes, d’écrivains cubains; certains ont connu la prison et la torture, parce qu’ils n’ont pas accepté le régime des partis uniques.
Inconnu 1
C’est une honte, c’est vraiment une honte pour un pays démocratique, c’est une honte pour la France.
Inconnu 2
Je trouve ça vraiment scandaleux.
Journaliste
Pourquoi ?
Inconnu 2
Qu’il soit reçu... Un dictateur de sa nature...
Inconnu 3
Fidel Castro il ne change pas, il joue une comédie actuelle; à l’heure actuelle, il joue une comédie. Et, il est un grand acteur. C’est un homme de grande scène, donc…
Journaliste
Castro n’aura pas eu l’honneur de prononcer un discours à l’Assemblée nationale, mais Philippe Séguin lui en a donné l’illusion; l’image pourra toujours servir à Cuba.